ページの画像
PDF
ePub

Jeune infortuné, il combattit Achille avec des forces trop inégales. Emporté par ses coursiers, renversé de som char, mais tenant encore les rênes, sa tête et ses cheveux traînent à terre, et le fer de sa lance trace sur l'arène un long sillon.

CEPENDANT les femmes de Troie allaient vers le temple de Pallas irritée, tristes et suppliantes, les cheveux épars, se meurtrissant le sein, et portant à la déesse le peplum, vêtement sacré. Mais toujours inflexible, Pallas tenait ses regards attachés à la terre. L'impitoyable Achille avait traîné trois fois Hector autour des remparts de Troie, et vendait au poids de l'or son cadavre sanglant. A cet aspect, sortent du sein d'Énée de longs gémissemens. Il aperçoit les dépouilles, le char; les froides reliques de son ami, et Priam qui tend au vainqueur des mains défaillantes. Lui-même il se retrouve dans la mêlée, avec les chefs ennemis. Il reconnaît les phalanges de l'Orient et les armes du noir Memnon, et la terrible Penthésilée, conduisant les Amazones armées de boucliers en forme de croissant. L'ardente héroïne combat, portant un baudrier noué sur un sein découvert, et une femme ose affronter les plus intrépides guerriers!

MAIS tandis que le fils d'Anchise, immobile, tenait ses regards attachés sur ces grandes images, la reine, éclatante de beauté, entre dans le temple, suivie du nombreux cortège de la jeunesse de Tyr. Telle, sur les rives de l'Eurotas, ou sur les hauteurs du Cynthe, paraît Diane conduisant le chœur des nymphes: mille Oréades s'empressent sur ses pas. La déesse marche le carquois sur l'épaule, surpasse de la tête toutes ces Immortelles,

Fert humero, gradiensque deas supereminet omnes :

Latonæ tacitum pertentant gaudia pectus.
Talis erat Dido, talem se læta ferebat
Per medios, instans operi regnisque futuris.
TUM foribus divæ, media testudine templi,
Septa armis, solioque alte subnixa, resedit.
Jura dabat legesque viris, operumque laborem
Partibus æquabat justis, aut sorte trahebat :
Quum subito Æneas concursu accedere magno
Anthea Sergestumque videt fortemque Cloanthum,
Teucrorumque alios, ater quos æquore turbo
Dispulerat, penitusque alias advexerat oras.
Obstupuit simul ipse, simul perculsus Achates
Lætitiaque metuque : avidi conjungere dextras
Ardebant; sed res animos incognita turbat.
Dissimulant, et nube cava speculantur amicti,
Quæ fortuna viris, classem quo litore linquant,
Quid veniant: cunctis nam lecti navibus ibant
Orantes veniam, et templum clamore petebant.
Postquam introgressi, et coram data copia fandi,
Maximus Ilioneus placido sic pectore cœpit :

O REGINA, novam cui condere Jupiter urbem,
Justitiaque dedit gentes frenare superbas,
Troes te miseri, ventis maria omnia vecti,
Oramus: prohibe infandos a navibus ignes,

et le cœur de Latone palpite en secret de joie. Telle était Didon; telle elle marchait au milieu de son peuple, hâtant les travaux et la future grandeur de son empire.

PRÈS du sanctuaire, et sous le dôme du temple, entourée de ses gardes, elle s'assied sur un trône élevé. Là elle rendait la justice, et, dictait des lois à ses sujets; elle faisait une part égale des travaux, ou leur donnait le sort pour arbitre, quand tout à coup Énée voit s'avancer, ouvrant la foule qui les presse, Anthée et Sergeste, et le vaillant Cloanthe, avec d'autres Troyens, que les noirs aquilons avaient égarés sur les ondes, et rejetés loin de leur chef, sur d'autres rivages. A cette vue le héros s'étonne, immobile; et, comme lui, le fidèle Achate est frappé de joie et de crainte. Ils sont impatiens, avides de presser la main de leurs compagnons; mais une secrète inquiétude les trouble et les retient. Invisibles dans le nuage qui les couvre, ils veulent, avant tout, connaître le destin de leurs amis, apprendre sur quels bords ils ont laissé leurs navires, et quel motif les conduit à Carthage : c'étaient les députés de toute la flotte, qui venaient implorer la protection de la reine, et s'avançaient dans le temple au milieu des publiques clameurs. Admis devant le trône, et libres d'exposer leur message, le plus âgé de tous, Ilionée, le front serein, s'exprime en ces termes :

