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cuidoient prendre et desrober. Mais eulx mesmes furent prins. Car tantost et incontinent que les dessusdiz sceurent où ilz estoient, les vindrent envayr et courir sus, et là furent tantost vaincus. Si en y eut plusieurs prins et mors et les autres qui porent eschaper s'en tournèrent en fuite et se saulvèrent. Entre lesquelz fut prins ung gentil homme d'armes nommé Guischardon de Sere. Et ce fait, ledit duc de Lorraine et lesdiz seigneurs de Ronc et de Heilli, à tous leurs prisonniers, s'en retournèrent en l'ost du Roy, joyeulx de leur victoire. Pour laquelle aventure et aussi pour plusieurs autres assez pareilles, le duc de Berry et ceulx qui estoient avecques lui dedens sa cité de Bourges, furent très dolens et courroucez, tant pour ce, comme pour le désolacion de sa cité et de son pays et pour la destruction de ses chevaliers et escuiers, qu'il veoit estre mors et navrez chascun jour. Néantmoins de toute sa puissance mist son affection de soy défendre contre tous ceulx qui nuire lui vouloient. Et advenoit très souvent que ses gens portoient grant dommage à ceulx de l'ost.

Et pendant que ces besongnes se faisoient, messire Philebert de Lignach', grant maistre de Rodes, qui estoit en la compaignie du Roy, s'emploia par plusieurs et diverses foiz à inciter les deux parties adverses à estre d'accord et faire paix l'un avec l'autre. Et entretant vint audit siège le mareschal de Savoye, et avecques lui aucuns chevaliers et escuiers dudit pays, lesquelz furent là envoiez de par leur seigneur le conte de Savoye devers les deux parties, afin de traicter

1. Philibert de Naillac.

qu'ils feissent paix ensemble. Lequel mareschal et ceulx qui avec lui estoient venus, se joignirent avec ledit maistre de Rodes, et firent grandes diligences d'aler d'un costé et d'autre, tout par le consentement du Roy, et par espécial devers le duc d'Acquitaine qui présidoit et estoit lieutenant du Roy, avecques lesquelz furent ordonnez le maistre des arbalestriers de France, le séneschal de Haynau, le seigneur de Gaucourt, le seigneur de Tignonville, le seigneur d'Ambrecicourt, le seigneur de Barbasan, et autres avecques eulx. Lesquelles deux parties entendirent diligemment à mener leurs traictiez à fin et conclusion. Et pour y parvenir furent par plusieurs foiz devers les princes d'un costé et d'autre. Mais à brief dire il ne fut point en eulx de les avoir conclud si hastivement. Car une chascune partie se disoit grandement estre intéressée. Et entre les autres choses estoit fort ramenteu ce que les asségez avoient envoyé leurs gens sur l'ost du Roy à main armée, pour leur courir sus durans les trêves dont paravant est faicte mencion. Et par ainsi, pour plusieurs raisons se atargèrent aucunement lesdiz traictiez.

CHAPITRE XCIV.

Comment le roy Charles de France se desloga et ala à l'autre costé de la ville de Bourges à tout sa puissance, où se firent les traictiez d'entre les deux parties.

En après est vérité que quant le Roy et tout son ost eurent sis environ ung moys devant la cité de Bourges, du costé de la Charité sur Loire, voyans que ladicte cité ne povoient bonnement dommager, et aussi que

ceulx de ladicte ville estoient chascun jour par l'autre costé rafreschis et bien pourveuz de vivres et autres leurs neccessitez, se desloga d'ilec et fist bouter les feux par tous les logis. Si s'en ala loger à la dextre partie de la cité, à quatre lieues ou environ sur la rivière assez près de Yèvre le Chastel. Et pour ce, ceulx de la ville voians leurs ennemis ainsi desloger soudainement, cuidèrent qu'ilz s'en fuissent et retournassent en France pour la doubte des Anglois, lesquelz leur avoient promis confort et aide; si en avoient grant joye. Si en y eut plusieurs yssans d'icelle ville en entencion de gaigner et prendre aucuns de l'ost du Roy, et par espécial y saillirent moult des paysans. Mais il advint autrement qu'ilz ne pensoient. Car Enguerrant de Bournonville' demourèrent derrière embuschez, à tous quatre cens hommes d'armes, et quant ilz virent leur point, ilz férirent en eulx et en prindrent et occirent plusieurs, et après s'en retournèrent en l'ost du Roy. Et lendemain, le Roy, à tout son ost, passa la rivière pour aler devers Bourges par l'autre costé vers Orléans, à fin, comme ilz avoient fait à l'autre costé, [qu'ilz] gastassent et destruisissent tous les vivres du pays à l'environ. Et quant ceulx de la cité perceurent qu'ilz passoient l'eaue, tantost et hastivement boutèrent les feux ès faulxbourgs, qui estoient moult beaulx, afin que leurs ennemis ne se y logassent, et si furent arses aucunes églises qui là estoient, dont ce fut pitié. En oultre le Roy là venu et son ost, se logèrent tout environ de la ville et firent leur ordon

