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Si d'abord on a pu admettre que la morve se développe spontanément chez l'homme, c'est qu'on ne possédait pas encore un assez grand nombre de faits bien observés ; aujourd'hui il me paraît démontré que cette maladie ne peut se transmettre que par contagion. La contagion s'opère, soit par infection, soit par inoculation. De toutes les causes prédisposantes qu'on a citées, il n'en est aucune qui mérite d'être signalée ici. L'infection a lieu presque toujours du cheval à l'homme ; es palefreniers, les charretiers, ceux qui couchent dans les écuries et qui sont longemps en contact avec les chevaux, sont les plus exposés à la contracter; mais quelquefois on l'a vue se produire chez des sujets qui étaient restés très peu de emps auprès des chevaux malades.

On a cité quelques cas d'infection d'homme à homme, chez des sujets qui avaient oigné des malades; celui qu'a rapporté A. Bérard (1) est le plus remarquable. ependant l'élève qui avait contracté la morve avait pansé le malade, et avait aidé ctivement à l'autopsie; de sorte que, même dans ce cas, on peut se demander s'il 'y avait pas inoculation.

La contagion par inoculation est la plus fréquente; il suffit d'une simple écorhure chez les individus qui pansent les chevaux, pour que le virus s'introduise ans l'économie. M. le docteur Carnevale-Arella (2) a rapporté un cas de morve ien caractérisée observé chez un homme qui avait reçu au visage une grande uantité de liquide du jetage du cheval, et M. Mackensie (3) en a rapporté un tout fait semblable. On a cité des cas dans lesquels l'action de boire dans le même seau ue les chevaux malades a déterminé la morve; dans un cas, ce fut une morsure la joue; enfin, de quelques faits rapportés par Hamon (4), et dans lesquels a voit la morve se déclarer chez des carnassiers qui s'étaient nourris de chevaux alades, on a conclu que la chair du cheval morveux pourrait produire cette madie chez l'homme.

M. Duclos (5) a cité un cas très intéressant de morve aiguë chez une femme qui 'avait jamais été en contact avec les chevaux, et qui était occupée à détresser les ins que l'on tord dans les abattoirs. C'est sans doute à cette circonstance qu'est à le développement de la maladie.

Quelquefois il est impossible de remonter à la cause occasionnelle; ainsi M. Teiser (6), de Lyon, a recueilli une observation de ce genre chez une femme, ouvrière I soie, et qui n'avait eu aucun contact direct ou indirect avec des chevaux ou s individus atteints de maladie. Rien dans ce fait ne peut faire supposer qu'il ne agisse pas dans ce cas d'une morve aiguë spontanée; le pus fut inoculé à un eval qui succomba en dix jours.

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Comme dans toutes les maladies développées par contagion, il y a dans la morve

(1) Bull. de l'Acad. de méd., novembre 1841, t. VII, p. 182.

(2) Giorn. delle scienze med. d Torino, t. XXIX.

(3) Lond. Journ. of med., septembre 1851.

(4) Bull. de l'Acad. de med., juin 1839, t. III, p. 990.

(3) Journ. de méd., juillet 1846.

(6) Bull. de l'Acad. de méd., 20 juillet 1852, t. XVII, p. 878.

aiguë une période d'incubation; cette période a une durée qui n'est pas bien connue. Suivant quelques auteurs, lorsque la maladie est transmise par infection, elle peut se prolonger pendant une ou deux semaines et plus; dans les cas où elle se développe à la suite de l'inoculation, l'incubation varie de vingt-quatre ou trentesix heures à trois ou quatre jours.

Début. Le début est différent suivant que la maladie s'est développée par infection ou par inoculation. Dans le premier cas, il y a du malaise, un brisement des membres plus ou moins marqué, un frisson intense et prolongé, ou bien des frissons erratiques, une prostration extrême, parfois des nausées et des vomissements, de la diarrhée, une céphalalgic ordinairement violente.

