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d'origine

LX. Malheureux habitans des forêts, ces Grecs La religion Grecque si orgueilleux tenoient tout des étrangers. Les étoit Phéniciens leur apprirent l'usage des lettres; les Egyptienne. arts, les loix, tout ce qui élève l'homme au dessus des animaux, ils le durent aux Egyptiens. Ces derniers leur apportèrent leur religion, et les Grecs, en l'adoptant, payèrent le tribut que l'ignorance doit au savoir. Le préjugé ne fit qu'une résistance de bienséance, et se rendit sans difficulté, après avoir entendu l'oracle de Dodone, qui décida pour le nouveau culte.* Tel est le récit d'Hérodote, qui connoissoit la Grèce et l'Egypte, et dont le siècle placé entre la grossièreté de l'ignorance et les raffinemens de la philosophie rend le témoignage décisif.

LXI. Je vois déjà disparoître une bonne partie La religion Egyptienne des légendes Grecques, l'Apollon né dans l'île de allégorique. Délos, le Jupiter enseveli dans la Crète. Si ces dieux habitèrent autrefois la terre, l'Egypte et non la Grèce fut leur patrie. Mais si les prêtres de Memphis surent aussi bien leur religion que l'Abbé Banier,† jamais l'Egypte ne donna naissance à leurs dieux. A travers leur métaphysique ténébreuse, la raison luisit assez pour leur faire sentir que jamais homme ne peut devenir Dieu, ni jamais Dieu être transformé en simple homme. Mystérieux dans leurs dogmes et dans leur culte, ces interprètes du ciel et de la sagesse, déguisèrent, par

*Herodot. Lib. ii.

+ Dans sa mythologie expliquée par l'histoire.

Herodot. Lib. ij.

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Le culte héroique.

un langage pompeux, les vérités de la nature, qu'un peuple grossier eût méprisées dans leur majestueuse simplicité. Les Grecs méconnurent cette religion à bien des égards. Ils l'altérèrent par des mélanges étrangers, mais le fonds demeura, et ce fonds Egyptien fut par conséquent allégorique.*

LXII. Le culte héroïque, si bien distingué de celui des dieux dans les premiers siècles de la Grèce, nous montre que les dieux n'étoient pas des héros.† Les anciens croyoient que les grands hommes, admis après leur mort aux festins des dieux, jouissoient de leur félicité, sans participer à leur puissance. Ils s'assembloient autour des tombeaux de leurs bienfaiteurs; leurs chants de louanges célébroient leur mémoire, et faisoient naître une émulation salutaire de leurs vertus.

* Je dois beaucoup, dans ces recherches, au savant Freret de l'Académie des Belles-Lettres. Il a donné des ouvertures dans une route, qui paroissoit vue de tous côtés. Je crois cependant que ses raisonnemens valent mieux, lorsqu'il est question de faits que quand il s'agit de dogmes. Prévenu d'estime pour ce litté rateur, je dévorai avidement sa réponse à la chronologie Newtonienne; mais oserai-je le dire? il ne répondit point à mon attente. Que lui reste-t-il de nouveau, si vous lui ôtez les principes d'une théologie et d'une chronologie nouvelles, que nous possédions déjà,(1) des généalogies défectueuses et très peu concluantes, quelques recherches minutieuses sur la chronologie de Sparte, une astronomie ancienne, que je n'entends pas trop bien, et la belle préface de M. Bougainville, que je relis toujours avec un goût nouveau?

Hist. de l'Acad. des Belles-Lettres, tom. xvi. p. 28, &c. V. Mém. de Littér. tom. xii. p. 5, &c. et Ezech. Spanheim in Callim.

(1) Dans les Mém. de l'Acad. tom. v. xviii. xx. xxiii.

Leurs

Leurs ombres évoquées des enfers goûtoient avec plaisir les offrandes de la dévotion.* Il est vrai que cette dévotion devint insensiblement un culte religieux, mais ce ne fut que très tard, et lorsqu'on identifia ces héros avec des divinités anciennes, dont ils portoient le nom, ou rappelloient le caractère. Dans le siècle d'Homère, on les distinguoit encore. Hercule n'est point un de ses dieux. Il ne reconnoît Esculape que pour un médecin distingué, et Castor et Pollux sont pour lui des guerriers morts et enterrés à Sparte.‡

d'Ephé

LXIII. La superstition avoit cependant franchi Systême ces limites, les héros étoient devenus des dieux, et mère. le culte qu'on rendoit aux dieux les avoit tirés du rang des hommes, lorsqu'un philosophe hardi entreprit de prouver qu'ils l'avoient été. Ephémère le Messénien avança ce paradoxe.§ Mais loin d'en appeller aux monumens authentiques de la Grèce et de l'Egypte, qui auroient dû conserver la mémoire de ces hommes célèbres, il va se perdre dans l'océan. Une Utopie méprisée de tous les anciens, une île de Panchaïe, riche, fertile, superstitieuse, et connue à lui seul, lui offre dans un

* Homer. Odyss. L. xi. ↑ Id. L. v. v. 241.

