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tueuse de Thucydide,* l'art et l'énergie de Lucrèce;t mais il va plus loin: il étudie dans les maux des Athéniens ceux de ses concitoyens.

Je sais que les anciens s'appliquoient peu aux sciences naturelles ; que destitués d'instrumens, et isolés dans leurs travaux, ils n'ont pû rassembler qu'un petit nombre d'observations mêlées d'incertitudes, diminuées par les injures du tems, et jettées au hasard dans un grand nombre de volumes: mais la pauvreté doit-elle inspirer la négligence? L'activité de l'esprit humain s'excite par les difficultés. La nécessité, mère du relâchement, seroit un assemblage étrange.

Spectacles

théâtre.

XLI. Les partisans mêmes les plus zélés des Avantages modernes, ne disconviendront pas, je pense, des des anciens. secours que les anciens possédoient et dont nous de l'amphi manquons. Je rappelle en frémissant les spectacles sanglans des Romains. Le sage Cicéron les détestoit et les méprisoit.§ La solitude et le si

* Thucydid. l. i.

† Lucret. de Rer. Natur. I, vii. v. 1136, &c.

M. Freret croyoit les observations philosophiques des anciens plus exactes qu'on ne le pense. Quiconque connoît le génie et les lumières de M. Freret, sent le poids de son autorité. V. Mém. de l'Académ. des Belles Lettres, tom. xviii. p. 97.

Cicéron envie le sort de son ami Marius qui passa à la campagne les jours des jeux magnifiques de Pompée. Il parle avec assez de mépris du reste des spectacles: mais il s'attache surtout aux com

bats des bêtes sauvages. "Reliquæ sunt venationes, (dit il) binæ per dies quinque; magnifice, nemo negat, sed quæ potest homini esse polito delectatio, cum aut homo imbecillus à valentissimâ bestiâ laniatur aut præclara bestia venabulo transverberatur?"

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lence l'emportoient de beaucoup chez lui, sur ces chefs-d'œuvre de magnificence, d'horreur et de mauvais goût.* En effet, se plaire au carnage, n'est digne que d'une troupe de sauvages. On ne pouvoit élever des palais, pour y faire combattre des bêtes, que chez un peuple qui préféroit les décorations aux beaux vers, et les machines aux situations.† Mais tels étoient les Romains; leurs vertus, leurs vices, et jusqu'à leurs ridicules étoient tous liés à leur principe dominant, l'amour de la patrie.

Cependant ces spectacles, si affreux aux yeux du philosophe, si frivoles à ceux de l'homme de goût, devoient être bien précieux pour le naturaliste. Qu'on se représente le monde épuisé pour fournir ces jeux, les trésors des riches et le pouvoir des grands mis en œuvre pour déterrer des créatures singulières par leur figure, par leur force, ou par leur rareté, pour les amener dans l'amphithéâtre de Rome, et pour mettre en jeu l'animal entier. Ce devoit être une école

Cicero ad Famil. 1. vii. Epist. 1.
Horat. 1. iii. Ep. 1. v. 187.

V. Essais de Mont. vol. iii. p. 140.

Mon exemple étoit très bon, ma citation fort mauvaise. J'aurois dû recourir à l'original, (1) Vopiscus. Cet auteur rapporte à l'occasion du triomphe de Probus, qu'on amena dans l'amphithéâtre cent lions, autant de lionnes, cent léopards Libyens, le même nombre de Syriens, et trois cens ours. Je ne connois point de spectacle plus nombreux, mais les animaux que Gordien avoit assemblés, et dont se servit Philippe dans ses jeux séculaires, étoient plus curieux par leur variété et par leur rareté. Il y avoit trente

(1) V. Vopisc. in Vit. Prob. p. 240. edit. Salmas. Paris 1620.

école admirable, surtout pour cette partie la plus noble de l'histoire naturelle, qui s'applique plutôt à étudier la nature et les propriétés des animaux, qu'à décrire leurs os et leurs cartilages. Souvenonsnous que Pline a fréquenté cette école, et que l'ignorance a deux filles, l'incrédulité et la foi aveugle. Ne défendons pas moins notre liberté contre l'une que contre l'autre.

physiciens

anciens étu

dioient la

XLII. Si l'on sort de ce théâtre, pour entrer Païs où les dans un autre plus vaste, et pour examiner quelles étoient les contrées soumises aux naturalistes et aux physiciens de l'antiquité, nous ne les plaindrons pas.

