SED fugite, o miseri, fugite, atque ab litore funem Nam, qualis quantusque cavo Polyphemus in antro Lanigeras claudit pecudes, atque ubera pressat; Centum alii curva hæc habitant ad litora vulgo : Vos animam hanc potius quocumque absumite leto. Vix ea fatus erat, summo quum monte videmus Trunca manum pinus regit, et vestigia firmat. Lanigeræ comitantur oves, ea sola voluptas, Solamenque mali: de collo fistula pendet. Postquam altos tetigit fluctus, et ad æquora venit, << Mais vous, fuyez, ô malheureux Troyens! fuyez! coupez les câbles qui vous retiennent au rivage! car tel que se montre l'immense Polyphème, lorsqu'il enferme et trait ses troupeaux dans son antre effroyable; tels, et non moins affreux, cent autres Cyclopes parcourent souvent ces rivages, ou errent sur les hautes montagnes. Trois fois déjà l'astre des nuits a rempli son croissant, depuis que je traîne, dans ces forêts, ma malheureuse vie, parmi les demeures et les antres abandonnés de leurs hôtes sauvages; depuis que, caché derrière un rocher, je suis de l'œil les Cyclopes dont les pas retentissans et l'horrible voix me glacent d'épouvante. Mes tristes alimens sont les baies des arbustes, le fruit pierreux du cornouiller, des herbes et leurs racines arrachées à la terre. Tandis que, tous les jours, je portais mes regards sur les mers, j'ai vu vos vaisseaux aborder, les premiers, ces funestes rivages : qui que vous fussiez, je suis accouru, trop heureux d'échapper aux sanglantes dents. de ce peuple affreux. Vous, disposez de ma vie! toute autre mort me semble préférable. >> A PEINE il achevait ces mots, nous voyons, au sommet de la montagne, se mouvoir une masse énorme : c'était le pasteur Polyphème, au milieu de ses troupeaux, s'avançant au rivage connu; monstre horrible, informe, immense, à qui la lumière du jour a été ravie. Un pin dépouillé de sa chevelure guide sa main et affermit ses pas. Ses brebis l'accompagnent, seule joie qui lui reste, seule consolation de ses maux. A son cou pend la flûte pastorale. Dès qu'il a atteint le rivage et touché les flots, il lave le sang qui coule de son œil enfoncé, grince les dents, mugit de rage, s'avance dans la mer Luminis effossi fluidum lavit inde cruorem, Constiterunt, silva alta Jovis, lucusve Dianæ. Excutere, et ventis intendere vela secundis. Contra jussa monent Heleni Scyllam atque Charybdim Inter utramque viam, lethi discrimine parvo, Ni teneant cursus certum est dare lintea retro. Ecce autem Boreas angusta ab sede Pelori Missus adest vivo prætervehor ostia saxo Pantagiæ, Megarosque sinus, Thapsumque jacentem. profonde, et les flots ne teignent point ses flancs qui les dominent. TREMBLANS à cet aspect, nous précipitons le départ; le Grec suppliant, et qui nous a sauvés, accompagne notre fuite. Nous coupons en silence les câbles, et, le corps incliné, nous fendons les eaux de nos rames agiles. Polyphème nous entend; le son de nos voix dirige ses pas mais en vain il veut atteindre nos vaisseaux rapides emportés sur les ondes. Alors il jette une clameur immense; la mer en a tremblé jusqu'au fond de ses abîmes, l'Italie entière a été épouvantée, et l'Etna a mugi dans ses cavités profondes. A ce bruit toute la race des Cyclopes accourt du fond des forêts et des hautes montagnes : elle s'élance vers le port et couvre le rivage. Nous y voyons debout les fils de l'Etna, portant leurs fronts dans les nuages, et qui vainement nous poursuivent, de leur œil effroyable. Horrible assemblée! tels, sur la cime des monts, les chênes étendent leurs bras. altiers, et tels les pins élèvent leurs têtes pyramidales dans les forêts de Jupiter ou dans les bois sacrés de Diane. L'EFFROI précipite nos mouvemens : nous tourmentons de tous côtés les cordages, et livrons les voiles aux vents qui nous secondent. Mais Helenus nous avait avertis qu'entre Charybde et Scylla la mort est presque inévitable, et qu'il faut suivre une autre route. Nous allions retourner nos proues, lorsque, soufflant du détroit de Pélore, Borée vient à notre secours. Nous dépassons les roches vives d'où le Pantage arrive dans la mer, et le golfe de Mégare et l'humble Thapsus. Tels étaient les Talia monstrabat relegens errata retrorsum Litora Achemenides, comes infelicis Ulyssei. HINC Drepani me portus et illætabilis ora |