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Ils ont la

figure humaine.

Ils éprouvent les plaisirs et les maux

réciproquement leurs ennemis ;* car sur l'Olympe, comme sur la terre, la haine a toujours été plus puissante que l'amitié.

LXXVII. Un culte épuré eût été peu assorti à de telles divinités. Les peuples veulent des objets sensibles; une figure qui décore leurs temples, et fixe leurs idées. Il falloit assurément la plus belle de toutes les figures. Mais quelle est cette figure? Demandez-le aux hommes, c'est sans doute la leur. Peut-être un taureau répondroit-il un peu différemment. La sculpture se perfectionne pour servir à la dévotion, et les temples se remplissent de statues de vieillards, de jeunes gens, de femmes, et d'enfans, suivant les attributs différens de chacun des dieux.

LXXVIII. La beauté n'est peut-être fondée que sur l'usage. La figure humaine n'est belle corporels. que parce qu'elle se rapporte si bien aux usages .auxquels elle est destinée. La figure divine est la même; il faut que ses usages le soient aussi, et même ses défauts. De-là cette génération grossière des dieux, qui ne composent plus qu'une famille à la manière des hommes; de-là leurs fêtes de nectar et d'ambrosie, et la nourriture qu'ils reçoivent dans les sacrifices.

douleurs.

De-là encore leur sommeil, et leurs Des dieux, devenus des hommes très

Eurip. Hippolit. Act. v. ver. 1327. et Ovid. Metam. passim.

+ Cic. de Nat. Deor, L. i. c. 27, 28.

IV. les Césars de Julien par M. Spanheim, p. 257, 258. Rom.

876. les Oiseaux d'Aristophane et Lucien presque partout.

Hom. Iliad. L. i. v. 609.

Id. L. v. ver. 335.

puissans,

puissans, devoient souvent visiter la terre, habiter dans les temples, se plaire aux amusemens de l'homme, assister à la chasse, à la danse, et quelquefois devenir sensibles aux charmes d'une mortelle et donner naissance à une race de héros.

LXXIX. Dans ces grands événemens, où, du Evénemens généraux. jeu d'un grand nombre d'acteurs, dont les vues, la situation et le caractère diffèrent, il naît une unité d'action, ou plutôt d'effet; c'est peut-être dans les seules causes générales qu'il faut chercher la leur.

les événe

mens parti

culiers.

LXXX. Dans les événemens plus particuliers, Mélange de le procédé de la nature est très différent de celui causes dans des philosophes. Chez elle il y a peu d'effets assez simples, pour ne devoir leur origine qu'à une seule cause; au lieu que nos sages s'attachent d'ordinaire à une cause, non seulement universelle, mais unique. Evitons cet écueil; pour peu qu'une action paroisse compliquée, admettons y les causes générales, sans rejetter le dessein et le hasard. Sylla se démet du pouvoir souverain. César le perd avec la vie: cependant leurs attentats avoient été précédés par leurs conquêtes: avant de devenir les plus puissans des Romains, ils en étoient les plus renommés. Auguste les suit de près. Tyran sanguinaire, soupçonné de lâcheté, le plus grand des crimes dans un chef de parti,† il parvient au trône,

Après la prise de Peruse il sacrifia trois cens des principaux citoyens sur un autel érigé à la divinité de son père. V. Suet. L. ii. c. 15.

+ Sueton. L. ii. c. 16.

et

Ses causes.

et fait oublier aux républicains qu'ils eussent jamais été libres. La disposition de ces républicains diminue ma surprise. Egalement incapables de liberté sous Sylla et sous Auguste, ils ignoroient cette vérité sous celui-là: des guerres civiles et deux proscriptions plus cruelles que la guerre, leur avoient appris, du tems de celui-ci, que la république, affaissée sous le poids de sa grandeur et de sa corruption, ne pouvoit subsister sans maître. D'ailleurs Sylla, chef de la noblesse, combattoit à la tête de ces fiers patriciens, qui vouloient bien l'armer du glaive du despotisme pour les venger de leurs ennemis et des siens, mais non laisser entre ses mains le pouvoir de les détruire eux-mêmes. Ils avoient vaincu, non pour lui mais avec lui: la harangue de Lépide* et la conduite de Pompée† font assez sentir que Sylla aima mieux descendre du trônè qu'en tomber. Mais Auguste, à l'exemple de César, ne se servit que de ces hardis aventuriers, Agrippa, Mécène, Pollion, dont la fortune attachée à la sienne s'évanouissoit dans une aristocratie de nobles, divisés entr'eux, mais unis pour accabler tout homme nouveau.

