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nière, je ferai quelques remarques détachées sur quelques endroits de cet historien.

I. Tite Live naquit à Padoue, alors Patavium, l'an de Rome 694; des autres veulent qu'il ait été né à Apone, bourg dans le territoire de cette ville, qu'il n'ait été appellé de Padoue que comme Virgile a été appellé de Mantoue quoique né à Andes. Nous ignorons totalement la vie de Tite Live jusqu'au tems qu'il se mit à écrire l'histoire des affaires Romaines. Il s'y prit d'assez bonne heure. Car quoique nous ne sachions pas précisément l'année qu'il l'a entreprise, nous pouvons toujours être assurés qu'il avoit commencée le premier livre avant l'an de Rome 730; car il dit que jusqu'à son tems le Temple de Janus n'avoit été fermé depuis le commencement de la ville que deux fois. Or nous n'ignorons que cette année-là Auguste le ferma pour la troisième fois. Dodwell, savant Anglois, croit que Tite Live avoit commencé son grand ouvrage l'an 725, et qu'il y mit la dernière main en 745. En effet, quand on considère d'un côté la grandeur de la tache et de l'autre les soins prodigieux que Tite Live a dû y avoir apportés pour le rendre aussi parfait qu'il est, on ne trouvera point vingt ans mal employés, mais au contraire on admirera presque autant l'application que le génie de cet auteur. La publication de son livre lui attira certainement une grande et bien juste réputation; quoique les livres, avant l'invention de l'imprimerie, ne se répandissent point avec la même rapidité. Néanmoins (et c'est encore ce qui ajoute à sa gloire) un citoyen de Gades, ville que les anciens regardoient comme l'extrémité de

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la terre du côté de l'occident, fut si frappé de ce qu'il avoit oui dire de Tite Live, et de l'idée que la lecture de son histoire lui en avoit peut-être donnée, fit un voyage exprès à Rome pour le connoître de plus près, et aussitôt qu'il l'eut vu, il quitta la capitale comme s'il n'y avoit plus rien qui méritât l`attention d'un homme raisonnable. Il est vrai que quelques uns disent que de son vivant on faisoit plus de cas à Rome d'un historien fort méprisable que de lui. Quelques critiques se sont pourtant inscrit en faux contre ce fait, et cela à cause qu'on ne peut point l'accorder avec la chronologie, qui nous apprend, que cet historien ne vécut que du tems de l'Empereur Néron, au lieu que le nôtre mourut dans la cinquième année de l'Empereur Tibère. Ils conjecturent que c'étoit du fils de Tite Live et non de lui-même qu'il s'agit dans ce passage. Cela se peut, quoique je ne sache point que le fils de Tite Live se soit distingué du côté de l'histoire. Mais je ne trouve point admissible l'autre raison qu'ils allèguent pour détruire cette circonstance, je veux dire le voyage de ce citoyen de Gades comme prouvant que Tite Live avoit une grande réputation de son vivant. Du tems que Montesquieu étoit le législateur des nations, on se déchaînoit contre lui à Paris. Et qu'on ne pense pas à me fermer la bouche en me vantant le goût du siècle des Cicérons et des Virgiles. Celui des Newton et des Pope le vaut bien. Quoiqu'il en soit, Tite Live survécut long-tems à cette publication, et ce qui pourroit nous faire juger favorablement de l'effet qu'elle avoit produit, c'est qu'Auguste,

guste, qui se connoissoit admirablement en mérite, le choisit pour former l'esprit de son petit-fils Claude, celui qui parvint ensuite à l'empire, et il paroît que ce prince ne profita pas mal sous ses instructions, puisqu'étant encore fort jeune il entreprit une histoire des affaires Romaines qu'il exécuta assez bien. Aussi étoit-ce un génie plus propre à raconter les grandes actions qu'à les faire. Tite Live mourut, comme nous l'avons déjà dit, la cinquième année du règne de l'Empereur Tibère. Il doit avoir laissé un fils qui ne nous est connu que par le conseil que son père lui adressa par rapport à ses études: "de lire Cicéron et Démosthène, et ensuite les autres auteurs, à mesure qu'ils approchoient de ces deux-là." Tous ceux qui ont rapporté ce trait l'ont loué comme sa modestie le méritoit. En effet c'étoit beaucoup de n'avoir point indiqué ses propres écrits en une semblable occasion. Il falloit là être plus que bel esprit, ou même que grand génie, il falloit être grand homme. Il eut aussi une fille qu'il maria à un nommé Lucius Magius, froid orateur, dont les déclamations n'étoient souffertes, que comme étant du fils de Tite Live.

