travail et mettrai-je en œuvre les nombreuses notes que j'ai rassemblées. Pour le moment je ne veux présenter que ce qui a rapport à la renommée des anciens romans de Gérard de Rossillon et aux manuscrits qui en ont existé et qui nous en restent. Le plus ancien, dont le texte paraît avoir servi de type à toutes les histoires en provençal et en français que nous connaissons, était le manuscrit latin conservé à Pothières, abbaye fondée par Gérard de Rossillon. L'abbé Lebeuf, qui désirait l'étudier, s'en fit faire une copie d'après une transcription exécutée par Antoine Pirot, avocat à Avalon en 1614 *. « Cela nous fait déjà croire, m'écrit M. Quantin, le savant archiviste du département de l'Yonne, à l'existence d'un manuscrit primitif; mais la relation de Paris la prouve évidemment, et le traducteur du XIIIe siècle cite des faits qui sont rapportés par le chroniqueur de Pothières à une date qui ne dépasse pas la fin du XIe siècle. Le manuscrit de Beaune **, plus moderne, n'est aussi qu'une copie de ce vieux type, qui * Recueil des lettres de Lebeuf à Letors d'Avalon, etc., ms. de la Bibliothèque impériale, supplément français, n° 2440. ** M. Mignard a donné l'analyse de ce manuscrit dans son Histoire et légende concernant le pays de la Montagne, ou le Chatillonnois. Paris, 1853, in-8°. sortait lui-même du manuscrit original écrit et composé à Vezelay. » Suivant une note d'un autre savant d'Auxerre, M. Cherest, qui s'est particulièrement occupé de notre héros, « l'existence du roman latin antérieurement aux versions en français et en provençal n'est guère contestable, si l'on veut bien se reporter au manuscrit français de la Bibliothèque impériale no 6325. En effet, ce manuscrit, qui remonte à la première moitié du XIIIe siècle, contient une vie de Gérard de Rossillon débutant par ces mots : Ci commance la Vie de Girart de Roissillon, translatée de latin en françois. En le lisant attentivement, on y découvre que l'auteur de l'œuvre latine vivait vers la fin du XIe siècle. que « L'étude du manuscrit de Beaune conduit au méme résultat. Ce manuscrit, bien postérieur au précédent, puisqu'il est du XVe siècle, n'est la paraphrase de l'original latin, dont il donne le titre : Gesta nobilissimi comitis Gerardi de Roussillon. On y remarque, en outre, que l'original latin avait été rédigé à l'époque susindiquée, sur des documents perdus vers le milieu du XIe siècle, dans un incendie de l'abbaye de Pothières. « Enfin, l'auteur de l'œuvre latine, œuvre que l'on peut rétablir presque sûrement à l'aide de la traduction, de la paraphrase, et de di vers fragments conservés çà et là, était, à n'en pas douter, un moine de Pothières ou de Vezelay, peut-être même plutôt de cette dernière maison. Il donne des détails très précis sur ce qui l'environne, et, à propos de fondations faites par Gérard en Franche-Comté, il déclare qu'il n'en sait pas les noms, parce qu'elles sont placées loin de lui dans la souveraine Bourgogne. » Plusieurs troubadours ont parlé de la rédaction provençale par laquelle s'ouvre notre publication; je citerai entre autres, d'après M. Raynouard *, Pierre Cardinal et Giraud de Cabreira: Anc Carles Martel ni Girartz Non aucizeron homes tanz. PIERRE CARDINAL: Per fols. Non sabs co s va Del duc Augier... Ni de Girart de Rossillon. GIRAUD DE CABREIRA: Cabra juglar. Un écrivain du milieu du XIIIe siècle, Albéric, moine des Trois-Fontaines, racontant les guerres soutenues par Gérard contre Charles le Chauve, cite les chansons de geste qui avaient cours sur ce sujet : « Cependant, dit-il, Gérard * Choix des poésies originales des troubadours, tom. II, pag. 285. succomba et fut vaincu par Charles, comme le rapportent les chansons héroïques*. » Dans un vieux fabliau, un jongleur faisant l'annonce de ses talents s'exprime ainsi : Ge sai d'Ogier, si sai d'Ainmuon Et si sai du roi Loéis Et de Buevons de Commarchis, De Faucon et de Renoart, De Guielin et de Girart. Les deux Bordéors ribaus, dans le traité de Roquefort, De l'état de la poésie françoise dans les XIIe et XIIIe siècles, édit. de 1821, pag. 304. Un autre trouvère rappelle en ces termes les longues guerres de Gérard de Rossillon avec Charles Martel : Dès icele ore que dans Gerars feni Ne fu mais si le regnes apovris. La mort de Garin le Loherain, pag. 139, v. 2930. Adenès, parlant de Charles Martel, ajoute : Mainte grande envaïe Fist Gerart et Foucons et ceus de leur partie. ... Li romans de Berte aus grans piés, pag. 3. regi tamen Karolo cessisse Gerardum, et victoriam ei concessisse perhibent heroicæ cantilenæ. » (Alberici monachi Trium Fontium Chronicon, sub ann. 866; ed. Leibnit. Lipsiæ, impensis Nicolai Försteri, M. DC.IIC, in-4o, p. 195.) Je retrouve une autre mention de Gérard de Rossillon dans un roman de date postérieure : De ce furent dolent li parent Guenelon, Roman des quatre fils Aymon, extr., v. 235. (Chron. Enfin, Philippe Mouskès analyse ainsi la chanson de geste qui nous occupe: Partout, ce raconte l'estorie, |