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Debout sur des débris, l'orgueilleuse Angleterre,
La menace à la bouche, et le glaive à la main,
Réclame encor la guerre, et veut du sang humain !
Elle dont le trident, asservissant les ondes,

Usurpa les trésors et les droits des deux mondes!
Rendons aux nations l'héritage des mers;

Entendez, mes enfans, la voix de l'univers
Déléguer aux Français la vengeance publique;
Voyez Londres pâlir au nom de l'Italique'.
De ce chef renommé vous savez les exploits :
Lorsque le vent du Nord, rugissant dans les bois,
Avait interrompu les jeux sous la feuillée,
Le récit des combats prolongeait la veillée.
Le céleste chasseur glaçait l'onde et les airs;
Nos familles, trompant la rigueur des hivers,
Près de l'ardent foyer s'assemblaient en silence;
Les guerriers du héros racontaient la vaillance;
Muets, nous écoutions; les vieillards attendris
S'écriaient en pleurant : Que n'est-il notre fils!
Vous aussi, vous pleuriez! le courage a ses larmes:
Au bruit de ses hauts faits vos mains cherchaient des armes;
Vous vouliez près de lui la gloire et le danger:
Eh bien! sous ses drapeaux courez donc vous ranger!
Et vous! des guerriers francs élite magnanime,
Les Alpes sous vos pas ont abaissé leur cîme;

1. Napoléon fut appelé, en 1796, au commandement en chef de l'armée d'Italie.

Vous franchîtes les monts; vous franchirez les flots.
Des tyrans de la mer punissez les complots:
Ils combattront pour l'or; vous, pour une patrie.
Si jadis un Français, des rives de Neustrie1,
Descendit dans leurs ports, précédé par l'effroi,
Vint, combattit, vainquit, fut conquérant et roi,
Quels rochers, quels remparts deviendront leur asile,
Quand Neptune irrité lancera dans leur île
D'Arcole et de Lodi les terribles soldats,

Tous ces jeunes héros vieux dans l'art des combats,
La grande nation à vaincre accoutumée,

Et le grand général guidant la grande armée?

1. Guillaume, dit le Conquérant.

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LA MORT

DU COLONEL MUIRON',

TUÉ A

LA BATAILLE D'ARCOLE.

1799.

ARCOLE!

en tes vallons fameux par nos guerriers
Les larmes du vainqueur ont mouillé ses lauriers.
Tu vis de cent héros moissonner la vaillance,
Qu'à l'Italie encor redemande la France.

Là, plus d'un grand destin en naissant immolé,
Plus d'un nom que la gloire eût un jour révélé,
Expira dans l'oubli sous la tombe jalouse;
Mais du jeune Muiron, mais de sa tendre épouse,
Ma lyre veut du moins consacrer les malheurs;
Et l'avenir ému leur donnera des pleurs.

Dans le camp des Français, leurs jeunes destinées
Au milieu des périls s'écoulaient fortunées;
Un fils, depuis six mois, souriait à leurs vœux;
Et du premier amour ils s'aimaient tous les deux.
La veille du combat, loin du fracas des armes,

1. Muiron était colonel d'artillerie.

L'hymen au front voilé leur prodiguait ses charmes;
Dans ces momens d'ivresse il semblait que le dieu
Leur dit secrètement : C'est le dernier adieu.
Au signal du clairon, Muiron cherche la gloire;
Il part, combat et meurt. On chanta la victoire.
Son épouse accourait; les guerriers, l'œil baissé,
L'accueillaient en passant d'un silence glacé.
Vers les bords de l'Adige, en tremblant elle arrive;
Elle appelle, elle voit sur la sanglante rive
Muiron, les yeux couverts des ombres du trépas,
Et
pour
la recevoir ouvrant encor les bras.
Elle ne parle point, mais chancelle, soupire;
Sur l'époux bien-aimé lentement elle expire.
Ce jour qu'il ne voit plus importune ses yeux;
Et d'un dernier regard elle accuse les cieux.
Sans parens, sans appui, sans lait, sans nourriture,
L'enfant restait: la mort, outrageant la nature,
Sur la tendre victime étendit son courroux.
L'epouse, dans la tombe, avait suivi l'époux;
L'enfant ne suça point le lait de l'étrangère :
Dans la tombe, à son tour, l'enfant suivit la mère,

Ainsi, quand le Belier vient reverdir les champs,
En un bosquet paré de filles du printemps,
Belles l'une par l'autre, on voit s'unir deux roses,
Sur une même tige, un même jour écloses.
Entre elles deux jaillit le timide bouton,

D'une amour mutuelle aimable rejeton.
La grêle à coups pressés abat les fleurs naissantes;
Et, s'unissant encor, les roses languissantes
Inclinent tristement leur front pâle et flétri;
Près d'elles tombe et meurt le rejeton chéri,
Que du plus doux zéphyr un souffle fit éclore,
Mais qu'un de ses baisers n'entr'ouvrait pas encore.

K

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