LXXXI. Des circonstances heureuses, les débauches d'Antoine, la foiblesse de Lépide, la crédulité de Cicéron travaillèrent de concert pour lui avec cette disposition générale: mais il faut avouer

Sallust. Fragm. p. 404. Edit. Thys.

+ Freinsheim. Supplem. L. lxxxix. c. 26—33.
Tacit. Annal. L. iv. p. 109. Sueton. ubi infra.

aussi que, s'il ne fit
s'il ne fit pas naître ces circonstances, il
les employa en grand politique. Que la variété de
mes objets ne me permet-elle de faire connoître ce
gouvernement raffiné, ces chaines qu'on portoit sans
les sentir, ce prince confondu parmi les citoyens,
ce sénat respecté par son maître!* Choisissons en

un trait.

Auguste, maître des revenus de l'empire et des richesses du monde, distingua toujours son patrimoine de particulier du trésor public. Il fit ainsi paroître à peu de frais sa modération, qui laissoit à ses héritiers des biens inférieurs à ceux de plusieurs de ses sujets,† et son amour de la patrie, qui avoit abandonné au service de l'état, deux patrimoines entiers et une somme immense provenue des legs de ses amis défunts.

LXXXII. Une pénétration ordinaire suffit pour Même acsentir lorsqu'une action est à la fois cause et effet.

* J'attends avec impatience la suite des dissertations sur ce sujet, que M, de la Bleterie nous a promises. Le système d'Auguste si souvent méconnu y paroîtra dessiné jusqu'à ses moindres rameaux. Cet auteur pense avec finesse et une aimable liberté; il discute sans sécheresse, et s'exprime avec toutes les graces d'un style clair et élégant. Peut-être que, Descartes de l'histoire, il raisonne un peu trop à priori, et qu'il établit ses conclusions moins sur les autorités particulières que sur des inductions générales: mais ce défaut est celui d'un homme de beaucoup d'esprit.

+ Toutes déductions faites de ses legs au peuple et aux soldats, Auguste ne laissa à Tibère et à Livie que millies quingenties, trente millions de livres. L'augure Lentulus mort sous son règne, possédoit quater millies, quatre-vingt millions. V. Sueton. L. ii. c. 101. Senec. de Benefic. L. i.

↑ Quater decies millies, deux cens quatre vingt millions. V. Suet. Loc. citat et marmor. Ancyran.

tion cause

Dans

Les sciences

ne viennent

Dans le monde moral il y en a beaucoup qui le sont; ou plutôt, il y en a très peu qui ne tiennent plus ou moins de la nature de l'une de l'autre.

La corruption de tous les ordres des Romains vint de l'étendue de leur empire, et produisit la grandeur de la république.*

Mais il faut un jugement peu commun, lorsque deux choses existent toujours ensemble, et paroissent intimément liées, pour discerner qu'elles ne se doivent point leur origine l'une à l'autre.

LXXXIII. Les sciences, dit-on, naissent du luxe: pas du luxe. un peuple éclairé sera toujours vicieux. Je ne le crois pas. Les sciences ne sont point les filles du luxe; mais l'une et l'autre naissent de l'industrie. Les arts ébauchés satisfont aux premiers besoins de l'homme. Perfectionnés, ils lui en trouvent de nouveaux, depuis le bouclier de Minerve de Vitellius † jusqu'aux entretiens philosophiques de Cicéron. Mais à mesure que le luxe corrompt les mœurs, les sciences les adoucissent; semblables aux prières dans Homère, qui parcourent toujours la terre à la suite de l'injustice, pour adoucir les fureurs de cette cruelle divinité.t

* V. Montesq. Consid, sur la Grandeur des Romains.

Je distingue la grandeur de l'empire Romain d'avec celle de la république : l'une consistoit dans le nombre des provinces, l'autre dans celle des citoyens.

+ Vitellius envoya des galères jusqu'aux colonnes d'Hercule, pour chercher les poissons les plus rares, dont il remplit ce plat monstrueux. Si nous en croyons M. Arbuthnot, il coûta 765,6251. sterling. V. Sueton. in Vitellio, c. 13. Dr. Arbuth not's Tables, p. 138.

1 Μετοπισθ' ατης αλεγεσι κιωσαι. Homer. Iliad. L. ix. v. 500.

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