Et, depuis trois mille ans, Homère respecté Est jeune encor de gloire et d'immortalité ; Nos Verrès, que du peuple enrichit l'indigence, Entendent Cicéron provoquer leur sentence; Tacite, en traits de flamme, accuse nos Séjans; Et son nom prononcé fait pâlir les tyrans; Le tien des imposteurs restera l'épouvante. Tu servis la raison; la raison triomphante D'une ligue envieuse étouffera les cris,
Et dans les cœurs bien nés gravera tes écrits. Lus, admirés sans cesse, et toujours plus célèbres, Du sombre Fanatisme écartant les ténèbres,
Ils luiront d'âge en âge à la postérité ;
Comme on voit ces fanaux dont l'heureuse clarté, Dominant sur les mers durant les nuits d'orage, Aux yeux des voyageurs fait briller le rivage, Et, signalant de loin les bancs et les rochers, Dirige au sein du port les habiles nochers.
BELLE et séduisante Eugénie, L'essaim des amours suit tes pas; Des jeux la troupe réunie Sourit à tes jeunes appas; Mais décrier ce qu'on envie, Ménager ce qu'on ne craint pas : Telle est l'histoire de la vie.
Les sots craignent les gens d'esprit ; Les laides redoutent les belles; Des bégueules sempiternelles Contre toi le courroux s'aigrit. Aimer est le soin de ton âge; Haïr est leur triste partage; Tu nous plais: c'est les outrager;
Plais-nous, s'il se peut, davantage, Pour les punir et te venger.
La prude Arsinoë tempête En voyant briller sur ta tête La rose et les jasmins nouveaux : Ce sont les fleurs de la jeunesse ; Celles de la triste vieillesse Sont les soucis et les pavots. Vainement la grave matrone Que scandalise la gaîté, D'un ton lourdement apprêté, Se vante elle-même, et nous prône Le bon ton, qu'elle connaît peu; N'en déplaise à la pruderie: L'ennui qui la suit en tout lieu Est très-mauvaise compagnie.
Entends-tu fronder les amours, Loin de la sphère des dévotes, Par des médisantes moins sottes,
Non moins aigres dans leurs discours :
Par nos Armandes, nos Bélises, Ces phénomènes, ces esprits,
Composant de petits écrits,
Qui sont pleins de grandes sottises? L'une suit Newton dans les cieux;
Politique par excellence,
L'autre pèse dans sa balance Les Rousseaux et les Montesquieux; Celle-ci, malgré tout le monde,
Se proclame Sapho seconde Au Parnasse de Thélusson; Cette autre, folle lamentable, Veut que l'on quitte pour le diable Fielding, Le Sage et Richardson. Or sus, que leur front sec et jaune Soit ceint d'une épaisse couronne, Non de laurier, mais de chardon; Et que ce rimailleur gascon Qui diffame tout ce qu'il vante De son gosier rauque les chante Au fond des marais d'Hélicon.
Crois-moi: leur éclat pédantesque N'a rien qui te doive éblouir; Ris de cette gloire grotesque, Qu'un jour voit naître et voit mourir. A la nature plus docile,
Cultive en paix l'art difficile D'aimer, de plaire et de jouir. Loin du triste charlatanisme, Loin du fastueux jansénisme
De la bégueule Maintenon, En suivant les lois d'Épicure, Ainsi, dans sa retraite obscure, Vécut cette aimable Ninon, En amour connaissant l'ivresse, Mais très-peu la fidélité; Pleine d'honneur, de probité, Si ce n'est en fait de tendresse ; Bel esprit sans fatuité, Et philosophe sans rudesse. Paris tour à tour enviait Villarceaux, Sévigné, Gourville, Et La Châtre, dormant tranquille Sur la foi de son bon billet. Affrontant la troupe hargneuse Des médisantes par métier, Elle osait être plus heureuse Que les prudes de son quartier. Tous les arts venaient lui sourire; Douce amitié, tendres amours, Égayaient ses nuits et ses jours. Le trait jaloux de la satire
Ne l'atteignit point dans leurs bras; Tartufe pouvait en médire;
Mais Molière en faisait grand cas.
Afin de varier la vie,
Chemin faisant elle avait eu
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