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Et se précipitant vers la seule victoire

Qui permette aux mortels de comprendre la gloire.

A peine s'est montré vers l'horizon lointain,
Agile et rayonnant, le soleil du matin,

Qu'elle assigne à nos chefs les postes du courage,
Comme elle allait jadis, sous des berceaux d'ombrage,
Marquer avec des fleurs et des festons légers,
La place de la fête et des jeux bocagers.

L'affreux Talbot parcourt ses lignes meurtrières.
Son arc d'acier frémit entre ses mains guerrières;
Et de l'éperon d'or les aiguillons brûlans
De sa noire cavale ensanglantent les flancs;

« Anglais! à Jeanne d'Arc renvoyons l'épouvante.

« Je veux, sur mon coursier, l'asseoir nue et vivante. « Les Français avaient vu leurs destins obscurcis,

« Tomber de rois en rois aux mains de Charles-Six.

« Je parus... j'attisai leurs discordes civiles;

α

L'esclavage avec moi descendit dans leurs villes,

« Et l'on vit l'Océan, fier d'agrandir ses droits,

« Sur le trône des lis jeter un de nos rois.

« Combattons... châtions l'espérance indocile « D'un prince enfant douteux d'un monarque imbécille, « Et dont le triste front, marqué du sceau vengeur, << Cherche un bandeau royal pour cacher sa rougeur.»

Il dit... et dans nos rangs un cri de mort s'élève,
Les
yeux roulent du sang, les maius cherchent le glaive,
Le démon des combats tourmente tous les cœurs.
France! tu n'as qu'un jour à souffrir des vainqueurs.
France! la trahison conspirait pour t'abattre ;
Son hydre t'enlaçait, tu ne pouvais combattre;
Échappant vers la gloire à des complots honteux,
La lice s'ouvre enfin, ton sort n'est pas douteux.
Tel un aigle captif dans les noeuds d'un reptile,
Frémit, bat les rochers de son aile inutile,
Roule, rampe avec lui, redemande les airs
Et sillonne sanglant les sables des déserts.
Mais enfin, lui frayant une route inconnue,

Il emporte à son tour le monstre dans la nue,
Et sûr de son triomphe en changeant de séjour,
Termine ce combat près de l'astre du jour.
Ainsi nos chevaliers, Xaintrailles, Saint-Sévère,
Florent d'Illiers, portant l'écharpe du Trouvère,
Dunois et Beaumanoir, en combattant, prenaient
La victoire à témoin des grands coups qu'ils donnaient.
Du choc des escadrons la terre est ébranlée;
Nos légers drapeaux blancs courent sur la mêlée,
Comme on voit quelquefois des cygnes dans leurs jeux
Voltiger et courir sur un lac orageux.

Mais nul n'ose attaquer l'amazone immortelle ;
Ce torrent d'ennemis s'écoule devant elle.
Talbot, le seul Talbot, la défie en fureur;
L'étendard prophétique est pour lui sans terreur,
Et du sang des Français à tout moment trempée,
Roule en cercles d'éclairs sa formidable épée.

Tel pour saisir sa proie, un insecte fameux
Fait tourbillonner l'onde en cercles écumeux;
Telle aux bords africains, rapide, foudroyante,
Court et frappe à la fois la trombe tournoyante;
Des palmiers qu'elle arrache elle s'arme en volant,
Ouvre à la caravane un sépulcre brûlant.
Le rocher disparaît, l'obélisque s'écroule,
Et, colosse tombé, l'énorme éléphant roule.

Ainsi tombent épars nos guerriers expirans ;
Les rangs couverts d'acier entrechoquent les rangs;
Le coursier que le frein, que l'éperon tourmente,
Bat sa poitrine en feu de sa bouche écumante;
Enivré de fureurs, terrible, bondissant,
Ses longs crins vagabonds jettent au loin le sang.
Il tressaille, il frémit, il se cabre, il s'élance,
Réfléchit dans ses yeux les éclairs de la lance,
Heurte d'un pied d'airain les casques des guerriers,
Lève sa noble tête et la montre aux lauriers;
Parmi les feux, les dards et les flèches sifflantes,
Gonfle au bruit des clairons ses narines brûlantes;

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Il tombe sans se plaindre, expire en combattant,
Et son dernier soupir est le seul qu'on entend.

