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Horace fait parler dans le même sens Teucer à ses compagnons (Odes, liv. 1, ode 7), et il les console comme Énée cherche à consoler les siens :

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. Forsan et hæc olim meminisse juvabit.

Énée rappelle à ses compagnons ce qu'ils ont souffert, depuis sept ans qu'ils errent sur les mers, et dit : « Peut-être qu'un jour ces souvenirs auront pour vous des charmes. » Le professeur Binet a eu tort de restreindre ces souvenirs à la position fâcheuse où les Troyens se trouvent sur les bords de la Libye : « Peut-être un jour le souvenir de ce que vous souffrez maintenant aura pour vous quelque charme. »

Ulysse dit, dans le xvo livre de l'Odyssée : « Trouvons quelque plaisir dans le souvenir de nos souffrances; celui qui a beaucoup souffert dans de nombreuses traverses, se plaît dans le récit de ses malheurs. »

30.- Page 18. Spem vultu simulat, premit altum corde dolorem.

« Ainsi toujours en défiance des dieux, il désespère toujours de sa fortune. Un tel homme est-il donc fait pour gouverner les passions et les volontés de ses semblables!» (TissoT, Études sur Virgile.) Ce jugement peut paraître sévère, le vers de Virgile ne semble pas assez le motiver.

31.- Page 18.

.Fortemque Gyan, fortemque Cloanthum.

Virgile ne nomme jamais ce Cloanthe sans lui donner la même épithète, comme si elle devait nécessairement précéder son nom.

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L'épithète velivolum conviendrait mieux aux navires qu'à la mer. Ovide dit (Pontiques, liv. iv, lett. 5):

33.- Page 20..

summo,

Et freta velivolas non habitura rates.

Constitit.

Sic vertice cœli

Presque tous les traducteurs de Virgile ont fait de ce sommet du ciel le sommet de l'Olympe. Il y a dans le texte, d'abord æthere et ensuite vertice cœli: ce sont ces doubles images qui plaisent dans les poètes latins, et qui font le désespoir de ceux qui les traduisent dans une langue moins riche. De Guerle est le seul qui ait essayé dé rendre les deux images; il a traduit æthere summo par assis sur le trône des cieux, et vertice cœli par du haut de la voûte éthérée.

34.- Page 20. Alloquitur Venus: O qui res hominumque deumque.

Macrobe prétend que Virgile a pris dans le 1er livre de la Guerre punique, de Névius, les plaintes de Vénus à Jupiter, et la réponse du souverain des dieux et des hommes, comme il lui avait déjà pris la description de la tempête '.

Le professeur Binet fait une analyse scolastique du discours de Vénus: « Le début est affectueux, elle parle à un père, elle rend hommage à son pouvoir suprême. Connaissant sa justice, elle sem. ble craindre qu'Énée et les Troyens n'aient mérité leur malheur par quelque faute qu'elle ignore: cependant elle ne le pense pas. >> Après une assez longue série de réflexions de même force, le professeur dit : «< Conclusion: Jupiter devrait mieux rendre justice à la vertu. >>

Vient ensuite l'analyse du discours de Jupiter.

35.- Page 20.

Et fontem superare Timavi.

La manière dont le P. Catrou a traduit ce passage pourra paraî

In principio Æneidos tempestas describitur, et Venus apud Jovem queritur de periculis filii, et Jupiter eam de futurorum prosperitate solatur. Hic Jocus totus a Nævio sumtus est ex primo libro Belli Punici, Illic enim æque Venus Trojanis tempestate laborantibus cum Jove queritur : et sequuntur verba Jovis filiam consolantis spe futurorum.

tre incroyable : « Antenor, Troyen comme eux, aura bien pu.... remonter au-delà des sources du Timave, arriver dans ces lieux d'où la mer, divisée par neuf embouchures de fleuves, se retire après avoir frappé la terre de ses flots bruyans, avec un grand fracas dans les montagnes.

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Le Timave, qui descend des montagnes du Frioul et se jette dans l'Adriatique, entre Aquilée et Trieste, est aujourd'hui un faible ruisseau souvent à sec, et à peine connu dans le pays même où il

suit obscurément son cours.

36. — Page 20. Hic tamen ille urbem Patavi sedesque locavit Teucrorum, et genti nomen dedit.

M. Delestre-Boulage, nouveau traducteur de l'Énéide, a rendu ainsi ces vers: « Il a pu fonder, avec Patavium, la demeure de ses Troyens. >> Contre-sens singulier, si Antenor a eu pour coopérateur Patavius; ou phrase non moins singulièrement construite, si avec Patavium veut dire dans Patavium.

Quant à genti nomen dedit, presque tous les traducteurs, ne voyant aucun rapport entre Antenor et Patavi, ont traduit : « Il donna un nom à son peuple » (voyez MM. MOLLEvaut, Morin, Delestre), ou : « Il donna à sa nation le nom qu'elle porte » (voyez REMY, BINET). Si ce n'est un contre-sens, c'est du moins un sens vague, incomplet. Tous ces traducteurs n'auraient point été embarrassés sur le véritable sens du texte, s'ils s'étaient souvenus que Tite-Live, né à Padoue, nous apprend que cette ville, fondée par Antenor, porta dans l'origine le nom de Troie, et que ses premiers habitans furent appelés Antenorides. Ainsi c'est bien son nom et non pas un nom, qu'Antenor donna à sa colonie, genti nomen dedit.

