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Enveloppe un esprit sublime,
Et le cœur altier d'un héros,
Son sein, qu'un tel effort accable,
N'enfante un prodige semblable
Qu'après un siècle de repos.

Jour d'épouvante! heure suprême !
Du peuple l'immortel appui
Expire au sein du peuple même,
En s'occupant encor de lui.
La douleur le trouve impassible:
D'un front serein, d'un œil paisible,
Il envisage son trépas;

Et son âme ferme et sublime
S'agrandit en voyant l'abîme

Qui vient de s'ouvrir sous ses pas.

Des pontifes langage austère,
Mortels apprêts, pieux tourmens,
Mirabeau va quitter la terre,
Épargnez ses derniers momens.
Fuyez son vénérable asile,

1. Mirabeau mourut à Paris, en 1791, dans la rue de la Chaussée-d'Antin où il demeurait, et à laquelle on donna son nom.

Préjugés d'un âge imbécile;

Fuyez, mensonges révérés,

Que la frayeur de nos ancêtres,
L'avarice et l'orgueil des prêtres,
Avaient si long-tems consacrés!

Au fond de la nuit éternelle,
Parmi les ombres descendu,
Il voit la douleur solennelle
Des citoyens qui l'ont perdu.
Paris et la patrie entière

Vont, dans sa demeure dernière,
Déposer le grand Mirabeau.

Ses restes, que le peuple adore,
Il les voit triompher encore
Et des tyrans et du tombeau.

La France a-t-elle, avant notre âge,
Honoré ces mortels divins

Dont l'esprit est un héritage
Recueilli par tous les humains?
Ils mouraient leur cendre sacrée,
Par l'amitié seule entourée,
Marchait vers le funèbre lieu;
Tandis qu'une pompe insolente
Accompagnait l'ombre sanglante
D'un Louvois ou d'un Richelieu.

Du fanatisme étrange exemple!
Opprobre d'un siècle si beau!

A Sulpice on élève un temple;
Voltaire est presque sans tombeau!
Mort, il cherche encore un asile;
Un ordre des tyrans exile
Ses vains et précieux débris;
Et, dans leur stupide colère,
De sa dépouille tutélaire
Ils ont déshérité Paris.

Des grands hommes de la patrie
Nous verrons les mânes un jour,
Famille imposante et chérie,
Habiter un commun séjour.
Tel, au milieu des sept collines,
S'élevait sous des mains divines
Ce temple superbe et vanté
Où, par la piété romaine,
Dans les murs de la cité reine,
On vit l'Olympe transporté.

Ennemis de la tyrannie,
Visitez ces augustes lieux;
Vertu, raison, talens, génie,
Voilà vos patrons et vos dieux.
Souvent la nation nouvelle,

Offrant un hommage fidèle
A ces mânes idolâtrés,
Viendra sur la chose publique
Consulter la patrie antique,

Au fond des monumens sacrés.

Toi, que la France désolée

Appelle en vain dans ses regrets,
Mirabeau, de ton mausolée
J'ornerai du moins les cyprès.
Lorsque ta fatale journée,
Par chaque printemps ramenée,
Renouvellera nos douleurs,

Je chanterai tes nobles veilles;

Et sur le marbre où tu sommeilles

Tu sentiras couler nos pleurs.

ODE

SUR LA GUERRE DE LA LIBERTÉ.

1792.

000

NYMPHES des monts et des forêts,
Prolongez le cri de la guerre.

Honneur, gloire, triomphe, aux armes des Français!
Malheur aux tyrans de la terre!

Ces cris généreux ont volé

De la Baltique aux bords du Tibre; Des rois usurpateurs le trône est ébranlé; L'Europe a besoin d'être libre!

Douce égalité, sous nos yeux,
Prépare tes festins prospères;

Et vous! peuples amis, conviés par les cieux,
Venez aux banquets de vos frères.

O Rome, recompose-toi

Parmi tes tribus rassemblées!

Relève tes remparts, cité d'un peuple roi,
Éparse au sein des mausolées!

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