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mande. Pourquoi a-t-on élevé l'immense effigie de ce cheval? quel en est l'inventeur? quel en est le but? est-ce un vou, ou bien est-ce une machine de guerre?›

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IL dit, et, versé dans les ruses et les artifices desGrecs, Sinon tend vers les astres ses mains libres de chaînes «<O vous, feux éternels, s'écrie-t-il, divinités inviolables, je vous atteste; et vous aussi, funestes autels, couteaux homicides auxquels je me suis dérobé! bandeau sacré des dieux qui avez paré la victime! je peux sans crime rompre le serment qui m'attachait aux Grecs il m'est permis de les haïr et de révéler leurs secrets, s'il en est qu'ils veuillent cacher; je ne tiens plus par les lois à ma patrie. Mais vous, Troyens, demeurez fidèles à vos promesses; et, si je dis la vérité, si je rends un grand service, sauvez celui qui sauve Troie!

«Tout l'espoir de la Grèce, et sa confiance dans la guerre entreprise, ont toujours reposé sur la protection de Pallas; mais depuis que le fils impie de Tydée et l'inventeur des forfaits, Ulysse, ont voulu enlever, dans son temple saint, le fatal Palladium, et que, dans la citadelle, à travers la garde massacrée, ils ont osé saisir l'effigie de la déesse, et souiller ses bandelettes virginales de leurs sanglantes mains, l'espoir de la victoire a disparu; les Grecs ont vu leurs forces s'épuiser; Pallas s'est montrée ennemie, et n'a point donné des signes douteux de sa colère. A peine la statue de la déesse fut-elle placée dans le camp, des feux étincelèrent dans ses yeux irrités; une sueur amère courut sur tout son corps; et trois fois, ô prodige! on la vit s'élever de la terre, agitant son bouclier et sa lance frémissante.

EXTEMPLO tentanda fuga canit æquora Calchas,
Nec posse Argolicis exscindi Pergama telis,
Omina ni repetant Argis, numenque reducant,
Quod pelago et curvis secum avexere carinis.
Et, nunc, quod patrias vento petiere Mycenas,
Arma deosque parant comites; pelagoque remenso,
Improvisi aderunt: ita digerit omnia Calchas.
Hanc pro Palladio, moniti, pro numine læso,
Effigiem statuere, nefas quæ triste piaret.
Hanc tamen immensam Calchas attollere molem
Roboribus textis, coloque educere, jussit;
Ne recipi portis, aut duci in mœnia possit,
Neu populum antiqua sub relligione tueri.
Nam si vestra manus violasset dona Minervæ,

Tum magnum exitium ( quod di prius omen in ipsum
Convertant!) Priami imperio Phrygibusque futurum :
Sin manibus vestris vestram ascendisset in urbem,
Ultro Asiam magno Pelopeia ad monia bello
Venturam, et nostros ea fata manere nepotes.
TALIBUS insidiis, perjurique arte Sinonis,
Credita res captique dolis, lacrymisque coacti,
Quos neque Tydides, nec Larissæus Achilles,
Non anni domuere decem, non mille carinæ.

Hic aliud majus miseris multoque tremendum
Objicitur magis, atque improvida pectora turbat.
Laocoon, ductus Neptuno sorte sacerdos,

«< AUSSITÔT Calchas s'écrie qu'il faut fuir et repasser les mers; que Pergame ne peut tomber sous le fer des Grecs, si les Grecs ne vont demander dans Argos de nouveaux auspices, et s'ils ne ramènent l'image sacrée qu'ils ont emportée sur les ondes. Maintenant que la faveur des vents les conduit vers Mycènes, ils vont chercher des armes et des dieux propices; et bientôt, ramenant leurs vaisseaux, ils reparaîtront, sans être attendus, sur ces bords. Ainsi Calchas a tout disposé : c'est par son conseil qu'ils ont construit cette immense effigie pour apaiser la déesse et pour expier leur crime. Et cependant Calchas a voulu que cette masse élevât vers le ciel son étonnant assemblage, pour qu'elle ne pût pénétrer à travers les portes, ni être traînée dans les murs de Troie, et devenir le gage nouveau de leur éternelle durée : car si vos mains sacrilèges profanaient le don fait à Minerve, les plus grands malheurs accableraient le peuple et l'empire de Priam. Mais si, par l'effort puissant de vos bras, le colosse était introduit dans votre ville, l'Asie entière levée contre la Grèce viendrait, en armes, sous les murs de Pélops : et tels sont les destins. dont nos neveux sont menacés. »