Je sais que la navigation nous a ouvert un nouvel hémisphère; mais je sais aussi que la découverte d'un matelot et le voyage d'un marchand, n'éclairent pas toujours le monde, comme ils l'enrichissent. Les limites du monde connu sont plus étroites que celles du monde matériel; et les bornes du monde éclairé sont encore plus resserrées. Du tems des Pline, des Ptolomée, et des Galien, l'Europe à présent le siège des sciences, l'étoit également; mais la Grèce, l'Asie, la Syrie, l'Egypte, l'Afrique, païs fé

deux éléphans, dix élans, dix tigres, soixante lions apprivoisés, trente léopards apprivoisés, dix hyènes, un hippopotame, un rhinocéros, dix agrioleontes (1,) dix camelopardali, vingt ânes sauvages, et quarante chevaux sauvages (2.) C'est principalement dans la décadence de l'empire et du goût, qu'il faut chercher cette magnificence.

(1) On ignore ce qu'ils sont. Saumaise lit argoleontes, des lions blancs (a); Casaubon et Scaliger (b) agrioleontes, des lions sauvages. (2) Jul. Capitolin. in Gordian. p. 164. (a) Comment. Salmas. in Hist. Aug. 268. (b) Comment. Casaub. in eand. Hist. P.

E 4

169.

conds

nature.

La Grande
Bretagne

l'océan.

conds en miracles, étoient remplis d'yeux dignes de les voir. Tout ce vaste corps étoit uni par la paix, par les loix et par la langue. L'Africain et le Breton, l'Espagnol et l'Arabe se rencontroient dans la capitale, et s'instruisoient tour-à-tour. Trente des premiers de Rome, souvent éclairés eux-mêmes, toujours accompagnés de ceux qui l'étoient,* partoient tous les ans de la capitale pour gouverner les provinces, et pour peu qu'ils eussent de curiosité, l'autorité applanissoit les routes de la science.

XLIII. C'étoit sans doute de son beau-père andée par Agricola, que Tacite apprît que l'océan inondoit la Grande Bretagne, et rendoit ce païs un amas de marais. Hérodien nous confirme ce fait. Cependant aujourd'hui, à quelques endroits près, le terrein de notre île est assez élevé. Pourroit-on ranger ce fait parmi ceux qui confirment le systême de la diminution des eaux? Trouvera-t-on dans les ouvrages des hommes, de quoi affranchir le païs du joug de l'océan? Le sort du marais de Pomptine et de quelques autres, nous donneroit d'assez minces

* V. Strab. L. xvii. p. 816. Edit. Casaub.
Tacit. in Vit. Agricol. c. 10.

Herodian. Hist. 1. iii. c. 47.

§ Voici les paroles d'llérodien," Tà yàg thĩota îns Bestamär χώρας ἐπικλύζομενα ταῖς τὸ ὠκεανε συνεχῶς ἀμπωτισιν ἑλώδη γίνεται.

Tacite s'exprime d'une manière encore plus forte. “Unum addiderim (dit-il), nusquam latius dominari mare; multum fluminum huc atque illuc ferri, nec littore tenus accrescere aut resorberi, sed influere penitus atque ambire; etiam jugis atque montibus influere velut in suo."

Le consul Céthégus dessécha ce marais A. U.C. 592. Du tems de Jules-César il étoit derechef inondé. Ce dictateur avoit

dessein

minces idées de leurs travaux. Quoiqu'il en soit, content d'avoir fourni les matériaux, j'en laisse l'emploi aux physiciens. Ce n'est pas chez les anciens qu'on apprend à n'approfondir rien, à effleurer chaque chose, et à parler avec le plus de hardiesse de sujets qu'on entend le moins.

PHILOSO

Prétensions

phique.

XLIV. " Après l'esprit de discernement, ce qu'il L'ESPRIT y a de plus rare au monde (dit le judicieux la Bru- PHIQUE. yère) ce sont les perles et les diamans." Je mets à l'esprit sans balancer l'esprit philosophique avant celui du philosodiscernement. C'est la chose du monde la plus prônée, la plus ignorée et la plus rare. Il n'y a point d'écrivain qui n'y aspire. Il sacrifie de bonne. grace la science. Pour peu que vous le pressiez, il conviendra que le jugement sévère embarrasse les opérations du génie: mais il vous assurera toujours que cet esprit philosophique qui brille dans ses écrits, fait le caractère du siècle où nous vivons. L'esprit philosophique d'un petit nombre de grands hommes, a formé, selon lui, celui du siècle. Celuici s'est répandu dans tous les ordres de l'état, et leur a préparé à son tour de dignes successeurs.

n'est pas.

XLV. Cependant si nous jettions les yeux sur Ce qu'il les ouvrages de nos sages, leur diversité nous lais

dessein d'y faire travailler. Il paroît qu'Auguste le fit; mais je doute que ses travaux ayent mieux réussi que les premiers. Du moins Pline l'appelle encore marais. Horace l'avoit en quelque sorte prédit.

"Debemur morti nos nostraque

Sterilis ut palus dudum aptaque remis
Vicinas urbes alit et grave sensit aratrum."

Freinsheim. Supp. L. xlvi. c. 44. Sueton. L. i. c. 34. Plin. Hist.
Nat. 1. iii. c. 5.

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