+ Homer Iliad, L. iv. v. 193. § Lactant. Instit. L. i. c. xi. p. 62. "Antiquus auctor Ephemerus, qui fuit é civitate Messanâ, res gestas Jovis et cæterorum qui Dii putantur collegit, historiamque contexit ex titulis et inscriptionibus sacris, quæ in antiquissimis templis habebantur, maximeque in fano Jovis Triphyllii, ubi auream columnam positam esse ab ipso Jove, titulus indicabat, in quâ columnâ gesta sua perscripsit ut monimentum esset posteris rerum suarum." Ce récit de Lactance diffère un peu de celui de Diodore.

temple

temple magnifique de Jupiter une colonne d'or, où Mercure avoit gravé les exploits et l'apothéose des héros de sa race.* Ces fables étoient trop grossières pour les Grecs eux-mêmes. Elles ne valurent à leur auteur que le mépris général avec le nom d'Athée.tt

LXIV. Enhardis peut-être par son exemple, les Crétois se vantèrent de posséder le tombeau de Jupiter, qui étoit mort dans leur île, après y avoir long tems régné. Callimaque se montre indigné de cette fiction, et son scholiaste nous en dévoile l'origine.§ On avoit écrit sur un tombeau, Tom

* Diodore de Sicile, L. v. p. 29. 30, et L. vi.

Il y a sur Ephémère une dissertation de M. Fourmont l'ainé, qui contient des conjectures très hardie, et des emportemens fort plaisans.(1) Il sied mal à un jeune homme de mépriser quoi que ce soit, mais je ne saurois réfuter cette pièce sérieusement. Celui qui ne voit pas que la Panchaïe décrite dans Diodore de Sicile étoit située au midi de la Gédrosie, et à l'occident peu éloignée de la péninsule des Indes, peut croire avec M. Fourmont que le Golfe Arabique est au midi de l'Arabie Heureuse, que le païs de Phank sur le continent est l'île de Panchaïe, que le désert de Pharan est le plus beau lieu du monde, et que la ville de Pierie en Syrie est la capitale d'un petit canton aux environs de Médine. + Callim. ap. Plut. tom. ii. p. 880. Eratosth. et Polyb. ap. Strab. Georg. L. ii. p. 102, 103. et L. vii. p. 299. edit. Casaub.

↑ Gerrard Vossius de Histor. Græcis, L. i. c. xi. fait voir que non seulement les Payens lui donnoient ce nom, mais encore Théophile d'Antioche parmi les Chrétiens et Joseph parmi les Juifs; ce qui fait voir qu'Ephémère en attaquant les dieux des Grecs, n'en reconnoissoit point d'autres.

Lactant. Instit. L. i. c. xi. p. 65. Lucian Timon, p. 34. et Jupit. Frag. p. 701. Cicer. de Nat. Deor. L. iii. c. 21.

§ Callimach. Hym. in Jovem. v. 8. et Scholiast. Vet. in loc. edit. Græc.

(1) Mém. de Littér. tom. xv. p. 265, &c.

beau

beau de Minos fils de Jupiter. Le tems ou le dessein fit disparoître les mots de fils et de Minos; on lut Tombeau de Jupiter.* Cependant le systême d'Ephémère s'accréditoit lentement malgré ses preuves. Diodore de Sicile parcourut la terre, pour rassembler dans les traditions des divers peuples de quoi l'appuyer.† Mais les Stoïciens, dans leur mélange bizarre du Théisme le plus pur, du Spinosisme et de l'idolâtrie populaire, rapportoient ce paganisme, dont ils étoient les zélateurs, au culte de la nature brisée en autant de dieux qu'elle a de faces différentes. Cicéron, cet académicien, pour qui tout étoit objection et rien n'étoit preuve, ose à peine leur opposer le système d'Ephémère.‡

que sous

main.

LXV. Ce ne fut que sous l'empire Romain, que Ne prévalut les idées du Messénien prirent le dessus. Dans le l'empire Rotems qu'un monde esclave décernoit le titre de dieux à des monstres indignes de celui d'hommes, c'étoit faire sa cour que de confondre Jupiter et Domitien. Bienfaiteurs de la terre, ainsi les appelloit l'adulation, leur droit à la divinité étoit le même; leur nature et leur puissance étoient égales. Par politique ou par méprise, Pline lui-même ne se garantit pas de cette erreur.|| En vain Plu

* Tel est le récit du scholiaste adopté par le Chevalier Newton. Mais Lactance rapporte l'inscription ZAN XPONOY, ce qui m'a l'air bien plus antique. Lucien, car les fables vont toujours en augmentant, nous apprend, que l'inscription portoit que Jupiter ne tonnoit plus, qu'il avoit subi le sort des mortels, ♪nλecav ws ακετο βροντησειον αν ο Ζευς, τεθνεώς παλαι.

+ Diodore de Sicile dans les cinq premiers livres, passim. Cicer. de Nat. Deor. L. iii. c. 21.

# Plin. Hist. Natur. L. vii. c. 51. et pass.

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