Ces discours perfides et les artifices du parjure Sinon nous trouvent trop crédules; et la ruse et de feintes larmes triomphent de ceux que n'avaient pu dompter ni le fils de Tydée, ni Achille de Larisse, ni dix ans de combats, ni mille vaisseaux.

En ce moment, un spectacle plus étonnant et plus terrible encore s'offre aux regards des malheureux Troyens, et jette dans leur esprit un trouble inattendu. Laocoon, que le sort avait fait prêtre de Neptune, im

⚫ Solemnes taurum ingentem mactabat ad aras.

Ecce autem gemini a Tenedo tranquilla per alta
(Horresco referens!) immensis orbibus angues
Incumbunt pelago, pariterque ad litora tendunt;
Pectora quorum inter fluctus arrecta, jubæque-
Sanguineæ exsuperant undas; pars cetera pontum
Pone legit, sinuantque immensa volumine terga.
Fit sonitus spumante salo: jamque arva tenebant,
Ardentesque oculos suffecti sanguine et igni,
Sibila lambebant linguis vibrantibus ora.
DIFFUGIMUS visu exsangues: illi agmine certo
Laocoonta petunt; et primum parva duorum
Corpora natorum serpens amplexus uterque
Implicat, et miseros morsu depascitur artus.
Post ipsum, auxilio subeuntem ac tela ferentem
Corripiunt, spirisque ligant ingentibus et jam
Bis medium amplexi, bis collo squamea circum
Terga dati, superant capite et cervicibus altis.
Ille simul manibus tendit divellere nodos,
Perfusus sanie vittas atroque veneno;
Clamores simul horrendos ad sidera tollit:
Quales mugitus, fugit quum saucius aram
Taurus, et incertam excussit cervice securim.
At gemini lapsu delubra ad summa dracones
Effugiunt, sævæque petunt Tritonidis arcem;
Sub pedibusque deæ, clypeique sub orbe teguntur.

molait un taureau puissant aux autels de ce dieu, quand deux serpens, venus de Ténédos (j'en frémis encore d'horreur!), roulent sur la tranquille mer leurs orbes immenses, et de front s'avancent vers le rivage. Leur sein se dresse sur la plaine liquide, leurs crêtes sanglantes dominent les flots; de leurs flancs ils rasent l'abîme, et leur vaste croupe se recourbe en replis sinueux ; l'onde retentissante écume; déjà ils ont atteint la plage : leurs yeux ardens brillent, rouges de sang et de flammes; un triple dard siffle dans leur gueule béante.

A CET aspect, tout fuit épouvanté. D'un même élan, les deux monstres vont à Laocoon; et d'abord ils atteignent ses deux enfans, enlacent leurs membres délicats, et, par d'horribles morsures, déchirent leurs chairs palpitantes. Laocoon saisit ses traits et vole à leur secours. Mais déjà les serpens l'ont arrêté lui-même dans de vastes anneaux; déjà ils étreignent ses flancs d'une double ceinture; déjà deux fois sur son cou, sur son dos, ils roulent leurs écailles, et leur tête altière domine sur son front. Il veut, de ses mains, écarter ces nœuds terribles : son sang et de noirs poisons souillent ses bandelettes, et il jette vers les cieux d'horribles hurlemens. Tel mugit un taureau, quand, sous le fer qui l'a frappé, il s'échappe de l'autel, et rejette de son cou la hache incertaine. Enfin, les deux dragons rampans, rasant la terre, gagnent la haute citadelle, entrent dans le temple de Minerve, et se cachent aux pieds de la déesse irritée, sous l'orbe de son bouclier.

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