ページの画像
PDF
ePub

Il avoit fait outre cela une histoire de son tems depuis A. U. C. 663, jusques à A. U. C. 681. Il ne nous en reste plus que quelques harangues et un assez grand nombre de fragmens détachés, dont la plûpart nous ont été conservés par les vieux grammairiens. Tout le monde sait que Salluste s'est distingué dans le genre concis, mais peut-être tous n'ont pas fait la remarque que l'usage fréquent qu'il fait des infinitifs absolus y contribue beaucoup. La plupart de ses lecteurs peuvent y avoir trouvé quelquefois de l'obscurité, toujours une certaine dureté; mais malgré tout cela ce style a bien ses beautés, et me paroît même assez propre pour l'histoire, puisqu'il cache en quelque façon les circonstances peu intéressantes qui pèsent de tems à autre sur la plume de l'historien; en ne laissant point reposer le lecteur, mais l'entrainant avec une rapidité égale à travers les jardins et les bruyères. Il faut pourtant faire attention à une fort bonne chose que dit là-dessus De la Mothe le Vayer:(1) (1) De la Que quoiqu'on puisse dire que Salluste et Tacite Vayer, sont tous les deux des auteurs concis, c'est d'une Hist. tom. i.

Mothe le

Jugem. des

façon bien différente, puisque celui-ci l'est autant p. 356.. pour les choses que pour les mots, au lieu que l'autre écrit pour le fonds des matières d'une façon aussi diffuse que Tite Live lui-même; quoique je ne sois pas de l'avis de ce savant, qui entend de cette façon-là le bon mot de Servilius Nonianus, qeu Salluste et Tite Live " Pares magis esse quam similes." Il semble que s'il avoit bien considéré le passage de Quintilien, (2) où il se trouve, il auroit (2) Quintil. vu qu'il ne falloit point le prendre d'une façon aussi

[blocks in formation]

I. x. c. 1.

particulière, et que son auteur ne vouloit parler par là que de l'égalité de mérite de ces deux grands écrivains quoique leur talens fussent aussi différens. Pour ce qui est du fonds de l'histoire, Salluste n'est pas tout à fait exempt du reproche d'avoir fait paroître de la passion dans ce qu'il a écrit au sujet de Cicéron et de César. On l'accuse d'avoir caché plusieurs faits assez considérables, par haine pour l'un et par flatterie pour l'autre. Il est au moins certain que, quoiqu'il donne à ce premier le titre d'Optimus Consul et qu'il ne lui attribue rien qui en soit indigne, les nones de Décembre font une bien autre figure dans les ouvrages de Cicéron lui-même que dans la conjuration de Catilina. Comme Salluste avoit été tribun du peuple, et qu'il étoit créature de César qui ne faisoit que faire revivre le parti de Marius, il n'est point étonnant qu'il ne se montre aucunement favorable à celui du sénat, qu'il regardoit comme une oligarchie toute pure. Aussi quoiqu'il n'entreprenne point de justifier tous les procédés du peuple, l'on voit assez ce qu'il pensoit là-dessus. Il est charmé, par exemple, de pouvoir attribuer à Sulla, chef des Optimates, toutes ces cruautés abominables qui le rendoient si (1) Prim. odieux,(1) mais il n'a garde de dire mot des horreurs dont les deux Marius, Cinna, Carbo, Damasippus, remplirent Rome pendant qu'ils avoient le dessus.

Epist. ad

Cæsar.

Je ferai deux petites remarques sur un couple d'endroits de Salluste, qui me paroissent en demander. 1. Parlant de la corruption des Romains, il dit "Igitur primo pecuniæ, dein imperii, cupido

crevit."

le

Catilin. C.

11.

crevit."(1) Un moment après il dit "Sed primo (1) Bell. magis ambitio quam avaritia animos hominum 10. exercebat;" et il en donne une raison toute naturelle, que l'avarice n'a rien que de sordide, au lieu que la vertu et le vice se proposent les mêmes objets d'ambition, et ne diffèrent que dans les moyens qu'ils employent pour y parvenir.(2) Cette con- (2) Idem. c. trariété, qui paroît si marquée, n'a point arrêté les commentateurs que j'ai: ils n'en ont rien dit. Pour moi je ne saurois mieux résoudre ce nœud Gordien qu'en le coupant, et je rectifierois sans balancer le second passage sur le premier. Ce qui m'y détermine, outre le témoignage de l'histoire, c'est le raisonnement qu'il y fait, au lieu que premier n'est qu'une simple affirmation. 2. Nous décrivant le caractère des compagnons de Catilina, Salluste dit, "Quicunque impudicus, adulter, ganeo, aleâ, manû, ventre, pene, bona patria laceraverat."(3) L'expression pene est si forte, (3) Idem. e. que bien loin de la souffrir dans une histoire grave, nous en serions choqués dans un roman; comment donc comprendre que Salluste, dont les écrits ne respirent que la sévérité et la vertu, se soit servi d'une expression qui les choquoit autant que celle-là? car penis n'étoit point de ces mots que la bienséance permet pour nommer les choses qui lui sont contraires. Cette réponse, qui est assez naturelle, m'est d'abord venue dans l'ésprit, mais un passage de Cicéron prouve qu'elle ne vaut rien, le voici: "Caudam antiqui penem vocabant; ex quo est, propter similitudinem, penicillus. At hodie penis est in obscenis. At vero Frugi-ille

