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exprobratio est." Or ces considérations n'existoient point, ou n'existoient que très foiblement par rapport aux poëtes. Je n'appuye cependant pas sur cette raison, elle vaudra ce qu'elle pourra.

Dans les siècles depuis la renaissance des lettres on a souvent espéré de recouvrer ce qui nous manque des cent quarante livres de Tite Live. Pendant longtems on les a cru dans le sérail du Grand Seigneur; mais toutes les tentatives infructueuses qu'on a faites pour les en retirer et les grandes sommes qu'on a offertes sans effet, ont à la fin convaincu tout le monde qu'ils ne pouvoient pas y être. Monsieur Des Cloires, un homme qui a beaucoup de connoissances dans tout ce qui regarde les belles lettres, et qui connoît parfaitement la Grèce pour avoir été longtems dans ces pays-là, m'a dit que si le manuscrit entier de Tite Live existoit encore il croyoit qu'il devoit se trouver dans le célèbre monastère d'Athos, où, avant la prise de Constantinople, on avoit transporté tout ce que la ville possédoit de considérable en fait d'anciens manuscrits. Il ajouta que sous le ministère du grand Colbert on avoit formé le dessein d'envoyer à Athos deux bonnes frégates sous pavillon Maltois pour enlever tout ce qu'on pouvoit trouver en ce genre; mais qu'on abandonna ce projet, par la crainte de se compromettre avec la Porte, qui n'auroit pas manqué de découvrir la feinte; qu'on se contenta de le faire visiter par quelques gens de lettres déguisés en marchands, mais que leur recherche fut sans fruits; les moines ou n'ayant rien, ou cachant soigneuse

VOL. IV.

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soigneusement ce qu'ils avoient. Cette dernière circonstance m'a fait presque croire qu'ils n'étoient pas en état de le produire en manuscrit. Les. Grecs modernes sont à la fois si ignorans et si pauvres, qu'on ne peut se persuader, qu'avec bien de la peine, qu'ils eussent pu faire plus de cas de quelques vieilles paperasses dont ils ne connoissoient point le prix, que des sommes considérables qu'elles leur auroient valu auprès des Latins.

Un auteur incertain (quelques uns croyent que c'est Florus) a voulu suppléer en quelque façon à la perte des cent cinq livres de Tite Live que nous n'avons plus, pendant qu'ils existoient encore. Il nous fit des sommaires de chaque livre, où dans peu de mots il fait connoître les matières qui y sont contenues. Quoiqu'on voit que ce petit ouvrage doit avoir nécessairement toute la sécheresse d'un abrégé, cependant s'il étoit encore exact et qu'on pût compter que, par rapport aux faits, c'est Tite Live lui-même, il pourroit être encore d'une certaine utilité; mais voici deux exemples pris du même livre qui montrent combien il est éloigné de cette exactitude. 1. Parlant du second Scipion, qu'on fit consul plusieurs années avant qu'il eut l'age requis par les loix, le

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RE

Lausanne, 4 Mai, 1757.

REMARQUES CRITIQUES SUR UN PASSAGE DE PLAUTE.

IL y a un passage du Pœnulus de Plaute, Act. III. s. 3. v. 50. que je n'entends point suivant la lection ordinaire. Les commentateurs que j'ai vus n'y trouvent cependant point de difficulté, pas même M. de Saumaise.

Un domestique, déguisé en soldat pour tromper un marchand d'esclaves, paroît sur le théâtre. On lui demande qui il est, une personne au fait de la fourberie répond,

Hic latro in Spartâ fuit,

Ut quidem ipse nobis dixit, apud regem Attalum,
Inde nunc aufugit quoniam capitur oppidum.

Je crois pouvoir établir comme premier principe, que, comme on vouloit tromper le marchand d'une manière plausible, la vraisemblance exigeoit qu'on prît, pour bâtir là-dessus leur invention, un événement réel, récent, et connu de tout le monde. M. l'Abbé Sevin a bien considéré les choses comme moi, puisque dans ses curieuses recherches sur l'Histoire de Pergame (V. Mémoires de l'Académie des Belles Lettres, tom. xii. p. 219.) il s'est bien servi de ce passage comme une preuve qu'Attale avoit des troupes Grecques à sa solde.

