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été ridicule à Plaute de faire venir en Ætolie un homme fuyant de Sparte à Pergame.

Quelle est donc la correction que je propose? la voici; au lieu de regem Attalum je lirai regem Aetolúm. Expliquons-nous. L'an 191, les Etoliens, voulant s'emparer de Lacédémone, envoyèrent Alexamène avec mille fantassins et trente cavaliers d'élite, en apparence pour secourir le tyran Nabis, mais en effet pour le tuer, ce qu'Alexamène fit par un coup de main fort hardi; mais s'amusant trop long tems à piller les trésors du palais, les Spartiates reprirent courage et massacrèrent les Ætoliens. Philopomen vint à Sparte avec l'armée Achæenne, s'en reudit maître, et l'ajouta à la ligue du Péloponnèse. Liv. 1. xxxv. Liv. l. xxxv. c. 35, &c. On feignoit donc que ce soldat avoit été latro ou garde du corps, (Pitiscus. Lexic. sub voce Latro. Serc. ad Eneid. xii. v. 7,) d'Alexamène, et qu'après la prise de la ville par Philopomen il avoit évité par la fuite le sort de ses compagnons. Comme les faits viennent toujours au secours des systèmes bien fondés, toutes les circonstances qui embarrassoient ci-devant viennent ici se placer d'ellesmêmes. I. L'Antiochus en question est le Grand Antiochus bien connu aux Romains, qui régnoit depuis une trentaine d'années. Bien plus, à l'époque en question il étoit actuellement à Chalcis, où, au lieu de s'occuper des préparatifs de la guerre, il passoit l'hiver dans la débauche et dans les plaisirs, Liv. l. xxxvi. c. 11; Justin. 1. xxxi. c. 6; conduite qui pouvoit bien faire naître chez ses ennemis l'expression, "Mollius quam regi Antiocho

oculi curari solent," Plaut. Pœnul. Act. III. s. 3. v. 81, pour désigner une mollesse poussée à l'excès. II. Quantité de circonstances de la pièce conviennent beaucoup mieux aux tems qui ont suivi la seconde guerre Punique, époque de la mort de Nabis, qu'à l'intervalle de la première à la seconde où tomba la prise de Sparte par Antigonus. En voici deux assez frappantes. Hannon le Carthaginois de la pièce, lorsqu'on lui dit qu'un jeune enfant avoit été enlevé de Carthage, s'écria, “Proh Dii immortales! plurimi ad hunc modum periere pueri liberi Carthagine." Panul. Act. V. s. 2. v. 28. De tels enlèvemens conviennent mal au tems où les Carthaginois, malgré leurs pertes, maîtres de la mer, étoient sans ennemi en Afrique, mais fort à celui où Massanissa, même avant la venue de Scipion en Afrique, faisoit des incursions sur leurs terres et vendoit ses captifs aux marchands étrangers, Liv. l. xxix. c. 31; et encore mieux à celui où les Carthaginois, privés de leurs armes et de leurs vaisseaux, étoient en proie à quiconque vouloit les attaquer. Tout le monde connoît la fameuse scène en langue Punique qui a coûté tant de veilles aux savans. Quelle apparence que Plaute eut su lui-même, qu'il eut osé présenter à ses compatriotes cette langue, quand la génération qui avoit combattu et connu les Carthaginois étoit éteinte, au lieu que dix-sept ans de guerre, qu'une armée Punique au milieu de l'Italie devoit la leur avoir fait connoître? Quand même on supposeroit qu'il l'avoit trouvé en Ménandre ne l'auroit-il pas rejetté comme un jargon barbare et inintelligible?

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Je ne connois que deux objections qu'on pour roit me faire. I. On me dira que je suppose le soldat avoir été Ætolien, au lieu que la pièce, dont la scène est en Ætolie, le dit étranger. Mais Plaute explique lui-même ce qu'il entend par étranger, "ex alio oppido." Panul. Act. III. s. 1. v. 57. ce qu'il pouvoit être sans cesser d'être Ætolien. II. Je donne le titre de roi à Alexamène quoiqu'il ne fût que général. Mais il faut être peu instruit des usages de l'antiquité pour ignorer que les anciens attachoient au mot de roi une idée bien plus étendue que nous: on appelloit ainsi tous ceux que leur rang ou leurs richesses élevoient au-dessus des autres; V. Donat. ad Terent. Eunuch. Act. I. s. 2. v. 88.* et Plaute lui-même y a donné autre part, (Rudens, Act. IV. s. 2. v. 26.) une signification encore plus étendue qu'ici; car si jamais sujet pouvoit mériter ce titre c'étoit Alexamène. La commission des Ætoliens lui donnoit une autorité sur ses troupes qui étoit sans bornes et au-dessus de celle de bien des rois. Ils ordonnoient aux soldats,

