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Notre chair change bientôt de nature, notre corps prend un autre nom; même celui de cadavre.... ne lui demeure pas long-temps; il devient un je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu'à ces termes funèbres par lesquels one xprimait ses malheureux restes! » (Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre.)

Euripide, Quintus Calaber et Sénèque, dans la Troade, parlent de la mort de Priam. Juvénal l'a vivement retracée dans ces vers:

Longa dies igitur quid contulit? omnia vidit
Eversa, ac flammis Asiam ferroque cadentem;
Tunc, miles tremulus posita tulit arma tiara,
Et ruit ante aram summi Jovis, ut vetulus bos
Qui domini cultris tenue ac miserabile collum
Præbet, ab ingrato jam fastiditus aratro..

Quelques commentateurs, voyant que Virgile avait mis jacet litore, et non jacet arena, ont pensé que Pyrrhus fit traîner le corps de Priam sur le rivage du promontoire de Sigée, devant le tombeau d'Achille, et qu'il y fut abandonné sans sépulture. D'autres critiques ont prétendu, sans raison comme sans vraisemblance, que Virgile avait voulu rappeler la mort de Pompée dans le tableau touchant de la mort de Priam.

98,- Page 142. Jamque adeo super unus eram, quum limina Vestæ.

Ce vers et ceux qui suivent, au nombre de vingt-deux, manquent dans la plupart des anciens manuscrits, cités par Pierius, Heinsius et Burmann. On les trouve reportés sur un de ces manuscrits, avec une écriture plus récente, et cette suscription: ista metra non sunt de textu. Ils n'ont point été insérés dans quelques premières éditions; Servius, Donat et Pomponius n'ont fait sur eux aucun commentaire. On les trouve souvent dans les Catalectes de Virgile, ce qui annonce que leur suppression est ancienne. Heyne croit cependant que ces vers sont de Virgile: Hos versus Virgilianos esse, non est quod dubites, si eorum indolem et numerosam venustatem exquiras; mais il pense, avec plusieurs autres commentateurs, que Virgile avait lui-même voulu supprimer ces vers ou qu'ils furent retranchés par Tucca et Varius, éditeurs de l'Énéide. Cette opinion est celle de l'auteur de l'ancienne Vie de Virgile Tucca et Varius detraxerunt hæc Virgilio carmina quum

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emendarent hunc librum jussu Octaviani. Burmann cite un vieux manuscrit où il est dit que Tucca et Varius jugèrent ces vers indignes du style héroïque, parce qu'il eût été trop honteux qu'un héros voulût égorger un femme: Non competere stylo heroico, quia turpe esset viro forti in mulierem manus injecisse.

Cependant plusieurs commentateurs ou traducteurs ont voulu justifier la colère et la vengeance d'Enée : « Ce n'est point, dit le professeur Binet, une femme qu'il veut tuer, c'est un monstre, le fléau de son pays; » mais cette considération ne rend pas le meurtre héroïque, surtout quand on vient de voir Énée n'oser braver Pyrrhus. Le jésuite Catrou paraît avoir pensé comme Binet : « Cet endroit, dit-il, n'est pas si fort inexcusable, qu'il n'ait trouvé d'habiles défenseurs. » M. Morin voit, dans l'emportement d'Énée, l'effet d'un sentiment bien naturel. C'est aussi le jugement que porte Desfontaines.

On peut croire que le motif qui décida les exécuteurs testamentaires de Virgile à retrancher les vingt-deux vers, fut la contradiction qu'ils offraient avec le récit que Déiphobe fait à Énée, dans le vie livre. Car c'est seulement par des sutilités que plusieurs commentateurs, et, après eux, Segrais, ont voulu expliquer et sauver cette contradiction. Dans les vers retranchés, Hélène se réfugie dans le temple de Vesta, par la crainte du courroux de Ménélas; et, dans le vi© livre, Déiphobe raconte qu'Hélène, dont il était le troisième époux, avait obtenu son pardon de Ménélas en lui livrant la ville de Troie, le palais et la tête du fils de Priam.

