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Bouhier l'a fait; mais quoiqu'il se trouve dans sa traduction quelques vers heureux, il s'en faut bien qu'elle approche de l'original. Mes lecteurs en jugerout, c'està-dire, ceux qui connoissent les deux langues. A l'égard des autres, qu'ils soient bien persuadés qu'ils ne voient qu'une copie sèche et morte du tableau le plus brillant, le plus animé qu'il y ait dans l'univers.

Addition de l'Éditeur. Malfilàtre avoit joint à ce quatrième livre la traduction qu'en a faite M. le président Bouhier; nous avons cru qu'il suffisoit d'en rapporter les endroits les plus remarquables, comparés avec les vers correspondans des traducteurs modernes. Nous ne les avons pas tous cités cependant; car, sans parler des malheureux essais en vers métriques de M. Turgot, nous connoissons encore deux traductions en vers français du quatrième livre de l'Énéïde; l'une publiée en l'an vi par C. P. B., et l'autre, en l'an XI, par Charles Mullot, ancien victorin; mais elles sont tellement plates et ridicules d'un bout à l'autre, que nous nous sommes cru dispensés de les tirer du profond oubli dans lequel elles sont ensevelies depuis leur naissance.

Nous nous sommes rappelé plus tard l'Héroïde de Didon à Énée, par l'infortuné Gilbert, dans laquelle on retrouve des imitations assez heureuses de Virgile, et nous regrettons de ne les avoir pu citer à leur place. En voici quelques-unes qui peut-être inspireront le desir de lire la pièce toute entière:

<< Des traits de la pitié l'Amour perça mon cœur:
Malheureuse, j'appris à plaindre le malheur.

Restes infortunés des ondes en courroux,
Toi, ton fils, à la mort je vous arrachai tous;

Et sans savoir de toi que ton nom, faux peut-être,
De mes états naissans je te rendis le maître.

Chère Élise, ô ma sœur, c'est toi qui m'as perdue!
Tu versas dans mon sein le poison qui me tue.
Faut-il qu'à tes conseils mon cœur se soit prêté ?

Qu'ai-je fait? malheureuse! à quoi suis-je réduite?
Perfide, vois les maux où m'expose ta fuite;
Vingt rois que j'ai bravés menacent mes états;
Vois nos champs, vois ces murs hérissés de soldats ;
Vois Iarbe à leur tête, échauffant le carnage,
Le fer, la flamme en main, anéantir Carthage.
Moi femme, sans appui, comment parer ces coups?
Comment de tant de rois appaiser le courroux!....
Irai-je à ces tyrans armés contre ma vie,
Offrir, pour les calmer, une main avilie,
Moi qui les ai tous vus, amans humiliés,
Déposer, mais en vain, leurs sceptres à mes piés?

toi;

Mais puisqu'enfin le ciel, propice à tes souhaits,
Au lieu de les punir protège tes forfaits;
Puisque pour t'arrêter, pitié, reconnoissance,
Amour, nature, honneur, tout paroît sans puissance,
Je ne te retiens plus, ingrat, fuis loin de moi.
Vénus n'a pu produire un monstre tel que
Horrible nourrisson des tigres d'Hyrcanie,
Ta bouche avec leur lait suça leur barbarie,
Et les mers en fureur, te roulant dans leurs flots,
T'ont vomi sur ces bords pour m'accabler de maux,
Monstre, tu sus trop bien remplir ta destinée, etc.

LIVRE CINQUIÈME.

ARGUMENT.

