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guit les mêmes suites. La triste Italie fumoit en

core

"Des feux qu'a rallumé sa liberté mourante."

Les hardis vétérans n'avoient acheté leurs possessions que par une guerre sanglante, et leurs fréquens actes de violence montroient assez qu'ils se croyoient toujours les armes à la main.†

gile.

XXI. Qu'y avoit-il alors de plus assorti à la But de Virdouce politique d'Auguste, que d'employer les chants harmonieux de son ami, pour les réconcilier à leur nouvel état? Aussi lui conseilla-t-il de composer cet ouvrage.

Da facilem cursum, atque audacibus annue cœptis;
Ignarosque via mecum miseratus agrestes,

Ingredere; et votis jam nunc assuesce vocari.‡

L'agriculture avoit cependant plus de cinquante écrivains Grecs;§ les livres de Caton et de Varron étoient des guides plus sûrs, plus minutieux, et plus exacts que ne pouvoit l'être un poëte. Mais il falloit faire goûter à des soldats le repos de la campagne plutôt que de les instruire dans les principes de l'agriculture: de là toutes ces descriptions touchantes des plaisirs innocens du campagnard, ses jeux, ses foyers, ses retraites délicieuses opposées aux amusemens frivoles des hommes, et à leurs affaires plus frivoles que leurs

amusemens.

Racin. Mithrid. Act. iii. Sc. 1. ↑ V. Donat. in Vit. Virgil. Virg. Georg. l. i. v. 40.

Virgil, Eclog. ix. v. 2, &c.
§ Varro de Re Rustic. l. i. c. 1.

Son succès.

Il y a dans ce tableau de ces traits vifs et inattendus, de ces détours cachés et heureux, qui montrent dans Virgile, un génie pour la satire, que des vues supérieures et la bonté de son cœur l'empêchoient seules de cultiver.* Quel vétéran ne se reconnoissoit pas dans le vieillard Corycien?† Comme eux accoutumé aux armes dès sa jeunesse, il trouvoit enfin le bonheur dans une retraite sauvage, que ses travaux avoient transformée en un lieu de délices.

L'Italien, las de mener une vie remplie de craintes légitimes, déploroit avec Virgile les malheurs du tems, et plaignoit son prince de se voir emporté par la violence des vétérans,

Ut cum carceribus sese effudere quadriga,

Addunt in spatium, et frustra retinacula tendens
Fertur equis auriga, neque audit currus habenas,§

et recommençoit ses travaux dans l'espoir d'un
nouveau siècle d'or.

XXII. Si l'on adopte mes idées, Virgile n'est plus un simple écrivain, qui décrit les travaux rustiques. C'est un nouvel Orphée, qui ne manie sa lyre, que pour faire déposer aux sauvages leur fé

* Hic petit excidiis urbem miserosque penates,
Ut gemmâ bibat, et Sarrano dormiat ostro.

Virg. Georg. L. ii. v. 505, &c.

+ Virg. Geor. L. iv. v. 125, et seq.

Il étoit du nombre des pirates auxquels Pompée avoit donné des terres. V. Serv. in Loc. et Vell. Pater. L. ii. p. 56.

§ Virg. Georg. L. i. v. 512.

rocité,

rocité, et pour les réunir par les liens des mœurs et des loix.*

Ses chants produisirent cette merveille. Les vétérans s'accoutumèrent insensiblement au repos. Ils passèrent en paix les trente ans qui s'écoulèrent avant qu'Auguste eût établi, non sans beaucoup de difficulté, un trésor militaire pour les payer en argent.†

XXIII. Aristote, qui portoit la lumière dans les ténèbres de la nature et de l'art, est le père de la critique. Le tems, dont la justice lente, mais sûre, met enfin la vérité à la place de l'erreur, a brisé les statues du philosophe, mais a confirmé les décisions du critique. Destitué d'observations, il a donné des chimères pour des faits. Formé dans l'école de Platon, et dans les écrits d'Homère, de Sophocle, d'Euripide et de Thucydide, il a puisé ses règles dans la nature des choses et dans la connoissance du cœur humain. Il les a éclaircies par les exemples des plus grands modèles.