«O REINE, à qui Jupiter a donné la gloire de fonder un empire, et d'imposer à des peuples indomptés le frein des lois, nous sommes des Troyens malheureux, jouets des vents sur toutes les mers. Ecartez de nos vaisseaux les feux qui les menacent sur ces bords. Épargnez un

Parce pio generi, et propius res adspice nostras.
Non nos aut ferro Libycos populare penates
Venimus, aut raptas ad litora vertere prædas.
Non ea vis animo, nec tanta superbia victis.
Est locus, Hesperiam Graii cognomine dicunt,
Terra antiqua, potens armis, atque ubere glebæ:
Oenotri coluere viri; nunc fama, minores
Italiam dixisse ducis de nomine gentem.
Huc cursus fuit:

Quum subito assurgens fluctu nimbosus Orion
In vada cæca tulit, penitusque procacibus Austris
Perque undas, superante salo, perque invia saxa
Dispulit: huc pauci vestris adnavimus oris.

Quod genus hoc hominum? quæve hunc tam barbara morem
Permittit patria? hospitio prohibemur arena!
Bella cient, primaque vetant consistere terra.
Si genus humanum et mortalia temnitis arma,
At sperate deos memores fandi atque nefandi.
REX erat Æneas nobis, quo justior alter
Nec pietate fuit, nec bello major et armis;
Quem si fata virum servant, si vescitur aura
Ætherea, neque adhuc crudelibus occubat umbris,
Non metus; officio nec te certasse priorem
Poeniteat. Sunt et Siculis regionibus urbes,

Arvaque, Trojanoque a sanguine clarus Acestes.

Quassatam ventis liceat subducere classem

peuple qui honore les dieux, et connaissez qui nous sommes. Nous ne venons point détruire vos pénates, enlever vos richesses, et les emporter sur les mers. Cette violence n'est point dans nos esprits, et tant d'audace siérait mal à des vaincus. Il est un pays que les Grecs appellent Hespérie, terre antique, puissante par les armes et par ses riches moissons. Les OEnotriens jadis l'ont habitée, et l'on dit que leurs descendans l'out depuis appelée Italie, du nom d'un roi de ces contrées. C'est là que se dirigeait notre course, quand soudain l'orageux Orion, se levant sur les mers, nous jeta sur des écueils cachés, et, nous livrant aux fureurs des vents, à la merci des ondes, nous dispersa sur le vaste abîme, entre des rocs inaccessibles peu d'entre nous ont touché ces bords. Mais quelle est cette race d'hommes qui les habitent? et quel pays barbare autorise de telles coutumes? L'asile du rivage nous est interdit, et nous en sommes repoussés par le glaive! Que si vous méprisez les droits du malheur, et les armes des mortels, songez du moins qu'il est des dieux, et qu'ils n'oublient ni le crime, ni la vertu.

« Nous avions pour chef Enée : nul autre ne fut plus grand par sa justice et par ses armes. Si les destins ont conservé ce héros, s'il respire encore, et n'est point enseveli dans les cruelles ombres du trépas, ne craignez point le repentir de l'avoir prévenu par vos bienfaits. Nous avons dans la Sicile des villes amies, des champs fertiles, et pour allié un roi illustre, Aceste, issu du sang troyen. Qu'il nous soit permis de retirer sur vos rivages nos vaisseaux endommagés par la tempête; de choisir dans vos forêts des arbres pour les réparer,

« 前へ次へ »