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CHAPITRE LXX.

Comment le duc de Bar trespassa. Et de l'ambaxade que le Roy envoya devers le duc de Bourgongne.

En ce temps, Henry, duc de Bar1, preudomme, sage et discret, trespassa de ce siècle. Auquel son filz ainsné, c'estassavoir le marquis du Pont, nommé Edouard, succéda en la duché de Bar et en la chastellenie de Cassel, excepté aucune partie laquelle il avoit donnée héréditablement à Robert de Bar, fils de feu Henry de Bar, son premier filz, et de la dame de Coucy. C'estassavoir : Warnechon, Bourbourc, Dunnequerque et Rodest. Après laquelle mort ledit Edouart fut nommé duc de Bar, et commença à régner assez honnorablement.

En ce temps aussi furent envoiez devers le duc de Bourgongne de par le Roy, certains ambaxadeurs, lesquelz avecques autres choses qu'ilz lui dirent de bouche, lui portèrent la copie des lectres que le duc d'Orléans avoit envoiées contre lui et les siens devers le Roy. Lequel duc de Bourgongne, du contenu en icelles ne fut pas bien content. Et par iceulx ambaxadeurs fist savoir que le duc d'Orléans ne disoit point vérité par sesdictes lectres. Et après qu'il eut receu iceulx ambassadeurs bien révéremment, print congié

1. Sic dans Suppl. fr. 93 et dans Vérard. Il se nonimait Robert, et non Henri.

2. Édouard III, duc de Bar, à la mort du duc Robert, son père.

3. Warneston, Bourbourc, Dunquerque et Rodes» (Suppl. fr. 93). Warneton, Bourbourg, Dunkerke, et peut-être Roubaix ?

de eulx et s'en ala en son pays de Flandres. Et ilz, s'en retournèrent à Paris sans emporter response qui feust de nulle valeur. Et tost après ledit duc de Bourgongne fist grant mandement de gens d'armes, et les envoya en Cambrésis et vers Saint-Quentin. Mais assez tost après, par l'ordonnance du Roy et son conseil les fist départir et retourner ès lieux dont ils estoient

venus.

En oultre, le mercredi xv jour de juillet, maistre Jehan Petit, docteur en théologie, lequel le duc d'Orléans avoit en propos de poursuyr et faire accuser de hérésie pardevant l'Université de Paris, mourut en la ville de Hesdin, dedens l'ostel de l'ospital que lui avoit donné le duc de Bourgongne avecques autres grandes pensions, et fut enterré en l'église des Frères Mineurs, oudit lieu de Hesdin.

le pape

Et en ce mesme temps, sur le clergié du royaume de France et du Dauphiné fut mis sus ung subside caritatif en la valeur d'un demy dixiesme, imposé par du consentement du Roy, des princes, de l'Université de Paris et de la plus grant partie des prélas et citez, à paier à deux termés, c'estassavoir, le premier à la Magdeleine, et le second à la Penthecouste ensuivant. Si se cueillit assez rigoreusement, et tant que le povre clergié commun s'en plaignoit moult piteusement1.

Et pendant que ces besongnes se faisoient, le duc de Bourgongne estant en la ville de Bruges le samedi x jour de juillet, messire Amé de Salebrusse, messire

1. Cf. le Relig. de Saint-Denis, Chr. de Ch. VI, t. IV, p. 414. 2. Amé de Sabbrusse dans Suppl. fr. 93. C'est Amé de Sarrebruck.

léans, à tout cinq cens bacinets, vindrent à Clermont en Beauvoisis et descendirent par la Normandie. Mais le conte de Vertus ne demoura mie longuement là, ains print une partie de ses gens d'armes et se parti dudit duc de Bourbon, et s'en ala ès parties de Soissonnois et de Valois et en la baronnie de Coucy, qui estoient à son frère le duc d'Orléans, et là mist lesdictes gens d'armes en garnison.