Dans Euripide, ce n'est point de la fureur d'Énée, mais de celle de Ménélas, qu'Hélène est préservée par Vénus.

99. Page 144. Aspice: namque omnem, quæ nunc obducta tuenti.

Les plus anciens poètes font intervenir les dieux dans le siège et dans le renversement de Troie : voyez HOMÈRE, QUINTUS CALABER, TRYPHIODORE, etc. Ces dieux sont Neptune, Apollon, Pallas et Junon. Heyne, parlant de la vision des dieux qui renversent Troie, dit: Grande et mirabile phantasma! La fiction de Virgile a été imitée dans le Tasse (ch. xviii, st. 93), et par Milton (liv. XI, v. 411).

x1,

Pétrarque a vu dans cet endroit de l'Eneide une singulière allé

gorie: il y trouve renfermé magnæ sapientiæ arcanum; et quel est ce grand secret moral caché dans la vision d'Énée ? le voici : Ab aspectu divinitatis nihil magis abstrahere quam usus Veneris. (PETRARCHA, de Viris illustribus.)

100.- Page 144. .....Hic Juno Scaas sævissima portas.

La porte de Scée avait été construite par Priam, et conduisait au port de Sigée. On croit qu'elle prit son nom d'un peuple de la Thrace qui était venu avec Dardanus bâtir et peupler la ville de Troie.

101.- Page 146. Insedit, nimbo effulgens et Gorgone sæva.

Suivant l'antiquité fabuleuse, Egis était une Gorgone, c'est-àdire un monstre vomissant des flammes, qui incendiait les moissons et les forêts de la Phrygie. Pallas, ayant tué la Gorgone, couvrit de sa peau son bouclier, qui fut dès-lors appelé Égide. Au milieu de l'Égide était la tête de la Gorgone entourée de serpens. Voyez le livre VIIIe de l'Énéide, v. 435.

102. — Page 146. Ac veluti summis antiquam in montibus ornum.

Cette comparaison se trouve deux fois dans l'Iliade; et Catulle l'emploie aussi dans le poëme de Thétis et Pélée.

103.- Page 146. Descendo, ac, ducente deo, flammam inter et hostes.

On lit dans quelques éditions Ducente dea. Virgile, à l'imitation des Grecs, prend plus d'une fois le mot deus au genre commun. C'est ainsi que parlant (dans le liv. v11o, v. 498) de la Furie Alecton, il dit: Nec dextræ erranti deus abfuit.

104.- Page 148. Vidimus excidia, et captæ superavimus urbi.

Anchise avait pu voir le premier saccagement de Troie par Hercule. Bis Pergameis erepte ruinis (Æneidos lib. 111). Cependant il ne semble parler ici que du dernier désastre de Troie : Satis una vidimus excidia.

105.- Page 148.

.........

Facilis jactura sepulcri est.

Quelques philosophes de l'antiquité croyaient, contre l'opinion commune, qu'il importait peu d'obtenir les honneurs de la sépulture. Mécène dit dans un vers qui nous est resté de lui :

Nec tumulum curo, sepelit natura relictos.

106. Page 148. Fulminis afflavit ventis, et contigit igni.

Les poètes ont feint qu'Anchise, pour s'être vanté des faveurs de Vénus, fut puni par Jupiter qui l'effleura de sa foudre : « Elle ne l'écrasa point, dit l'abbé Desfontaines, son crime n'étant pas assez grand pour être foudroyé dans les formes. >> Théocrite dit qu'Anchise en fut quitte pour la perte de la vue. Mais Virgile n'adopte pas cette tradition, car il représente le vieillard amporté par son fils apercevant, de loin, dans l'ombre, des glaives et des casques étincelans.

Ardentes clypeos atque æra micantia cerno.