Cela étant, il est question de trouver une époque où Sparte fut prise pendant qu'un roi Attale commandoit dans ses murs. Si l'histoire n'en fournit point pour expliquer ce passage, il faut avoir re

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cours à la critique pour la rétablir. On peut encore remarquer qu'il faut la trouver entre l'an Av. Ch. 241, première année du premier roi Attalus, et l'an 184, tems de la mort de Plaute.

Sparte fut prise par Antigonus Doson en 221. V. Plutarch. in Cleomen. p. 819. Polyb. l. ii. p. 155. Justin. l. xxviii. c. 4. Rollin, Hist. Ancienne, tom. iv. p. 239. Petav. Ration. Tempor. t. i. 1. iv. c. 4. p. 127. Un Attalus régnoit alors; cependant plusieurs raisons m'empêchent de croire, qu'il ait été question de ce fait. En voici quelques unes. I. Tous les auteurs se taisent sur cette circonstance. Cependant, un secours conduit par le roi de Pergame en personne, ne devoit guères échapper à l'exactitude d'un Plutarque et d'un Polybe, qui nous ont décrit toutes les plus petites particularités de cette guerre avec un si grand détail. II. L'an 221 Attalus étoit bien loin de pouvoir sortir de ses états pour aller secourir ses alliés. Achæus, gouverneur et ensuite roi d'Asie, l'attaquoit, l'avoit déjà dépouillé d'une partie de son royaume, et le pressoit vivement dans le reste. Attalus, qui prenoit lui-même des Gaulois à sa solde, pouvoit-il se dessaisir de ses propres troupes en une telle conjoncture, et surtout pouvoit-il aller en personne en Grèce? Environ le tems dont nous parlons, les Byzantins, ses anciens amis, lui de mandèrent du secours contre les Rhodiens; il ne put leur en donner. V. ubi supra, Sevin. p. 217. III. Quand même rien d'autre ne s'y opposeroit, la seule circonstance d'un Antiochus alors sur le trône suffiroit pour faire voir que nous n'y sommes

pas

pas encore. Pan. Act. III. s. 3. v. 31. L'an 223 Seleucus Callinicus étoit assis sur le trône des Seleucides. V. Prideaux Hist. des Juifs, à l'an 223. La réponse que je connois à cette preuve c'est de dire que c'étoit un des traits que l'imitateur Latin avoit conservé de son modèle Grec, du tems de qui un Antiochus régnoit peut-être. Mais suivant toutes les apparences, Plaute prit son Pœnulus du Xagxndovios de Ménandre. V. Menand. et Philers. Reliq. Amstel. 1709. p. 96. Or Ménandre mourut l'an A. C. 292, douze ans avant le premier Antiochus, Petav. Ration. Temp. p. 1. l. iii. c. 18. p. 114,

Sparte fut assiégée en 195 par les Romains et leurs alliés, (Liv. l.xxxiv. c. 34, &c. Just. l.xxxi. c. 3) mais elle ne fut pas prise. Cependant comme le cas suivant roule sur les mêmes principes j'examinerai celui-ci. I. L'an 197, Eumenes étoit roi de Pergame, son frère Attalus n'étoit point associé à la couronne. Sevin. ubi supra, p. 270. Liv. l. xlii. c. 16. II. Ce même Attalus, aussi bien que son frère, bien loin de commander dans Sparte, étoit actuellement dans l'armée Romaine.

Dans ce petit raisonnement j'ai suivi la ponctuation la plus naturelle du passage qui rapporte l'apud Regem Attalum à hic latro in Sparta fuit, et non à inde non aufugit. Ceux qui adoptent la dernière ponctuation, toute dure qu'elle rend la construction, feront bien de réfléchir; I. Que la difficulté de trouver une prise et même un siège de Sparte pendant qu'un Attale et qu'un Antiochus régnoient subsiste en son entier; et II. Qu'il auroit

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