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Car iceulx seigneurs estoient fermez et délibérez d'aler devers le Roy à puissance, pour lui remonstrer et requerre qu'il feist justice et prinst autre gouvernement. Et pour ce que ladicte Royne se parçeut qu'elle traveilloit en vain, retourna à Paris avec sa compaignie, et racompta ce qu'elle avoit trouvé. Dont le Roy fut moult courroucé et troublé. Et lendemain, xx jour de septembre, fist évoquer et assembler toutes les gens de guerre qui estoient venus pour le servir, et fist charger chariots et charètes en intencion de yssir hors de Paris, à tous ses princes et chevaliers, pour combatre lesdiz seigneurs. Et après, quant tout fut prest, ainsi qu'il oioit sa messe pour après monter à cheval, vint devers lui le Recteur de l'Université grandement acompaigné des maistres et suppos d'icelle, lequel lui dist et remonstra comment sa fille l'Université estoit disposée de partir de Paris par faulte de vivres, lesquelz, à l'occasion des gens d'armes tant d'une partie comme d'autre, ne povoient venir en la ville de Paris qu'ilz ne feussent robez ou destroussez ; et avecques ce, que tous les biens estoient dissipez et dégastez par tout le plat pays par la multitude desdiz gens d'armes. Pour quoy très humblement supplioient que sur ce leur pleust pourveoir de remède, et respondre ce que bon lui sembleroit. Et tantost, maistre Regnault de Corbie, chancelier, print les paroles et dist : « Le Roy appellera son conseil, et après disner nous vous ferons response. » Et après, le roy de Navarre, là estant, supplia au Roy qu'il leur assignast heure et que après disner les voulsist oyr. Et le Roy, inclinant à sa requeste, bailla aucune heure au Recteur à venir devers lui. Et après disner le Roy et ses

princes, c'estassavoir les ducs d'Acquitaine, de Bourgongne et de Brabant, le marquis du Pont, le duc de Lorraine, les comtes de Mortaigne, de Nevers et de Vaudemont, avec plusieurs autres grans seigneurs, tant de gens d'église comme de séculiers, vindrent au Palais, en la Chambre Verte. Et le roy de Navarre fist quatre supplicacions en françois. La première fut, que les seigneurs du sang roial, tant d'un costé comme d'autre, s'en retournassent chascun en sa seigneurie et que plus ne s'entremeissent du gouvernement du Roy; et aussi que doresenavant ne receussent autres prouffiz ne pensions, tant de subsides qu'ilz ont acoustumez de prendre sur leurs terres, comme des autres exactions, mais vivent de leur propre jusques à tant que le Roy et son royaume feussent en meilleur estat qu'ilz ne sont maintenant. Toutesfoiz se le Roy veult à aucun aucune chose donner et le appeller à lui, ilz seront tousjours prestz et appareillez de le servir. La seconde supplicacion fut que aucune diminucion feust mise sur les subsides qui couroient sur le peuple. La tierce, que à aucuns bourgois de Paris feust faicte assignacion de plusieurs grosses sommes de deniers qu'ilz ont prestez au Roy et que l'on leur avoit promis à rendre. La quarte, que les besongnes et afaires du Roy feussent ordonnées, disposées et gouvernées par sages gens et preudommes de tous estas de son royaume.

Après lesquelles requestes et remonstrances, le Roy de sa propre bouche respondit au roy de Navarre que sur icelles il auroit conseil, et après en respondroit tellement que lui et tous les autres devroient estre contens. En après ces choses faictes, le Roy eut conseil, comme proposé avoit esté, de yssir de Paris à l'en

contre des seigneurs et de leurs aliez, dont dessus est faicte mencion. Mais, en fin, fut conclud que de rechef envoieroit la Royne, sa compaigne, et ses solennelz ambaxadeurs envers eulx pour traicter de paix. Laquelle, quant elle fut là venue, se y emploia très bien et loiaument, jà soit ce qu'il feust lors commune renommée qu'elle estoit fort affectée à ladicte partie d'Orléans.