107.- Page 150. Ecce levis summo de vertice visus Iuli Fundere lumen apex.

Virgile répète ce prodige pour Lavinie (liv. v11, v. 73). Pline et Plutarque racontent qu'une flamme avait brillé sur le front de Servius Tullius, encore enfant, pour présager sa future élévation. Le prodige eût disparu si les phénomènes électriques avaient été connus des anciens Romains.

108.- Page 150. Da deinde auxilium, Pater, atque hæc omina firma.

Cicéron dit, dans le 1er livre de la Divination, que les anciens ne se contentaient pas d'un premier heureux présage, et qu'ils en demandaient aux dieux un second: de là l'expression secundare. Homère parle aussi, dans l'Iliade, du second présage confirmatif du premier.

109.- Page 152. Stella facem ducens...

Cette étoile qui se précipite et court (cucurrit) au bruit du tonnerre (intonuit), et qui est suivie d'une odeur de soufre (et late circum loca sulfure fumant), a beaucoup embarrassé les commentateurs. Servius a le premier voulu expliquer cet augure. Plusieurs ont pensé que cette étoile était Lucifer; d'autres, Vénus: mais le tonnerre et le soufre ne vont point avec les astres. La physique moderne n'eût vu dans cette étoile qu'un météore embrasé et courant dans la moyenne région de l'air.

110. — Page 152. Ergo age, care pater, cervici imponere nostræ.

Cette aventure d'Anchise porté sur le dos d'Énée était une tradition antique; elle est citée comme un fait par Aristote. Le

P. Catrou fait dire à Énée : « Allons, mon cher père, mettezvous sur des épaules prêtes à vous recevoir. » M. de la Boissière n'est pas moins plaisant dans sa traduction.

Sur mon dos vous porter, ce n'est point une gêne;
L'amour que j'ai pour vous allègera ma peine....
Iule, auprès de moi, se tiendra, je l'assure;
Creuze suivra de loin sans chagrin, sans murmure.
Pour vous, mes serviteurs, faites exactement
Ce que je vais vous dire assez rapidement.

111. - Page 152.

Mihi

parvus Iulus

Sit comes, et longe servet vestigia conjux.

Le mot longe a beaucoup fait disserter les commentateurs et a singulièrement embarrassé les traducteurs. Plusieurs ont pensé que le poète latin avait mis longe pour prope. Joseph Scaliger, le P. Catrou, Desfontaines et Binet, ont prétendu que longe ne signifie pas précisément de loin, et qu'il peut s'entendre aussi d'un peu loin, de quelque distance.« On est quelquefois loin, dit Desfontaines, quoiqu'on ne soit qu'à quelques pieds de distance. »> Delille a traduit dans ce sens :

Et qu'observant mes pas,

Mon épouse me suive et ne me quitte pas.

Les quatre professeurs et Binet font marcher Créuse à quelque distance. M. Mollevault ne la met ni près ni loin: mon épouse suivra mes traces. Malfilâtre supprime ce passage dans le discours d'Énée (voyez le Génie de Virgile). L'abbé Desfontaines vent excuser Virgile, mais il le défend aussi mal qu'il le traduit : Énée, dit-il, voulait aller vite, et il eût été difficile à Créuse de le suivre. Binet prétend qu'Énée n'a aucun motif de tenir sa femme éloignée. Mais le P. Catrou dit sans façon : « Il fallait bien que le poète défît Énée de Créuse : il devait épouser une autre femme en Italie, et Créuse eût causé un fâcheux embarras pour le dénoûment de son poëme. » Il va même jusqu'à louer le moyen artificieux employé par Virgile pour se débarrasser de Créuse, qui eût fait un mauvais role chez Didon et en Italie. C'est le sentiment de M. de

Loynes: « Il fallait que Créuse se perdît. Énée n'aurait pas pu, de son vivant, faire décemment l'amour à Didon, ni épouser Lavinie et alors il n'y aurait plus eu de poëme. »

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