SUR VIRGILE, COMPARÉ AVEC TOUS LES POÈTES ÉPIQUES ET DRAMATIQUES DES ANCIENS ET DES MODERNES, ANCIEN PROFESSEUR DE POÉSIE LATINE, SUCCESSEUR DE DELILLE AU COLLÉGE DE FRANCE, l'Elsynor ti A PARIS, RUE DU JARDINET, N° 13. PRÉLIMINAIRES. 000 LORSQUE Delille, après un entretien dans lequel sa verve avait enhardi ma timidité, me proposa tout à coup de le remplacer dans la chaire de poésie latine au Collége de France, je fus saisi d'une crainte véritable; c'était presque de l'effroi. Comment, lui dis-je, vous voulez qu'à mon âge', n'ayant jamais professé de ma vie, n'ayant eu des occasions de parler en public que dans ma première jeunesse, j'ose m'asseoir à la place d'un improvisateur tel que vous ? — Oui, je le veux, parce que j'ai la conviction que vous réussirez. Mais l'habitude de la parole, la confiance, la hardiesse, qui me les rendra après un silence absolu de près de quinze années? – Elles reviendront d'elles-mêmes. Vous êtes plein de l'antiquité, il ne s'agit que de laisser couler la source. Pourquoi ne parviendriez-vous pas à dire, devant un auditoire, ce que vous dites tous les jours avec moi ? Nos conversations m'ont fait naître l'idée de vous choisir, et vous venez de me décider · J'avais plus de quarante ans. vous-même par tout ce qui vous est échappé dans notre causerie poétique. » Cette preuve de confiance me flatta beaucoup; je sentis d'abord toutes les conséquences d'une telle adoption pour le présent et pour l'avenir; l'avouerai-je? une secrète voix, quej'avais déjà entendue dans quelques circonstances, me conseillait de croire à ma vocation pour l'enseignement public; mais, retenu par la crainte légitime d'une comparaison pleine de dangers pour moi, je résistai à la voix du maitre et aux brillantes promesses de l'espérance. Dans ce combat entre deux sentiments contraires , je négligeai Delille pendant deux mois. Je le revis enfin. A mes · premières excuses, il répondit par des reproches obligeants sur ce qu'il appelait un abandon, et me demanda vivement si j'avais travaillé pour le Collége de France. La réponse fut négative; je hasardai de nouvelles objections. Sans les écouter, et avec cet accent qui donnait tant de grâce à sa volonté, Delille m'ordonną d'accepter. Il fit plus ; il me prescrivit le choix d'Horace. «Horace, disait-il, est le poëte de tous les âges; il doit plaire à la jeunesse, qui a besoin de le connaitre; l'âge mûr et la vieillesse font leurs délices de ses écrits;, il attirera des connaisseurs et des juges à votre cours. Je vous ai d'ailleurs entendu exprimer, sur ce poëte, des idées qui m'ont paru des découvertes. » Il fallut se rendre, et céder à la double autorité du talent et de l'amitié; je saluai le grand poëte, non pas sans lui avoir témoigné ma vive reconnaissance. Il me restait environ deux mois pour préparer des leçons qui demandaient un travail immense. |