On montre encore à Padoue le tombeau d'Antenor et de TiteLive. Cette ville est bâtie sur la Brenta, dans cette partie de la Gaule Cisalpine qu'on appela Vénétie, du nom des Hénètes ou Vénètes, colonie d'Asie qui s'était embarquée avec Antenor.

Antenor donna son nom aux premiers habitans de Padoue : c'est un avantage que n'aura point Énée, puisque les Troyens qui le suivent en Italie perdront leur nom pour prendre celui des Latins : Faciamque omnes uno ore Latinos.

(Eneidos lib. xII, v. 837.)

37.- Page 22. Parce metu, Cytherea ; manent immota tuorum.

« Virgile a eu l'intention de faire de l'Énéide un poëme national. Il a voulu flatter l'orgueil d'un peuple qui se regardait comme choisi par les dieux pour donner des lois à l'univers ... Sans doute aussi les Pollion, les Tucca, les Varius et les Agrippa, ornemens de la cour d'Auguste, ont entendu avec enthousiasme cette magnifique description de la grandeur romaine; mais, en présence du maître qui attendait sa part d'éloges avec une curiosité secrète, quels transports d'admiration ont dû accuellir l'apothéose d'Auguste et cette admirable peinture de la discorde enchaînée par sa sagesse! Comme les courtisans, les favoris et Mécène, qui savait combien l'oreille des rois est chatouilleuse, ont approuvé le silence prudent de Jupiter sur les guerres civiles et les proscriptions! Comme Virgile s'est insinué dans les bonnes grâces d'Auguste par des éloges si délicats, et plus encore par cette adroite omission qui a permis de substituer à des images funestes le tableau de la paix du monde, cette grande excuse d'Auguste pour les crimes d'Octave! >> (TISSOT, Études sur Virgile.)

38.- Page 22. Ternaque transierint Rutulis.

Les Rutules, ancien peuple du Latium, dont Turnus était le roi, et Ardée la capitale, habitaient le long de la mer, entre le fleuve Numicus et la ville d'Antium, qui appartenait aux Volsques.

39.

Page 22.

Et longam multa vi muniet Albam.

Il y avait deux villes d'Albe en Italie. Albe-la-Longue prit cette dénomination de sa longueur : elle s'étendait entre la montagne et le lac d'Albe, à onze milles de Rome. Les historiens font régner dans cette ville la postérit d'Iule, pendant plus de 400 ans. Albe ne fut soumise aux Romains que par la victoire des Horaces sur les Curiaces. La ville d'Albano s'élève aujourd'hui près des ruines d'Albe, et le lac a neuf milles de tour.

40.- Page 22. Hic jam ter centum totos regnabitur annos.

Le poète adopte tout le merveilleux que les anciens Romains imaginèrent pour illustrer leur origine, et que les historiens adop

tèrent sans examen.

41.

Page 24. Romanos rerum dominos, gentemque togatam.

Suétone nous apprend qu'Auguste citait souvent ce vers, et Macrobe (Saturn., liv. vi, ch. 5) prétend que Virgile l'avait pris de Labienus. Les Romains portaient la toge, et les Grecs le manteau la toge était une robe longue et blanche.

M. Morin, dont la version est d'ailleurs très-estimable, dit qu'il n'a point traduit gentemque togatam, « de peur d'affaiblir la première pensée rerum dominos. » Mais c'est se montrer plus sévère dans son goût que Virgile lui-même; et d'ailleurs est-il permis au prosateur, comme il semble l'être au poète, de choisir et de rejeter dans le texte qu'il traduit ?

42.

- Page 24. Nascetur pulchra Trojanus origine Cæsar,

Imperium Oceano, famam qui terminet astris.

Virgile fait entendre ici, comme dans le 1er livre des Géorgiques (v. 42), que les honneurs divins doivent être rendus à Auguste. Le professeur Binet, dans son système de tout admirer ou de tout excuser dans l'auteur qu'il traduit, trouve Auguste flatté avec délicatesse : « Cette flatterie est d'autant plus délicate, dit-il, que le prince n'y est pas nommé. » Gaston pense que « Virgile loue Auguste sans bassesse; » mais M. Tissot juge Virgile comme Homère a peint ses héros : «< Il n'en fait point des modèles accomplis en dissimulant leurs vices; » il déclare « qu'en donnant toutes les perfections à ses principaux personnages, Auguste et Énée, Virgile << a méconnu la nature et s'est privé des ressources que lui aurait fournies une imitation plus fidèle de la verité. »

43.- Page 24. Cana fides, et Vesta, Remo cum fratre Quirinus, Jura dabunt.

ce vers,

Parmi les commentateurs, les uns ont cru qu'il s'agissait, dans de Remus et de Romulus, sans faire attention qu'il serait ridicule de parler de leur règne après celui de César; les autres ont pensé, avec plus de raison, que c'était une allégorie par laquelle Virgile désignait Auguste et Agrippa, son gendre et son collègue dans le consulat, dans la censure, et comme associé à l'empire. On sait que Romulus fut appelé Quirinus, et qu'Auguste aimait à s'entendre donner ce nom.

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