Deux mille ans se sont écoulés depuis Aristote. Les critiques ont perfectionné leur art. Cependant ils ne sont pas encore d'accord sur l'objet de leurs travaux. Les le Clerc, les Cousin, les Desmaiseaux, les de Sainte-Marthe, nous en offrent

* Sylvestres homines sacer interpresque Deorum
Cædibus et victu fædo deterruit Orpheus;
Dictus ob hoc lenire tigres rabidosque leones.

Horat. Ars Poet. v. 391.

+ Tillemont. Hist. des Emper. Tacit. Annal. L. i. p. 39. Dionys. L. lv. p. 565. Sueton. in August. c. 49.

Clerici Ars Crit. L. i. c. 1.

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des

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Matériaux du critique.

des définitions différentes. Pour moi, je les crois toutes ou trop partiales, ou trop arbitraires. La critique est, selon moi, l'art de juger des écrits et des écrivains, ce qu'ils ont dit, s'ils l'ont bien dit, s'ils ont dit vrai.* De la première de ces branches découle la grammaire, la connoissance des langues et des manuscrits, le discernement des ouvrages supposés, le rétablissement des endroits corrompus. Toute la théorie de la poësie et de l'éloquence se tire de la seconde. La troisième ouvre un champ immense, l'examen et la critique des faits. On pourroit donc distinguer la nation des critiques, en critiques grammairiens, en critiques rhéteurs et en critiques historiens. Les prétensions exclusives des premiers ont nui non seulement à leur travail, mais à celui de leurs confrères.

XXIV. Tout ce qu'ont été les hommes, tout ce que le génie a créé, tout ce que la raison a pesé, tout ce que le travail a recueilli, voilà le département de la critique. La justesse d'esprit, la finesse, la pénétration, sont toutes nécessaires pour l'exercer dignement. Je suis le littérateur dans son cabinet, je le vois entouré des productions de tous les siècles: sa bibliothèque en est remplie: son esprit en est éclairé, sans en être chargé. Il étend ses regards de tous côtés. L'auteur le plus éloigné du travail de l'instant, n'est pas oublié: un trait lumineux pourroit s'y rencontrer, qui confirmeroit les décou

Il faut borner ce vrai au vrai historique, à la vérité de leurs témoignages, et non de leurs opinions. Cette dernière espèce de vérité est plutôt du ressort de la logique que de celui de la critique. yertes

vertes du critique ou qui ébranleroit ses hypothèses. Le travail de l'érudit est achevé. Le philosophe de nos jours s'y arrête et loue la mémoire du compilateur. Celui-ci en est quelquefois la dupe, et prend les matériaux pour l'édifice.

du critique.

XXV. Mais le vrai critique sent que sa tâche ne opérations fait que commencer. Il pèse, il combine, il doute, il décide. Exact et impartial, il ne se rend qu'à la raison, ou à l'autorité qui est la raison des faits.* Le nom le plus respectable le cède quelquefois au témoignage d'écrivains auxquels les circonstances seules donnent un poids momentané. Prompt et fécond en ressources, mais sans fausse subtilité, il ose sacrifier l'hypothèse la plus brillante, la plus spécieuse, et ne fait point parler à ses maîtres le langage de ses conjectures. Ami de la vérité, il cherche le genre de preuves qui convient à son sujet, et il s'en contente. Il ne porte point la faux de l'analyse sur ces beautés délicates, qui se fanent sous la touche la moins rude; mais aussi, peu content d'une admiration stérile, il fouille jusques dans les principes les plus cachés du cœur humain, pour se rendre raison de ses plaisirs et de ses dégoûts. Modeste et sensé il n'étale point ses conjectures comme des vérités, ses inductions comme des faits, ses vraisemblances comme des démonstrations.

une bonne

XXVI. On a dit que la géométrie étoit une La critique bonne logique, et l'on a cru lui donner un grand logique. éloge: il est plus glorieux aux sciences de développer ou de perfectionner l'homme, que de reculer

* C'est-à-dire, l'autorité combinée avec l'expérience.

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les

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