Lorsque la maladie est le résultat de l'inoculation, on voit presque constamment, pendant quelques jours, survenir les symptômes locaux suivants : rougeur, tension, douleur, aspect érysipélateux du point où a été appliqué le virus et des points environnants; s'il existait une plaie, les bords en sont blafards et fongueux ; le pus est sanieux; on trouve les signes d'une phlébite ou d'une lymphangite, avec engorgement des ganglions, avec suppuration du tissu cellulaire, etc. Quelquefois les symptômes généraux précédemment décrits se montrent presque en même temps que les symptômes locaux.

Dans un cas cité par M. Marchant (1), la maladie débuta comme une fièvre intermittente tierce.

Enfin, la plupart des cas de morve chronique se terminent par une morve aiguë, et alors celle-ci débute comme dans le cas de transmission par infection.

Symptômes de la maladie confirmée. Les douleurs articulaires du début ne tardent pas à prendre une intensité considérable; elles ressemblent à celles du rhumatisme articulaire aigu, et se font sentir principalement dans les épaules, les condes et les genoux. La douleur occupe un nombre d'articulations très variable. N'ayant quelquefois que le simple caractère d'un engourdissement, elle est très vive et déchirante chez certains sujets; dans quelques cas seulement, la douleur s'accompagne de gonflement, de rougeur et de chaleur, comme dans le rhumatisme articulaire aigu. Plus rarement on trouve dans la continuité des membres, ou dans le tronc, des douleurs qui ressemblent à celles du rhumatisme musculaire.

Un des symptômes les plus remarquables est l'apparition de l'érysipele de la face, ou plutôt d'une inflammation des parties molles de la face, occupant principalement le nez, les yeux et les parties voisines, et consistant dans une rougeur jaunâtre ou livide, un gonflement des tissus, et un empâtement marqué. Les paupières envahies, sont gonflées, et la muqueuse palpébrale sécrète un liquide jaune, épais et âcre. Il n'est pas rare de voir cet érysipèle se propager au cuir chevelu.

Une inflammation semblable peut se montrer au niveau des articulations dans la continuité des membres, ou sur une partie du tronc; elle est le prélude de la formation d'un abcès dans le tissu cellulaire sous-cutané; les abcès de ce genre se manifestent principalement à la face, au niveau des articulations, vers le crane, l'aisselle, etc.

Quelquefois ces abcès sont extrêmement nombreux, et occupent non seulement le tissu cellulaire, mais l'épaisseur des muscles; ils se montrent alors dans les ré

(1) Arch. gen. de méd., 1839.

gions du corps les plus variées, et principalement aux mollets; le pus qu'ils con tiennent est de mauvaise nature, séreux, fétide, contenant parfois des bourbillons gangréneux.

Des pustules de différentes formes apparaissent sur les diverses parties du corps, elles commencent par de petites taches rouges, suivies d'une papule blanchâtre, et bientôt après de la formation du pus. Ces pustules sont entourées d'une aréole rose, et parfois elles sont placées sur une tuméfaction rouge du derme, semblable à une plaque d'urticaire; les unes sont pointues, les autres aplaties; quelquefois une grosse pustule est entourée d'un nombre plus ou moins considérable d'autres petites. Le pus qu'elles contiennent est jaunâtre, et quelquefois une certaine quantité de sang qui s'y mêle donne à la pustule un aspect violacé.

Ces pustules occupent principalement la face; mais on en voit parfois un grand nombre sur le tronc et sur les membres, et la maladie pourrait alors simuler certaines varioles ; quelquefois elles sont presque confluentes.

Dans certains points, ce ne sont pas de simples pustules, mais bien des phlyctenes, des bulles d'une étendue variable, pleines d'un liquide sanguinolent et noirâtre; dans quelques cas, on a vu apparaître des espèces de tubercules rougeâtres, semblables à des nævi, et qui se déchirent très promptement.

Des escarres gangréneuses se montrant sur les points occupés par l'inflammation érysipélateuse, ou sur d'autres parties de la peau, ou encore sur des muqueuses, sur des surfaces dénudées par des vésicatoires, sont encore des symptômes communs de la maladie. Quelquefois la gangrène envahit une grande étendue des tissus.