[blocks in formation]

14.

(1) Cicer. Epistolæ Familiar. 1.

ix. c. 26.

Piso in annalibus suis queritur adolescentes peni deditos esse. Quod tu in epistolâ appellas suo nomine, ille tectius penem. Sed quia multi, factum est tam obscænum, quam id verbum quo tu usus es."(1) Vous voyez par là que le mot penis, innocent dans son origine, étoit devenu sì obscène qu'il parle avec surprise de Pison qui s'étoit servi d'un terme qui n'auroit point été permis de son tems qui étoit néanmoins celui de Salluste. Si j'osois hasarder une conjecture au sujet de cette difficulté, je dirois que peut-être Salluste étoit Stoicien, secte qui avoit pour maxime fonda(3) A Paris. mentale d'appeller un chat un chat.(2) Nous

1730.

savons que cette doctrine avoit fait beaucoup de partisans à Rome dans ce siècle-là, et le caractère de sévérité qu'il se donnoit tant de peine pour affecter y convient fort bien.

J'ai consulté quelquefois une traduction Françoise de Salluste par M. l'Abbé Thyon. Ne l'ayant point lu je n'en dirois rien, si non que si elle est fidèle pour le fonds elle ne l'est point pour la forme, puisque le style concis de ses deux petits ouvrages se trouve noyé dans deux grands in-douze. Elle est accompagnée d'un assez grand nombre de notes historiques et critiques qui m'ont paru bonnes; j'en rapporterai une au sujet d'une correction du texte. Notre auteur, dans sa seconde lettre à César, en faisant une énumeration des cruautés que la faction des nobles avoient exercées après leur victoire sur leurs ennemis, à dessein de les rendre odieux, dit, selon toutes les éditions, "At hercule nunc cum Catone L. Domitio." Quoiqu'il

Quoiqu'il y ait quelque difficulté sur le prænomen du Domitius que Pompée vainquit en Afrique pendant la dictature de Sylla, on peut pourtant croire que Salluste vouloit parler de celui-là. Mais pour le Caton on ne trouve aucun à qui on puisse le rapporter M. Thyon voudroit(1) donc qu'on lut, "At hinc cum Carbone, L. Domitio." Tout le monde connoît le fameux Carbon qui périt en Italie après la victoire de Sylla, et par là même notre auteur aura blamé non seulement la cruauté de tout le parti mais encore de Pompée en particulier, lequel en effet est accusé d'avoir servi les sanglans sacrifices du dictateur avec un peu trop d'empressement.

(1) Tom. ii.

p. 114

123.

Au reste M. Thyon se trompe lorsqu'il nous dit que le père de Pompée mourut pendant son consulat.(2) Il n'y a rien de plus certain que qu'il ne (2) Idem. mourut que dans le consulat de Cinna et d'Octavius, deux ans après le sien.(3)

p. 38.

(3) V. Vell.

Patercul. I.

On a beaucoup attaqué Salluste sur ce que, par ii. c. 20. une affectation blâmable, il vouloit toujours préférer les mots et les manières d'écrire surannées à celles usitées de son tems. Une des choses qui choque le plus un lecteur moderne c'est de le voir préférer continuellement les u aux i dans des mots tels que lacrymæ, maximus, &c. Mais quoique la dernière façon d'écrire gagna le dessus dans la suite, la première étoit encore fort en usage dans son siècle: car Varro assuroit, au rapport de Cassiodore,(4) que ce n'étoit que l'autorité du Fragmens premier César, qui la recommandoit tant par ses dans l'Edipréceptes que par son exemple, qui donna la vogue orages, à l'y.

DD4

C. JULII

(4) V. les

de César,

tion de

par Arn. Montanus, p. 881.

« 前へ次へ »