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que par derrière. L'ange dit à Moïse, dans l'Exode : « Videbis posteriora mea; faciem autem meam videre non poteris.»

Quand Vénus va disparaître aux regards d'Enée, elle se retourne, et alors, dit Virgile, son cou brille de l'éclat des roses. M. De Guerle a jugé à propos de mettre le front de la déesse à la place du derrière de sa tête: Son front de rose brille d'un éclat céleste; c'est un contre-sens. Cervix veut dire cou et quelquefois téte, mais jamais front.

58.- Page 34. Et vera incessu patuit dea.

C'est aussi à la démarche des dieux que les mortels pouvaient les reconnaître. Virgile a déjà fait dire à Didon:

Ast ego quæ divum incedo regina.

Il faut encore remarquer, dans le ve livre, la démarche divine de Vénus, divino incessu.

Fénelon compare la poésie à ces divinités fabuleuses, qui semblent glisser dans l'air plutôt que marcher sur la terre. Saint-Simon dit de la duchesse de Bourgogne : « Elle avait la démarche d'une déesse sur la nue. »

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Sa robe sur ses pieds en plis d'azur s'abaisse;

Elle marche, et son port révèle une déesse.

Delille s'est emparé de ces deux vers :

Sa robe en plis flottans jusqu'à ses pieds s'abaisse

Elle marche, et son port révèle une déesse.

Gaston réclame, dans ses notes, contre ce plagiat, en faisant l'observation qu'il avait publié la première partie de sa traduction avant que celle de Delille parût. Il ajoute poliment : Est-ce une rencontre fortuite? je l'ignore. On peut signaler, dans le 1er livre, trois de ces rencontres avec Rosset, Gaston et Gilbert. La mẻmoire de Delille était bien perfide, si elle lui fournissait, à son insu, de semblables rencontres.

59.- Page 34. Et multo nebulæ circum dea fudit amictu."

Dans le xive livre de l'Odyssée, Pallas couvre d'un nuage Ulysse, lorsqu'il entre dans la ville des Phéaciens. Virgile a trouvé,

dans le même livre, l'idée de l'apparition subite d'Énée aux yeux de la reine de Carthage, celle de la description de cette ville, et aussi celle du récit que fait de ses aventures le héros troyen.

60. Page 34. Ipsa Paphum sublimis abit.

Paphos, aujourd'hui

Daffo, dans l'île de Chypre. Le sang ne coulait jamais sur les autels de la déesse : on ne lui offrait que de l'encens et des fleurs.

61.- Page 34.

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. Hic alta theatris

Fundamenta locant alii.

La magnificence des théâtres anciens n'a rien, chez les modernes, qu'on puisse lui comparer. Trois cent soixante colonnes décoraient le théâtre de Scaurus: Pline (Hist. Nat., liv. xxxvi, ch. 8 et 64) dit qu'il avait trois étages, et qu'il contenait un nombre prodigieux de spectateurs.

62.- Page 36. Qualis apes æstate nova per florea rura

Exercet sub sole labor, etc.

Delille dit, dans une note: « La comparaison aurait eu plus de justesse et plus de grâce encore, si, au lieu d'un roi, les abeilles de Virgile reconnaissaient une reine. » Qui ne croirait, d'après cette réflexion critique, que Virgile donne ici un roi à ses abeilles? Mais il n'est question, dans le texte, ni de roi, ni de reine : c'est Delille seul qui a fait la faute, en traduisant le qualis apes, etc., par

ees vers:

Au retour du printemps, tel aux essaims nouveaux
Leur nouveau roi partage et prescrit leurs travaux.

La même comparaison se trouve dans l'Iliade. Virgile a reproduit, dans la sienne, plusieurs vers du Ive livre des Georgiques : Educunt fœtus; aliæ purissima mella

Stipant, et liquido distendunt nectare cellas....

Aut onera accipiunt venientum, aut, agmine facto,
Ignavum fucos pecus a præsepibus arcent:

Fervet opus, redolentque thymo fragrantia mella.

Il n'y a d'autre changement que celui de deux mots dans le premier vers: au lieu de aliæ purissima qui se trouve dans les Georgiques, on lit aut quum liquentia dans l'Eneide. Le deuxième vers présente le changement de l'épithète liquido en dulci.

63.- Page 36. O fortunati, quorum jam monia surgunt!

Ce vers exprime un sentiment bien naturel dans la bouche d'un héros qui doit aussi fonder une ville, mais après de longs périls et des combats terribles. C'est dans une position également triste, que Mélibée s'écrie (églogue 1, v. 47):

Fortunate senex! ergo tua rura manebunt!

« Malheur, disait Fénelon, à celui qui peut lire ces vers sans verser quelques larmes! »

64. Page 36. Effodere loco signum, quod regia Juno

Monstrarat, caput acris equi: sic nam fore bello
Egregiam, et facilem victu per sæcula gentem.

Le poète a déjà montré Carthage ville opulente. et redoutable dans les armes, dives opum, studiisque asperrima belli. Il a voulu opposer ici à Rome guerrière, Carthage guerrière, et non Carthage agricole. Ces mots, facilem victu per sæcula gentem, ne doivent donc pas être traduits, comme ils l'ont été presque toujours, par l'abondance des choses nécessaires à la vie, mais par une vie ou une gloire immortelle. C'est ainsi que l'abréviateur Justin (liv. XVIII, ch. 5), parlant de cette tête de coursier trouvée dans les fondations de Carthage, dit qu'elle signifiait : bellicosum potentemque populum futurum.