Partout la mort, partout la bataille agrandie,
Allume tous les cœurs à son vaste incendie;
Presse, entraine, retient dans ses noirs tourbillons
Les pas retentissans des larges bataillons,
Croisant ou déroulant les fils de la mêlée,
Sanglante, toute en feu, l'armure martelée,
Elle vole, et son char, suivi d'impurs corbeaux,
Entend gémir sous lui de douloureux lambeaux;
Elle enlève à l'arène un nuage de poudre,
Prête au boulet pesant les ailes de la foudre,
D'une fumée ardente obscurcit les deux camps;
C'est l'ombre des enfers, c'est le bruit des volcans;
C'est un fleuve de sang où palpite et surnage,
Sans décider la lutte, un monceau de carnage.

Alexandre SOUMET.

RÊVERIE.

Encor si l'on savait le secret de la tombe;
Si l'ame s'élevait ainsi qu'une colombe,
A travers le ciel bleu, vers cette immensité
Où Dieu jouit du tout et de l'éternité!
Si l'ame, se trouvant sous la forme d'un ange,
S'enivrait à jamais de bonheurs sans mélange;
Si, rejetant la coupe où l'on boit tant de fiel,
Les ames qui s'aimaient se revoyaient au ciel!
Si des mondes roulans l'ineffable harmonie,
La majesté de Dieu, sa puissance infinie,
L'orgueil d'être immortel, de voir créer sans fin,
D'unir son chant d'amour aux chants du séraphin;
Si les plaisirs sacrés du céleste domaine,

Qui n'aurait point de mots dans toute langue humaine,

Dont notre esprit a soif et qu'il ne conçoit pas,
Se montraient devant nous au delà du trépas!

Oui, j'en crois ce besoin que Dieu mit en notre ame,
Ce vague instinct des cieux qui m'attire et m'enflamme,
Ce désir éthéré qui n'a rien d'ici-bas:

Il est un autre monde, un terme à nos combats,

Une fête éternelle où Dieu même convie,
Un bonheur indicible, un grand but à la vie,
Un sublime repos aux élans de l'esprit,
Un amour, Élisa, qui jamais ne tarit,
Un port aux affligés, libres de toute crainte,
Devant le Dieu de tous une égalité sainte,
Des prix à la vertu, des regrets aux pervers,
Un culte universel au Dieu de l'Univers.

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Si l'action commise, et le but accompli,
L'œuvre était consommée, et le destin rempli ;
Qu'un seul coup, exauçant le vœu qui nous anime,
Enveloppât le crime et les suites du crime;

Si tout devait finir... Seulement ici-bas!

On s'en irait sans crainte au-devant du trépas;
De la vie à venir on subirait les chances,

Quitte à trouver là haut châtimens ou vengeances!..
Mais ce n'est pas ainsi qu'en décide le sort,
Et notre jugement commence avant la mort.

La coupe où notre main prépara le supplice,
Pour nous s'emplit alors... L'implacable justice
A ses propres fureurs livrant la trahison,
Lui fait jusqu'à la lie avaler le poison.

Il est ici sans garde, et sous la foi jurée
De l'hospitalité tutélaire et sacrée ;
D'une faveur sans borne il m'a rendu l'objet ;
Je suis son allié, son ami, son sujet ;

Enfin je suis son hôte, et ma main protectrice
Lui doit appui, secours, près du foyer propice.
Je devrais détourner les coups d'un assassin,
Contre mille poignards le couvrir de mon sein!...
Ensuite il est si bon, si paternel, si juste ;

Il sait si noblement remplir sa tâche auguste,
Que toutes ses vertus, comme un rempart d'airain,
Feraient tomber mon glaive et reculer ma main.
La pitié, racontant ce forfait sanguinaire,
Ferait pleurer l'enfant dans les bras de sa mère !
Laisse-moi, laisse-moi, funeste ambition!
Ne me fais plus sentir ton horrible aiguillon!

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Il ne faut plus songer... Comblé de ses bienfaits,
Irai-je les payer par un meurtre exécrable?'

Il m'accable d'honneurs... A mes vœux favorable,
Il m'agrandit, m'élève ; et l'estime de tous

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