Énée étant parti de Carthage pour l'Italie, est obligé par une tempête de relâcher en Sicile, où il est bien reçu par Aceste. Là, il célèbre par des jeux l'anniversaire de la mort d'Anchise. Ces jeux sont un combat de vaisseaux, un combat de la course, un combat du ceste et un combat de l'arc. Lorsqu'ils sont finis, Jule, à la tête d'une troupe de jeunes gens, paroît à cheval et donne le spectacle des jeux Troyens, jeux qu'Auguste, après Jules-César, avoit introduits à Rome avant que Virgile composât son Énéide. (Voy. les notes du liv. V.) Les femmes Troyennes, ennuyées d'une longue navigation, se laissent persuader par Iris, qui, par l'ordre de Junon, les exhorte à brûler la flotte d'Énée. Elles profitent du temps que leur laissoit la célébration des jeux, s'arment de flambeaux et mettent le feu à tous les navires qui étoient dans le port. Quatre sont brûlés, le reste est sauvé par une pluie abondante que Jupiter, par commisération, verse sur l'incendie. Le vieux Nautès conseille à Énée d'emmener en Italie toute la jeunesse Troyenne, et de laisser les vieillards, les malades et les femmes dans les états d'Aceste. Cet avis est confirmé par Anchise, qui apparoît en songe à son fils, et lui ordonne, lorsqu'il sera arrivé en Italie, d'aller trouver la sibylle de Cumes, par laquelle il sera conduit aux enfers, où il apprendra ses destinées et celles des Romains, ses descendans. Énée obéit à son père, fonde en Sicile la ville d'Aceste, du consentement de

ce prince, et se met en mer. Vénus obtient pour lui de Neptune une heureuse navigation. Dans cette course, il perd son pilote Palinure, qui en dormant tombe dans la mer. Le héros s'éveille, donne des regrets à la mort de son pilote, et prend lui-même le gouvernail en main.

CEPENDANT Énée, inébranlable dans sa résolution, étoit déjà au milieu du golfe, et ses rameurs fendoient les flots agités par l'Aquilon. Il tourna les yeux sur les murs qu'il avoit abandonnés, et les flammes de l'embrasement frappèrent ses regards il en ignoroit la cause; mais il savoit ce que peut un amour outragé et une femme en fureur, et ces feux allumés firent naître dans son esprit les plus funestes soupçons.

Quand les vaisseaux furent en pleine mer, et qu'on ne vit plus que le ciel et la vaste étendue des eaux,

Un nuage, soudain rassemblé sur leur tête,
Apporte dans ses flancs la nuit et la tempête;.

il noircit les flots, et répand l'horreur dans l'ame des Troyens. Palinure lui-même en frémit. «Quels affreux nuages dans les airs, s'écrie-t-il? ô Neptune que nous prépares-tu? « En même-temps il fait abaisser les voiles, les présente obliquement aux vents, en tournant les antennes, et nous ordonne de faire force de rames. «< Prince, dit-il à Énée, je désespérerois, malgré la promesse de Jupiter même, de gagner l'Italie avec ces vents contraires:

ils se croisent; celui du couchant s'unit contre nous à l'aquilon, et le ciel n'est plus qu'un nuage. Laissons-nous conduire par les vents et par le sort, puisqu'il est inutile de leur résister; ils nous pousseront d'eux-mêmes vers la Sicile, dont nous ne sommes pas loin, si je ne suis point trompé par les astres que j'ai observés. »> « Oui, répondit Énée, je remarque l'inutilité de nos efforts, cédons, et faisons voile vers ces bords: en peut-il être pour moi de plus agréables? C'est là que règne Aceste, Troyen d'origine; c'est là que reposent les cendres de mon père. » Il ordonne aussitôt de tourner les proues, et la flotte, poussée alors par un souffle favorable, aborde à pleines voiles dans le Drépan.

port

de

Aceste, l'arc en main et couvert de la peau d'une panthère de Lybie, aperçut de loin les Troyens. Ce prince, fils du fleuve Crinise et d'une mère Troyenne, vit avec joie revenir ses compatriote; il les félicite sur leur retour, leur présente des rafraîchissemens, et leur fait oublier, par l'accueil le plus agréable, leurs fatigues et leurs peines.

A peine à l'orient l'aurore de retour(1)
Aux astres de la nuit fait succéder le jour;
Aux manes paternels préparant son hommage,
Le héros empressé parcourt tout le rivage:
Il rassemble en un lieu tous les Troyens épars;
Et là, d'une hauteur d'où ses libres regards
Embrassent d'un coup d'œil la foule qu'il domine :

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