Et est vérité que quant le duc de Bourgongne, qui estoit adonc à Arras, oy ces nouvelles, il en fut moult troublé, et le plus brief qu'il pot manda de toutes pars gens de guerre, et qu'ilz feussent tous ou chastel en Cambrésis le pénultime jour d'avril. Mais quant ce vint à la congnoissance du Roy et de son conseil, il envoya tantost devers lesdiz ducs, notables et solennelz ambaxadeurs, et leur manda et fist faire défense sur peine de confiscacion de tous leurs biens et de leurs seigneuries, et avecques ce d'estre tenus et réputez ennemis à lui et à tout son royaume, qu'ilz se gardassent de faire nulles entreprises l'un contre l'autre, mais feissent retraire leurs gens d'armes. Auquel commandement ilz obéirent pour ceste fois tous deux assez humblement, et se abstindrent par certain espace de temps.

DE L'AN MCCCCXI.

[Du 12 avril 1411 au 3 avril 1412.]

CHAPITRE LXIX.

Comment le duc d'Orléans envoia ses ambaxadeurs devers le Roy et lui escripvi ses lectres, iesquelles grandement chargoient le duc de Bourgongne et ceulx de sa partie.

Au commencement de cest an, le duc d'Orléans, non content de ce que les gouverneurs du Roy, c'estassavoir ceulx qui y estoient de par le duc de Bourgongne, avoient plus grande audience que les autres, et avecques ce, que chascun jour en déboutoit et eslongnoit dudit gouvernement et de leurs offices ceulx qui avoient esté à son feu père et qui estoient à lui, envoia devers le Roy ses ambaxadeurs, et lui fist remonstrer les besongnes dessusdictes, et aussi, requerre que les homicides qui avoient murdri sondit père feussent punis selon les traictiez paravant passez; lesquels homicides se tenoient chascun jour ou royaume. Ausquelz ambaxadeurs fut respondu et promis de par le Roy et son conseil, qu'on pourvoieroit à tout, ainsi qu'il appartiendroit. Et après leur département le Roy envoya à Bourges devers le duc de Berry, son oncle, et lui fist requerre bien acertes, que pour le bien de son royaume il se voulsist entremectre d'entretenir en paix ses deux nepveux, c'estassavoir les ducs d'Orléans et de Bourgongne; laquelle chose il promist faire. Et pour y besongner envoia

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l'arcevesque de Bourges1 à Paris, instruit de par ledit duc de ce qu'il avoit à remonstrer et qui estoit à faire touchant ceste matière. Et tantost après, fut ledit chancelier envoyé avecques le mareschal Bouciquault et aucuns autres, devers ledit duc de Bourgongne, qui estoit à Saint-Omer. Lequel, après qu'il eut oy les poins et les articles de ladicte ambaxade, fist response qu'à lui ne tenoit pas, ne tenroit, que tous les traictiez paravant passez ne feussent entretenus, et que du tout il vouloit obéir au Roy; et de ce firent leur rapport. Et pour ce que, selon la voulenté du duc d'Orléans et de son conseil, on ne procédoit point assez asprement contre lesdiz homicides, et aussi pour plusieurs autres choses, rescripvi ses lectres signées de sa main, devers le Roy. Desquelles la teneur s'ensuit :

« Mon trèsredoubté seigneur, humble recommandacion prémise. Naguères, mon trèsredoubté seigneur, vindrent à moy deux de vos conseillers, c'estassavoir messire Colart de Charleville, chevalier, et maistre Simon de Nanterre, président en vostre parlement, lesquelz il vous a pleu à moy envoier pour moy exposer et signifier aucune chose de vostre voulenté et bon plaisir, si comme ilz me ont affermé, et ce me ont-ilz bien sagement et discrètement déclairé ès termes de leur légacion, sur trois poins : Premièrement, requirent et prièrent à moy de par vous, qui me povez et devez commander comme à vostre humble et loyal subject et serviteur, que je me submecte du discort

1. Guillaume de Boisratier.

2. Eustache de Laistre, qui avait remplacé Jean de Montaigu, archevêque de Sens, par lettres du 6 décembre 1409.

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