Des ulcérations occupant soit la base des pustules, soit, ce qui est bien plus fréquent, les surfaces muqueuses, et principalement les fosses nasales, le voile du palais et le pharynx, ne tardent pas à s'ajouter aux symptômes locaux.

Une sensation de plénitude, quelquefois de chaleur, et d'une douleur légère, annonce le coryza spécial qui se rencontre dans cette maladie; bientôt le sentiment d'obstruction augmente, et l'on voit s'écouler par les deux narines, quelquefois par une scule, un liquide d'abord blanchâtre et visqueux, mêlé de quelques stries de sang, puis purulent et jaunâtre : c'est ce qu'on a appelé le jetage. En même temps le passage de l'air dans les fosses nasales est difficile. Parfois les alcérations, les escarres qui donnent lieu à ce jetage détruisent profondément les fissus, et l'on a vu la cloison du nez complétement perforée.

Du côté de la bouche, on trouve des ulcérations, des gangrènes semblables, avec uméfaction des tissus, et un écoulement analogue à celui des fosses nasales. Des symptômes du même genre se montrent dans le pharynx, et l'on observe la tuméaction des ganglions sous-maxillaires. La langue, lorsque la maladie est intense, est quelquefois rétractée, dure, comme dans les fièvres graves, et présente quelques pustules; au début, au contraire, elle reste molle, et n'offre qu'un léger

enduit.

L'appétit est complétement perdu, la soif très vive; les vomissements sont rares. Le ventre, normal au début, devient, dans quelques cas, météorisé, et plus ou moins douloureux à la pression. Il existe ordinairement, dans les premiers temps, de la constipation; mais vers la fin de la maladie il est ordinaire de voir survenir des selles diarrhéiques fétides, parfois involontaires.

Par suite des lésions qui occupent le pharynx et qui peuvent s'étendre à l'épiglotte et au larynx, la voix est souvent altérée, éteinte; quelquefois l'haleine est très fétide. Il existe une toux sèche, avec expectoration muqueuse, sans caractère particulier; parfois les malades rejettent des crachats rouillés et sales. Quelquefois seulement l'auscultation fait entendre un peu de râle sibilant ou muqueux; vers la fin de la maladie, la respiration devient accélérée et laborieuse.

Le pouls est toujours fréquent; il le devient de plus en plus à mesure que la maladie fait des progrès; sa fréquence varie de 120 à 150 pulsations, généralement faibles et dépressibles; il devient irrégulier et intermittent aux approches de la

mort.

J'ai dit plus haut qu'un certain nombre de malades présentaient des épistaxis au début; ces hémorrhagies peuvent se reproduire plus tard, et l'on en voit d'autres se montrer du côté de l'intestin ou dans les muscles.

A mesure que la maladie marche, la prostration fait des progrès sensibles, les malades sont frappés de crainte, leur sommeil est agité, ils ont des rêvasseries, et enfin un délire continu ou alternant avec le coma.

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La marche de la morve aiguë paraît, pendant trois ou quatre jours, quelquefois plus, assez lente; ce ne sont d'abord que des frissons, de la courbature et des douleurs; mais au bout de ce temps, surviennent les symptômes d'une fièvre violente, et peu après les signes locaux caractéristiques de l'affection. On a vu là trois périodes distinctes la première a reçu le nom de période rhumatismale, la seconde celui de période typhoïde, et la troisième pourrait être désignée par celui de période de la maladie confirmée. On a cité quelques cas dans lesquels la première période aurait duré un mois, six semaines, et plus encore; mais il est probable qu'en pareil cas la maladie avait débuté par un farcin chronique qui s'est transformé en morve aiguë.

