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sur les premiers siècles de Rome? Quoi! pas la moindre allusion à ce qui se passe de nos jours! Une brochure, où il n'est question ni de la guerre ni du commerce, où l'on ne prescrit point de limites ni ne propose aucune réduction, où l'on ne fait aucun compliment au prince, ni de leçon à ses ministres! En vérité je vous admire, et qu'en dira-t-on, je vous le demande, en Hampshire?

Le Grec doit être laissé au collège et à la roture; ainsi l'a-t-on peut-être décidé chez nos voisins, et cette mode menace de devenir contagieuse. Je. sais que Paris ne se croit pas encore déshonoré d'un Caylus et d'un Nivernois, et que votre île compte avec plaisir ses Lyttelton, ses Marchmont, ses Orrery, ses Bath, ses Granville, Mais vous êtes jeune, et l'on soupçonne ceux que je viens de vous nommer d'être un peu du siècle passé. Vos notes sont savantes, mais qui à Newmarket ou dans le caffé d'Arthur peut les lire?

Point d'ordre ni de liaison, dira le géomètre piqué. N'en soyez point surpris, il voit en vous un transfuge. Vous n'avez point donné la pomme à sa Venus, et il juge un écrit de goût sur le pied des élémens d'Euclide,

Parmi vos critiques je vois le littérateur luimême. Je ne dirai pas que vous pensez, et lui laissez le soin de recueillir. Je vous respecte trop pour voler ce bon mot à Voltaire. Mais vos notes ne consistent point en corrections de passages. Quel vers d'Aristophane avez-vous restitué? De quel manuscrit vous appuyez-vous? D'ailleurs vous envisagez quelques objets sous un point de

vue ou nouveau ou singulier. Votre chronologie est celle de Newton; vous justifiez l'anachronisme de Virgile; vos Dieux ne sont pas ceux de . . . Craignez sa nouvelle édition; vous aurez place dans ses notes.

Je ne vous reproche point l'obscurité, dirai-je, ou la profondeur de quelques unes de vos pensées, vos phrases coupées, la hardiesse de vos figures. La nation académique sera moins facile, et frondera quiconque voudroit vous appliquer une de vos notes, et l'aveu modeste de l'orateur Romain, en relisant dans l'age de la maturité, un morceau applaudi de sa jeunesse. Quantis illa clamoribus, adolescentuli, il avoit 26 ans, dirimus de supplicio parricidarum? quæ nequaquam satis deferbuisse post aliquanto sentire cæpimus. Sunt enim omnia, sicut adolescentis, non tam re et maturitate, quam spe et expectatione, laudati.*

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J'ai gardé pour le dernier le plus grand de vos crimes. Vous êtes Anglois, et vous choisissez la langue de vos ennemis. Le vieux Caton frémit, et dans son Club Antigallican, vous dénonce, le punch à la main, un ennemi de la patrie. "Mes chers amis, dit-il, la liberté est prête d'expirer. Ce peuple, dont nous avons toujours triomphé, regagne par ses artifices plus que ne lui enlèvent nos armes. N'est-ce pas assez que nous ayons des baladins, des friseurs, des cuisiniers de Paris, qu'on boive dans notre île, qu'on boive des vins, qu'on lise des livres François; faut-il encore, grands

*Cicero. Orator. 29.

Dieux! est-ce dans le plus haut période de notre gloire qu'un Anglois devoit donner ce premier exemple? faut-il encore qu'on en écrive?"

Contre une attaque aussi grave quel rempart vous ferez-vous? Trouverez-vous des défenseurs où vous n'avez point de complices? Oserai-je élever ma voix moi, qui, Anglois simplement par choix sans l'être de naissance, n'ai pu, après vingt ans de séjour dans votre île, naturaliser ma langue aussi bien que mon cœur?

Dirai-je ce que Plutarque, à peu près dans le même cas que moi, auroit dit, que rien ne fut plus vain que la prophétie de l'acre censeur, que le Grec perdroit sa patrie, puisqu'au contraire elle s'éleva au comble de la gloire et du pouvoir dans le tems que les lettres Grecques et l'érudition étrangère y fleurirent le plus, que ce peuple qui, tant qu'il fut libre, plaça sa grandeur dans ce qui seul fait la grandeur d'un peuple, fit venir ses grammairiens, mais non ses généraux de la Grèce, au lieu que Carthage y prit ses soldats et ses généraux, et en défendit la langue ;† que Flaminius, Scipion, Caton même,. . . . mais comme eux je parle Grec à votre homme. I ignore également que Cicéron fut initié à Athènes, et que le nom de Chesterfield se trouve dans les registres d'une célèbre académie de Paris: il jureroit que les Edouards et les Henris ne parlèrent ou du moins ne lurent jamais de François, et si je le pressois, il me soutiendroit peut-être que le roi de Prusse se

* Plutarch. in Cat. Major.

+ Justin, xx. 5.

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roit déjà maître de Vienne, s'il n'eût pas écrit, en style de Voltaire, les Mémoires de Brandebourg. Mépriser sa propre langue, rien sans doute de plus honteux. Mais la méprise-t-on à moins qu'on ne donne l'exclusion à toute autre? Cicéron, qui écrivit l'histoire de son consulat en Grec, préféra donc cette langue, lui qui n'eut jamais de rival dans la sienne, qui la croyoit, peut-être par préjugé, beaucoup plus riche que la Grecque,* et qui, s'il ne la rendit pas telle, étendit les bornes de sa juridiction plus que César celles de l'empire.

S'il étoit vrai que le génie insociable des diverses langues empêche celui qui veut les concilier, d'exceller dans aucune, on auroit tort sans doute de s'exposer au risque de corrompre la pureté de celle qui nous est naturelle, sans pouvoir se flatter de réussir dans celle qui ne l'est pas. Mais tant s'en faut que l'expérience ait confirmé cette prétendue crainte des mélanges. Jamais les Romains n'écrivirent mieux en Latin qu'au sortir des écoles Grecques. Le morceau de Cicéron, dont j'ai parlé, nous a probablement valu les chef-d'œuvres Latins de Salluste, et sans l'histoire de Polybe, revue par le héros qui avoit été son disciple, nous n'aurions peut-être jamais eu ni Tite Live ni Tacite.

Toute langue, qui se suffit, est bornée. La vôtre, plus que toute autre, s'est enrichie par ses emprunts. Seroit-il impossible que l'Italien ne pût encore la rendre plus douce, l'Allemand plus com

De Finib. lib. iii.

pré

ducing any thing worthy the attention of the public, it is to you that I owe it; to that truly paternal care which, from the first dawnings of my reason, has always watched over my education, and afforded me every opportunity of improvement. Permit me here to express my grateful sense of your tenderness to me, and to assure you, that the study of my whole life shall be to acquit myself, in some measure, of obligations I can never fully repay.

I am, dear Sir,

With the sincerest affection and regard,

Your most dutiful son, and faithful servant,
E. GIBBON, junior.

May the 28th, 1761.

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