Alors son esprit flottant est partagé entre mille résolutions qui se détruisent, et l'empêchent de se fixer à aucune. Il regarde tour à tour les Rutules et la ville de Laurente, il craint le coup qui le menace; il ne sait ni comment l'éviter, ni comment se jeter sur son ennemi; ses yeux ne voient nulle part, ni son char, ni sa sœur qui le conduisoit. Énée, toujours armé de son terrible javelot, le poursuit, le menace, ne lui laisse pas le temps de se reconnoître, et cherche l'occasion de frapper un coup assuré. Enfin il jette de toute sa force le funeste dard. Les rochers poussés par la baliste frappent les remparts avec moins de fureur, et les éclats de la foudre sont moins violens. Le trait perce l'extrémité du bouclier à sept cuirs, pénètre le bas de la cuirasse et s'enfonce dans la cuisse de Turnus. Le guerrier malheureux plie le genou et tombe à terre a fa De joie et de douleur mille cris se confondent, Tu le vois, rien ne manque à ton cruel bonheur; C'est peu d'être vainqueur, sois humain.....» (*) Le redoutable Énée, le bras levé sur son rival; le regardoit d'un air furieux, et rouloit des yeux enflammés de colère; mais insensiblement il commençoit à se laisser fléchir par sa voix suppliante, lorsqu'il vit briller sur son épaule le baudrier de Pallas, ce baudrier précieux que Turnus avoit enlevé au jeune fils d'Évandre, après l'avoir tué de sa main; ornement funeste pour lui, et qu'il se faisoit gloire de porter. A peine il aperçoit cet horrible trophée, Et son ame en courroux s'enfuit dans les Enfers. (**) (*) Delille. (**) Delille. FIN DU DOUZIÈME LIVRE. DU DOUZIÈME LIVRE DE L'ÉNÉIDE. (1)CETTE comparaison est imitée de celle-ci d'Homère, traduite par M. Aignan, livre cinquième de l'Iliade: Tel le roi des forêts, qu'une flèche incertaine, Lucain en a aussi tiré parti dans le premier livre de la Pharsale. Voici ses vers : Sic cum squalentibus arvis (Note de l'Éditeur.) (2) Homère, au quatrième livre de l'Iliade, en parlant de Ménélas blessé, s'exprime ainsi dans la traduction de M. Aignan : 'Goutte à goutte le sang découle de son corps, Comme, des fiers coursiers pour enrichir le mors, Aux champs Méoniens favoris de la gloire, La pourpre Virgile, comme on voit, a employé cette comparaison, mais dans une circonstance différente. Le Tasse, au troisième chant de la Jérusalem, compare la pourpre du sang qui dégoutte des cheveux blonds de Clorinde, à des rubis enchassés dans de l'or. L'Arioste, au vingt-quatrième chant du Roland furieux, assimile la blessure de Zerbinà un ruban de pourpre qui se joue sur une toile d'argent. (Note de l'Éditeur.) (3) La formule de serment qui précède ici le combat singulier d'Énée et de Turnus, est la même que celle employée par Homère au troisième livre de l'Iliade, Jorsque Pâris et Ménélas engagent un combat à mort; en voici la traduction par M. Aignan: O toi qui sur la terre, (4) C'est le titre que portoient les douze rois d'Étrurie: chacun d'eux étoit à son tour le chef des autres. (5) M. Delille a traduit librement cet endroit de Virgile: Animé par l'espoir, enflammé de colère, Mes armes! mes chevaux! dit son fier adversaire. Sous leurs pas foudroyans la Thrace au loin gémit; De cadavres sanglans la Victoire entourée, 1 La Déroute au front pâle, à la marche égarée, Des mourans sous les morts il étouffe les cris: |