Durant laquelle ambaxade, Amé, conte de Savoie, qui avoit esté mandé de par le Roy, vint à Paris, à tout six cens bacinets. A l'encontre duquel alèrent jusques à la porte Saint-Anthoine les trois frères, c'estassavoir les ducs de Bourgongne et de Brabant et le conte de Nevers, son serourge, avec moult d'autres seigneurs, et de là le menèrent au Palais devers le Roy, lequel le reçeut moult honnorablement. Et aucuns jours après, ladicte Royne, qui ne peut riens besongner en ladicte ambaxade où elle estoit alée, retourna devers le Roy son seigneur, et raporta comment elle ne povoit rompre iceulx seigneurs de leurs propos, car en icellui estoient du tout obstinez. Et de là s'en ala ladicte Royne au Bois de Vinciennes, le plus tost qu'elle peut. Et lendemain au matin lesdiz seigneurs se partirent de Montlehéry et vindrent, le duc de Berry en son hostel de Vicestre qu'il avoit aucunement réédifié, et le duc d'Orléans se loga à Gentilli en l'ostel de l'évesque', le conte d'Armignac à Vitry, et les autres en autres lieux, au plus près qu'ilz porent; et au vespre vindrent loger à SaintMarcel et jusques à la porte de Bordelles. Pour lequel logis, le Roy et le duc de Bourgongne et tous les

1. De l'évêque de Paris.

autres princes avoient grant merveille. Et incontinent les Parisiens, à leurs propres despens, mirent sus mille bacinetz ceste nuit pour faire le guet, et firent par toute la ville de Paris très grans feux. Et afin qu'ilz ne passassent la rivière par ung lieu assez près de Charenton, y envoyèrent deux cens hommes d'armes pour garder le passage.

Et le deuxiesme jour ensuivant, Artur, conte de Richemont et frère au duc de Bretaigne, vint en la compaignie des ducs de Berry et d'Orléans, à tout bien six mille chevaulx. Ce qui moult despleut au Roy et par espécial au duc de Bourgongne, pour ce que le duc de Bretaigne qui naguères avoit esté mandé de par le Roy avec ses Bretons pour le servir, avoit receu dudit roy finances, et pour ceste cause, ledit duc, pour ce qu'il estoit ocupé en aucunes autres besongnes, avoit envoié son frère en son lieu pour servir le Roy, et non autre. Ouquel exercite, le seigneur d'Albreth, connestable de France, lesdictes finances qu'on disoit qu'il avoit receues du Roy comme on disoit, il les avoit jà exposées et despendues en son service, c'estassavoir du duc de Berry.

Après, alèrent plusieurs de ladicte assemblée à Saint-Cloud et autres villes à l'environ, lesquelles ilz pillèrent et prindrent ce que bon leur sembloit. Et avecques ce, aucuns mauvais garnemens violèrent et ravirent plusieurs femmes et les amenèrent en leur ost, dont aucuns desdictes villes, hommes et femmes, vindrent à Paris eulx complaindre, faisans grans clameurs desdiz ravissemens et requérans au Roy vengence d'iceulx et aussi estre restituez de leurs biens se faire se povoit. Lors le Roy, pour leur infortune, et

aussi meu de pitié, lesdiz princes et tous ceulx qui estoient en leur compaignie et aide, les adjuga par son décret et sentence estre exemptez de leurs biens et tous confisquez'. Et pendant que les lectres s'escripvoient, le duc de Berry, oncle du Roy, envoia bien en haste ses ambaxadeurs dedens Paris devers le Roy afin que la sentence ne sortesist son effect pour ceste fois. Lesquelz ambaxadeurs requirent instamment de par leur seigneur que la besongne feust atargée, et que au plaisir de Dieu, aucun bon moien se trouveroit. A la requeste desquelz ceste besongne fut prolongée, et commença l'en à traicter entre les parties. Et non obstant toutes les advenues dessusdictes, estoit le Roy moult desplaisant de ce qu'il veoit que ceulx de son sang estoient ainsi en discension l'un contre l'autre, et qu'il convenoit qu'il procédast contre eulx par si grant rigueur. Et afin que sans l'effusion du sang humain la chose se passast, requist à son chancelier et à aucuns de son privé conseil qu'ilz se vousissent employer diligemment à ce que ledit traictié se feist. Et pareillement on parla bien acertes au duc de Bourgongne, au conte de Saint-Pol et aucuns autres princes, lesquelz promirent, chascun endroit soy, de eulx y emploier.

Durant lequel temps, le seigneur de Dampierre, l'évesque de Noyon, le seigneur de Tignonville, maistre Gontier Carl' et aucuns autres ambaxadeurs du Roy'

1. Sic dans le n° 8345. Cette phrase qui n'a pas de sens ici, en a un, qui est clair, dans le ms. Suppl. fr. 93: « Estre exécutez et leurs biens confixquiés. »

2. Le ms. Suppl. fr. 93 donne le vrai nom « Gontier Col». C'était un secrétaire du roi, qu'on trouve très-employé.

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