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Severy; toute cette charmante famille m'intéresse, sous différents rapports; le mérite augmente bien de prix dans notre siècle; c'est une eau salutaire au milieu d'un aride désert.

le

Si les nouvelles sont vraies, l'Assemblée fait à présent du ministère, ·

repas de l'évangile; mais il faut se taire, car s'irriter de ce qu'on fait,

c'est souffrir, et s'en moquer, c'est ressembler aux barbares qui dansent et chantent autour des victimes.

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La lettre de Berne a eu ici un plein succès; je vous rends grace de

nous l'avoir envoyée. Les Allemans sont à présent beaucoup plus François que nous, et par leurs sentimens et même par leur langage. Je finis, Monsieur, en vous rappellant trois promesses; la lecture des Opinions Religieuses, car si elle ne change pas les vôtres, vous vivrez du moins encore plus intimément avec nous; vous jugerez du génie, de l'éloquence, et des sentimens de Monsieur Necker; et vous jugerez aussi de l'impression que j'en recevois. Je connois trop la supériorité. et l'universalité de votre esprit, pour vous croire étranger aux plus grandes questions que les hommes se soient jamais proposées; ce n'est pas vous qui traiterez légèrement les profondeurs de nos destinées; ce n'est pas vous qui traiterez légèrement les affections les plus douces, les plus propres à consoler deux ames étroitement unies, qui ne peuvent plus retenir le tems prêt à s'échapper pour elles, et qui le suivent, et se suivent jusques dans les abîmes de l'éternité, et vous donnerez quelques larmes au passage qui exprime ce sentiment avec des couleurs inimitables. Je vous rappelle un autre projet qui me tient fort à cœur, et que je ne veux pas même désigner. Enfin votre troisième promesse est pour nous un bonheur présent; nous vous attendrons à Copet, et les charmes de votre société nous feront oublier encore une fois les peines de la vie. Nous nous réunissons, Monsieur Necker et moi, pour vous offrir l'hommage d'une tendre amitié, et il me semble qu'en me doublant ainsi, je répare auprès de vous tout ce que le tems m'a fait perdre.

No.

No. XLVIII.

Madame NECKER à M. GIBBON.

A Copet, ce Samedi matin.

J'ALLOIS Vous écrire, Monsieur, quand j'ai reçu par M. Favre une marque de souvenir que je désirois vivement, et que mon impatience ne me permettoit plus d'attendre: malgré votre silence volontaire, malgré le silence involontaire que j'ai gardé avec vous, vous n'avez jamais cessé un instant d'être l'objet de mon admiration, et de cette tendre et püre affection sur laquelle le tems ne peut avoir d'empire. Vos ouvrages ont fait mes délassemens les plus doux ; je ne vous ai pas peint l'impression, que j'en avois reçue; car dans les deux ans du ministère orageux de M. Necker, je n'ai pas eu une heure de calme, ou de liberté : d'ailleurs l'on n'aime pas toujours entretenir un muet, sûre de l'importuner, ne fut-ce que par les remords. A présent, Monsieur, vous nous ôtez la crainte d'être indiscrets, et nous vous demandons avec instances, M. Necker et moi, de nous faire l'honneur de passer quelques jours à Copet. Adieu, Monsieur, vous me répondrez à Copet, et vous ferez un bien grand plaisir à d'anciens et fidèles amis, qui malgré tous les discours sont plus que jamais dignes de votre intérêt, et de votre estime.

No. XLIX.

Madame NECKER à M. GIBBON.

A Rolle, le 3 Avril.

Je réponds à votre silence, Monsieur; c'est toujours du moins une manière de me rapprocher de vous. J'en cherchois une aujourd'hui, car mon cœur se serre un peu en quittant un lieu plus voisin de celui que vous habitez, et où nous avons reçu des marques ineffaçables de votre amitié, de cette amitié dirigée par l'esprit le plus délicat, et par un instinct de bonté qui donneroit même du charme à l'indifférence.

Voulez

Voulez-vous bien, Monsieur, témoigner à Madame de Severy toute notre reconnoissance? J'avois le désir de lui écrire, j'ai craint de me rendre importune. Mademoiselle Geffroy m'assure que M. Monad est content de l'état où nous laissons la maison. Ce M. Monad me paroît fort honnête homme, et fort utile à ceux dont il a la confiance. Je présume que je ne tarderai pas à profiter de votre aimable invitation. Nous irons passer quelques jours dans votre palais des fées, ou plutôt de génies, par une exception inouie pour moi; et que j'offre à celui qui fait aussi une exception dans notre cœur à tant d'autres égards; mais les nouvelles nous empêchent de céder encore à notre impatience par l'incertitude où elles nous Jettent; les Croisés semblent avoir l'avantage; et le résultat de cette combinaison, ou de toute autre, fait aussi de notre fortune un problême insoluble pour le présent; cependant avant de voir des maisons, il faudroit que nos plans furent arrêtés. Vous jugez, Monsieur, par ma comparaison, que j'écris à présent de Jérusalem; vos pároles sont pour moi ces fleuves de lait et de miel de la terre promise; et je crois entendre leur doux murmure; cependant je regrette encore le plaisir que j'avois à vous entretenir pendant le jour, de mes pensées de la veille. Je vivois ainsi deux fois avec vous, dans le temps passé et dans le temps présent; et ces temps s'embellissoient l'un par l'autre ; puis-je me flatter de retrouver ce bonheur dans nos allées de Copet? Prévenez-nous cependant, quand vous aurez l'intention de nous voir. Nous tâcherons de réunir quelques personnes qui veulent venir à Copet, et nous vous devrons leurs plaisirs et les nôtres. Mille tendres amitiés.