La durée de la maladie, dans un certain nombre de cas de morve aiguë primitive, rassemblés par les auteurs du Compendium, a été de trois jours à vingt-neuf. Tous les cas que nous connaissons ont eu une terminaison fatale, à l'exception de deux seulement. Le premier a été observé par le docteur Carnevale-Arella (1); le second, par M. Mackensie (2). Il est remarquable que dans les deux cas cités par ces médecins, le mode d'infection avait été le même.

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Je signalerai très rapidement les lésions anatomiques, dont les principales, observables sur le vivant, ont été décrites. Ce sont les pustules, les bulles, les tubercules, les ulcérations indiquées plus haut; l'épaississement, la suppuration du derme; les abcès du tissu cellulaire et des muscles, abcès souvent nombreux, pouvant occuper presque toutes les parties du corps, et contenant ordinairement un pus de mauvaise nature; des traces d'inflammation des articulations, la dénudation, le ramollissement, la carie des os; l'injection de la muqueuse pituitaire, son épais

(1) Loc. cit.

(2) Loc. cit.

sissement, son ramollissement, des ecchymoses dans son épaisseur; des escarres gangréneuses, des pustules, des ulcérations, la destruction des tissus; les traces des lésions observées dans la bouche, des altérations semblables sur l'épiglotte et dans le larynx ; des ecchymoses à la surface des poumons, des taches apoplectiformes, des tumeurs formées par une substance jaune lardacée, des abcès parenchymateux; autour de ces lésions, le tissu des poumons sain ou congestionné, ou ramolli; quelquefois des ulcérations dans le gros intestin (Landouzy); fréquemment la congestion, le ramollissement, l'augmentation de volume de la rate. MM. Burguières et Vigla ont plusieurs fois rencontré une inflammation manifeste de quelques veines. Le sang est tantôt coagulé, tantôt fluide; dans un cas, MM. Nonat et Bouley ont cru y rencontrer la présence de globules purulents; les ganglions lymphatiques, affectés pendant la vie, sont gonflés, mous et rougeâtres; quelquefois ils présentent des points purulents. Les autres lésions signalées par quelques auteurs n'ont rien de constant.

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Aujourd'hui que nous possédons un assez grand nombre de cas de morve aiguë bien observés, le diagnostic de cette affection ne présente pas de grandes difficultés: les pustules, les bulles, le coryza particulier, l'érysipèle, les douleurs articulaires suffisent pour faire distinguer cette maladie de la fièvre typhoïde.

Un érysipele de la face, n'occupant d'abord qu'un seul côté avec écoulement nasal plus ou moins abondant, pourrait en imposer pour un cas de morve aiguë, surtout si, comme chez un sujet que j'ai observé récemment, il y avait en même temps une violente angine et des symptômes fébriles intenses; mais l'absence des pustules, des bulles et des tubercules dans d'autres parties du corps que celle qui est occupée par l'érysipèle, et aussi l'absence des douleurs articulaires, des escarres gangréneuses, feront éviter l'erreur.

Les mêmes signes ont servi à M. Vigla pour distinguer, de la maladie qui nous occcupe, une phlébite de la face, avec inflammation de l'orbite et des fosses nasales. L'absence des éruptions cutanées et des lésions des fosses nasales ne permet pas de confondre la morve aiguë avec la résorption purulente. Quant aux autres maladies mentionnées par quelques auteurs, il n'est pas nécessaire de les examiner ici, car l'erreur est impossible.

Je n'ai pas besoin de dire combien le pronostic est grave, puisque, jusqu'à présent, la maladie s'est presque toujours terminée par la mort.

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Je ne saurais insister sur un traitement qui non seulement n'a pas guéri les malades, mais même ne leur a procuré aucun soulagement; je dirai seulement qu'on a mis tour à tour en usage les vomitifs, les purgatifs, les sudorifiques, les toniques de toute espèce, les narcotiques, les antispasmodiques, et qu'on a conseillé le mercure à haute dose, ainsi que le sulfate de quinine à dose croissante.

Dans le cas rapporté par M. Carnevale-Arella (1), le traitement consista en cinq saignées en trois jours, en cataplasmes émollients autour du cou, en émollients hui

(1) Loc. cit.

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