Il faut à présent, après avoir ramassé le petit nombre de traits que l'antiquité, bien peu soigneuse de nous faire connoître les hommes qui l'ont illustré, nous a fourni par rapport à sa personne, dire quelque chose de ses ouvrages. Il en a laissé plusieurs sur divers sujets; mais son histoire est tout ce qui est échappé aux ravages qui nous ont fait perdre une si bonne partie des précieux trésors

des

des Grecs et des Romains. Originairement elle contenoit cent quarante livres, et elle s'étendoit depuis la fondation de la république jusqu'à la mort de Drusus Nero, fils adoptif d'Auguste, par une suite de sept siècles et demi; c'est à dire, qu'on y voyoit Rome naissant, s'étendant ses bras sur l'Italie, subjuguant toute la terre, et s'affaissant sous son propre poids. Je ne sais point pourquoi quelques critiques ont voulu qu'au lieu de cent quarante livres, elle en ait contenu cent quarante-deux. Les abrégés de tous les livres, lesquels nous avons, prouvent (ce me semble) qu'il n'y avoit que le nombre indique d'abord. Si nous avions cette histoire en son entier nous ne pourrions pas souhaiter quelque chose de plus parfait pour les tems qu'elle embrasse, mais par un malheur affreux, et peut-être à jamais irréparable, nous en avons perdu la plus grande partie. Il ne nous reste encore que, I. Les dix premiers livres, dont la perte auroit été la moins considérable de toutes, tant à cause que les siècles dont ils contiennent l'histoire sont ceux qui nous intéressent le moins, à cause de leur éloignement et de la petite figure les Romains faisoient alors, que parceque ces mêmes siècles ont été traités (à l'aveu de tous les critiques) d'une manière beaucoup plus détaillée et plus exacte. II. Dix autres, depuis le vingtième exclusivement jusqu'au trentième exclusivement, et ils contiennent seulement les dix-sept ans que dura la seconde guerre Punique, où Hannibal, après avoir fait trembler les Romains pour leurs autels et leurs foyers, fut obligé de conseiller, comme nécessaire, un traité qui fit passer T'empire

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l'empire du monde de Carthage à Rome. C'étoitlà un morceau digne de la plume de Tite Live, aussi paroît-il y avoir travaillé avec un goût tout particulier. III. Dix autres livres qui contiennent l'abaissement de Philippe et d'Antiochus, et le changement des chaînes des Grecs, changement que ces François de l'antiquité appelloient. IV. Cinq autres livres, qui commencent où ceuxci finissent, et qui vont jusqu'au quarante cinquième inclusivement, et qui renferment la chûte de Perse, et la grandeur Romaine (si on fait attention aussi bien au dedans qu'au dehors) à son faîte. Ces derniers cinq livres n'ont point été trouvés ni publiés en même tems que le reste. Aussi, pendant que les trente autres livres sont sans la moindre lacune, ceux-ci sont coupés et tronqués dans cent endroits, et cela non de quelques mots ou de quelques lignes, mais souvent de pages entières qui renfermernt les événemens les plus intéressans; et là même où il ne manque rien par rapport à la narration, le texte est fort corrupt et a souvent besoin de la main d'un bon critique. Il est facile par ce petit tableau de voir combien grande est notre perte, puisqu'on y voit que des cent quarante livres qui formoient autrefois ce beau corps d'histoire nous n'en avons plus de nonante cinq. Il me semble avoir lu quelque part dans les ouvrages de milord Bolingbroke, que ce grand homme faisoit bien plus de cas des livres de Tite Live qui sont perdu que de ceux qui nous restent encore, et que (sans faire attention à la quantité de l'un ou de l'autre) il auroit volontiers donné ce

que

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