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Quicquid Alexamenum res monuisset subiti consilii capere, ad id quamvis inopinatum, temerarium, audax, obedienter exsequendum parati essent; ac pro eo acciperent tanquam ad id unum agendum missos ab domo se scirent."

Au lieu donc de la leçon reçue, je lis

Hic latro in Sparta fuit,

Ut quidem ipse nobis dixit, apud regem Etolúm;
Inde nunc aufugit quoniam capitur oppidum.

Voyez aussi le Horace de Dacier, tom. i. p. 9, 10. Paris, 1709.

Je

Je n'ai pas besoin, je crois, d'avertir combien ce changement étoit facile et aisé à faire.

Cependant si l'on me disoit qu'il y a à la vérité ici une faute contre l'histoire, mais qu'il faut s'en prendre à l'ignorance de Plaute et non à la négligence de ses copistes, il ne trouvera pas beaucoup d'opposition de ma part. Plaute étoit ignorant; on ne sauroit en douter. Il n'y a qu'à comparer ses Mænechmes, Act. III. s. 2. v. 56, &c. avec les livres xxii. et xxiii. de Justin, pour sentir combien ses idées étoient confuses sur l'histoire de la Sicile; comme le plan de ses Captifs, où il fait aller et revenir un homme de l'Etolie en Elide dans l'espace de quelques heures, fait sentir quelles étoient ses connoissances sur la géographie de la Grèce. Cependant j'aimerois mieux dénouer le noeud que de le couper.

Lausanne, 1 Avril, 1757.

REMARQUES SUR QUELQUES EN

DROITS DE VIRGILE.

Et te, maxime Cæsar,

Qui nunc extremis Asiæ jam victor in oris
Imbellem avertis Romanis arcibus Indum.

VIRG. Georg. lib. ii. v. 161. LES savans sont fort partagés sur les peuples qu'il faut ici entendre par Indiens. Les uns veulent que ce soient les Ethiopiens, les autres prétendent qu'ils ne peuvent être que les habitans de l'Hindostan. Le père Catrou prend ce dernier parti ; il croit y trouver un appui à son système que

Virgile

Je

Virgile revit et corrigea ses Bucoliques la pénultième année avant sa mort. En effet l'ambassade du roi Porus, de laquelle, suivant lui, il s'agit ici, tomba sur l'an de Rome 734, dix ans après la première publication des Georgiques. Pour moi je ne saurois adopter son idée. Tout me paroît naturel si vous l'entendez des Æthiopiens, tout révolte si vous l'entendez des Indiens orientaux. n'aurois point de dispute avec le Rev. Père pour lui faire avouer que les anciens donnoient souvent aux Ethiopiens le nom d'Indiens, il l'avoue luimême formellement. Tom. II. du Virgile de Catrou, p. 248, 487. Mais comme quelque autre pourroit en douter et que je ne veux pas ici traiter la matière ex professo, je le renverrai à la belle dissertation de M. Freret sur la géographie de Xenophon, Mémoir. de l'Acad. des Belles Lettres, tom. iv. p. 588, edit. Paris, où il prouve, à n'en laisser aucun doute, la vérité que j'avance. Si l'on demandoit pourquoi on les confondoit, je dirois que leur origine commune, leur couleur basanée, et l'or qui se trouve dans les deux pays suffisoient bien pour induire en erreur d'aussi petits géographes que les anciens. Il ne s'agit plus que d'examiner si les paroles de Virgile conviennent mieux aux Indiens occidentaux ou à ceux de l'orient. Virgile lui-même sera son meilleur interprète. Il faut trouver Iment un peuple distingué assez par sa mollesse, pour que Virgile fût obligé de leur donner une épithète qui est bien loin de renfermer un compliment à son maître; et voilà justement ce que je trouve au sujet des Ethiopiens. Strabon nous dit

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