1. Ajoutez et aultres cappitaines, comme dans le ms. Suppl. fr. 93.

nance. Si assirent leurs engins, canons, bombardes et aussi pierres', ès lieux plus convenables pour plus gréver ladicte ville. Et les asségez pareillement advisèrent toutes les voies et manières comment ilz pourroient gréver leurs ennemis par leur traict et canons et habillemens de guerre. Les seigneurs qui dedens estoient asségez estoient de cuer tristes et dolens, pour les innumérables dommages et démolicions de ladicte ville et cité. Toutesfoiz le duc d'Acquitaine, filz et lieutenant du Roy, par l'induction d'aucuns, aiant en sa mémoire et considéracion la désolacion de si noble cité et qui estoit la supellative de toute la région d'Auvergne et de Berry, de laquelle il devoit estre hoir, et que ce lui pourroit redonder à grant dommage, fist commandement et défense aux cannoniers et à ceulx qui se mesloient de gecter pierres et de telz engins gouverner, qu'ilz n'en gectassent plus contre ladicte cité, sur peine de perdre la teste. Dont le duc de Bourgongne, qui s'esforçoit de gréver icelle et ceulx de dedens, fut moult esmerveillé, et eut grant souspeçon que le duc d'Acquitaine n'eust sa pensée changée et qu'il ne feust meu de pitié contre ses adversaires. Et tant que entre les besongnes sur la matière dicte et proférée entre eulx deux, le duc d'Acquitaine son gendre lui dist absolutement, qu'il feroit finer la guerre. Adonc ledit duc de Bourgongne lui pria que se il vouloit ce faire, au moins feist selon la conclusion du conseil du Roy qui avoit esté faict à Paris derrenièrement, c'estassavoir que se en humilité ne se

1. Lisez perriers, c'est-à-dire pierriers, comme dans le ms. Suppl. fr. 93.

venoient rendre et soubmectre à sa voulenté, il ne les recevroit pas, et néantmoins quelque chose qu'il lui requeist, il ne lui vouloit requérir chose qui feust à son deshonneur. A quoy le duc d'Acquitaine répliqua et dist, que voirement la guerre avoit trop duré et que ce estoit et avoit esté ou préjudice du royaume et du Roy son père, et qu'à lui mesmes povoit redonder, et aussi ceulx contre qui ladicte guerre se faisoit estoient ses oncles, cousins germains et prouchains de son sang, dont il povoit estre grandement servy et accompaigné en tous ses afaires, mais bien vouloit qu'ilz venissent à l'obéissance du Roy son seigneur et père, ainsi que autrefois au partement de Paris avoit esté pourparlé. Après lesquelles paroles et plusieurs autres, ledit duc de Bourgogne se commença fort à humilier envers ledit duc d'Acquitaine, et apperçut assez que par aucuns grans seigneurs il avoit esté instruit ès besongnes dessusdictes, et entre les autres choses se doubta fort et eut grant suspicion sur le duc de Bar, et depuis certain temps après monstra assez clèrement qu'il n'estoit point bien content de lui. Toutesfoiz il dist là au duc d'Acquitaine, qu'il estoit bien content que les traictiez se poursuissent selon son plaisir, à l'onneur du Roy et de lui. Adonc fut-il ordonné à ceulx qui autrefoiz s'en estoient entremis, qu'ilz poursuissent leur matière. Lesquelz le firent voulentiers. Et quant ilz orent mis par escript les demandes et responses des deux parties, iceulx médiateurs et appoincteurs firent requeste aux princes, que le duc de Berry et le duc de Bourgongne peussent convenir ensemble et eulx entremectre de traicter la paix. Laquelle requeste fut accordée de par le Roy et son filz le duc

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