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JE voyois arriver, Monsieur, avec un sentiment délicieux, le jour que je devois passer avec vous; le spectacle d'une habitation qui vous rend heureux auroit certainement ajouté à mon bonheur, ou diminué mes peines, pour employer un langage convenable aux circonstances. Je sens que j'aurois réuni à vous pour toujours, dans ma pensée, l'image de

VOL. II.

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de votre jardin, de votre bibliothèque, de tous ces sages qui vous environnent, et qui seroient restés dans la poussière des siècles, si votre bel ouvrage ne les avoit fait revivre. C'est donc absolument contre mon vou, que j'ai différé une visite dont je me faisois une véritable fète. Vous m'avez toujours été cher; mais l'amitié que vous montrez à M. Necker ajoute encore à celle que vous m'inspiriez à tant de titres; et je vous aime à présent d'une double affection. Cependant je suis très en colère contre M. Necker, il a cédé à quelques raisons dont il vous rendra compte. Il n'appartient pas à tout le monde d'avoir, comme M. Gibbon, les avantages du génie, sans en avoir les inconvéniens. Les projets de M. Necker sont toujours environnés d'un cortège de troupes légères, qui ne cessent de se battre sur la route; et l'on ne sçait jamais quel sera le résultat du combat: cette fois il a fallu consentir à un délai, et M. Necker, qui s'en affligeoit lui-même, a voulu vous écrire le premier; mais il ne vous a point dit assez à mon gré, avec quel attendrissement, avec quelle reconnoissance nous avons reçu vos soins incomparables dans cette terrible époque de notre vie. Je ne tarderai pas, j'espère, à vaincre les obstacles qui contrarient un projet cher à mon cœur. Dans ce moment le danger éminent de M. Tronchin ne nous auroit pas permis de nous éloigner. M. Cramer doit être transporté à Genève. Mille et mille tendres hommages, Monsieur.

No. LI.

Madame NECKER d M. GIBBON.

Rolle, ce Jeudi.

MONSIEUR de Châteauneuf, Monsieur, a envoyé une addresse aux citoyens de Genève, dans laquelle, avec beaucoup de protestations pour la sureté des propriétés et des personnes, il assure qu'on se restreindra seulement à la punition des magistrats, qui ont osé solliciter le secours des Suisses. L'indignation a été à son comble, comme vous devez bien le penser; et mon cœur en est encore agité. Les magistrats, par une conduite aussi noble que celle du résident étoit basse et odieuse, ont rassemblé en armes trois mille Genevois, et leur ont lu cette

addresse

addresse et une courageuse réponse. Ils ont demandé que ceux qui n'approuvoient pas la conduite des magistrats, eussent à se retirer; trois seulement sont sortis des rangs. M. le Sindic Michely a parlé comme Démosthène; et un citoyen nommé M. Chambrier, a répondu au nom du peuple avec tant de vertu et de sensibilité, que cette scène touchante peut être comparée aux plus belles de l'histoire. L'on ne nous mande pas d'ailleurs que les troupes soient augmentées. Dieu seul sçait à présent quel sera le résultat de toutes ces démarches extraordinaires. Nous attendons incessamment Monsieur Gibbon, et nous l'aimons, en attendant, de tout notre cœur, et pour jamais.

No. LII.

Madame NECKER d M. GIBBON.

C. N.

A Copet, ce 15 Juin, 1792.

Nɛ craignez rien, Monsieur; ce n'est pas un reproche que je viens vous faire je sçais depuis Alcibiade, que les hommes distingués doivent toujours avoir quelques légères bisarreries: M. de Severy m'écrit ingénieusement que vous me tenez compte en amitié du silence que vous gardez avec moi; car vos affections ne sont pas comme votre génie, une corne d'abondance, qui s'accroit en se répandant. Penseriez-vous, Monsieur, que ce préambule tend à vous demander une lettre? M. Pictet m'apprend que M. de Severy recevra chez lui pendant quinze jours le Prince de Hesse, et ses deux gouverneurs. Nous avions déterminé M. et Madame Pictet à admettre ces étrangers dans leur intérieur, si l'on le désiroit; et rien ne paroissoit plus convenable pour le jeune prince que le spectacle de cette vie pure et simple, dont l'esprit et le sentiment font la seule élégance: et d'ailleurs nous croyons voir dans cet arrangement, des avantages réciproques. Cependant une introduction de confiance demande l'exception entière de certains défauts; par exemple, si vous apperceviez de légers Germanismes, comme des libations libérales à Bacchus, je vous demanderois d'avoir la bonté de me l'insinuer sans craindre aucunes tracasseries. Il seroit aisé de trouver des prétextes pour revenir à l'ancien plan de simple locataire.

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