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65. —— Pages 36-38. ........Hic primum Æneas sperare salutem

Ausus.

On a reproché à Virgile de montrer souvent le pieux Énée sans confiance dans les dieux. Le héros dit à Didon (liv. 1, v. 603):

Di tibi (si qua pios respectant numina, si quid
Usquam justitia est).

Et quand Énée exprime ce doute irréligieux, il vient d'éprouver lui-même la protection de Vénus, et il est devant une reine dont l'empire naissant atteste la bienveillance des dieux. Enée dit encore dans le v livre: Si quid pia numina possunt. Quand Virgile écrivait, les dieux s'en allaient donc déjà.

66. Page 38. Atriden, Priamumque, et sævum ambobus Achillem.

On lit Atridas dans un grand nombre d'éditions. Mais Virgile

n'a pu vouloir désigner les deux Atrides, puisqu'Achille n'eut aucun démêlé avec Ménélas; d'ailleurs, le pluriel ne peut convenir avec ambobus.

67.

--

· Page 38. Constitit,* et lacrymans.

Multa gemens, largoque humectat flumine vultum.

Enée est souvent représenté versant des pleurs. Homère fait aussi pleurer ses héros. Les Stoïciens ont pu seuls faire un vice de la sensibilité.

68. Page 38. Sunt lacrymæ rerum.

On ne peut que sentir ce vers en désespérant de le traduire, Si le poète eût dit: Sunt res lacrymabiles, c'eût été la même pensée, mais le sentiment se fût affaibli, une touchante image eût disparu. Il est donc des pensées communes qui deviennent grandes par la place d'un mot."

69.- Page 40. Infelix puer, atque impar congressus Achilli.

Suivant une tradition rapportée par Servius, Achille, poussé d'un désir détestable, s'était emparé par ruse du fils de Priam, et l'avait étouffé dans l'ardeur effrénée de ses embrassemens, in ejus amplexus periit. L'ancien commentateur ajoute que, trouvant une telle mort indigne de l'épopée, Virgile fit périr Troïle combattant contre Achille les armes à la main. Mais le poète s'éloigne de l'usage des temps homériques, en représentant le jeune fils de Priam combattant sur son char sans qu'un écuyer guidât les chevaux. 70. Page 40. Crinibus Iliades passis, peplumque ferebant.

Le peplus ou peplum, en grec peplos, était une robe blanche, légère, sans manches, brodée d'or ou de pourpre, et dont on ornait les statues des divinités. Eustathe décrit ce vêtement dans son Commentaire sur Homère : il était ouvert par devant, et s'attachait sur l'épaule ou sur le bras avec des agrafes. L'auteur de l'Iliade appelle divin le peplum de Vénus, qu'il dit avoir été tissu par les Grâces. Le manteau fatal qui fut envoyé à Hercule par Déjanire, est appelé peplos par Sophocle.

Dans les fêtes des grandes Panathénées, célébrées à Athènes tous les cinq ans, on portait processionnellement, le long du Cé

ramique, en forme de bannière, un peplos sur lequel étaient représentés les exploits de Pallas contre les Titans et les Géans, et les faits mémorables des héros athéniens; de là l'expression digne du peplum, pour digne de l'immortalité. Après avoir été présenté au temple de Cérès Éleusine, ce voile mystérieux était déposé dans la citadelle, au temple de Minerve. Les femmes avaient seules le droit de porter le peplum, et les plus distinguées briguaient cet honneur. Les dames romaines, imitant l'usage d'Athènes, offraient tous les cinq ans un peplum à Minerve.

Porphyre appelle le ciel peplos, comme étant le voile des dieux. Virgile parle encore du peplum dans le x1o livre de l'Énéide (v. 479). Voyez MEURSIUS, Panath., ch. XVII.

71.- Page 40. Ter circum Iliacos raptaverat Hectora muros.

cc

Avant Virgile, aucun poète n'avait dit que le cadavre d'Hector eût été traîné trois fois autour des murailles de Troie. Bayle a fait une note savante, dans son Dictionnaire, sur ce vers de l'Enéide. Homère, dit-il, n'avait marqué le nombre des tours que par rapport au sépulcre de Patrocle. » Le critique croit que Virgile a pu manquer de mémoire, et convertir les trois tours du tombeau en ⚫ trois tours de la ville. Il cite Sophocle, Euripide, Ovide, Sénèque le tragique, Stace, Dictys de Crète, Platon, Cicéron, Hygin, Philostrate, Libanius, Servius, Tzetzès, Eustathe, comme ayant suivi la leçon d'Homère; et il ne connaît que Pindarus Thebanus, auteur de la petite Iliade en vers latins, qui, suivant à la fois Homère et Virgile, « ait marqué nommément trois courses autour des murailles et trois courses autour du tombeau.... Je sais, ajoute-t-il, qu'Ausone, dans le sommaire du xxire livre de l'Iliade, débite qu'Hector fut traîné trois fois autour des murailles de Troie; mais je sais aussi qu'il en a été censuré....

<«<....Au reste, le traitement de ce cadavre, les discours qu'Achille tient à Hector près d'expirer, la liberté qu'il accorda à qui voulut d'insulter et de frapper ce corps mort, cette âme vénale qui se laissa ainsi persuader, à force de riches présens, de vendre à Priam le corps de son fils, sont des choses si éloignées, je ne dirai pas de la vertu héroïque, mais de la générosité la plus commune, qu'il fait nécessairement juger ou qu'Homère n'avait aucune idée de l'héroïsme, ou qu'il n'a eu dessein que de peindre le caractère

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