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qui, dans le cours inévitable des choses, et aux époques marquées par la Providence, remuent quelquefois les peuples pour les renverser à jamais ou pour leur donner une vie plus forte et pleine de destinées nouvelles. Espérons que celle-ci ne sera point fatale. Les époques de décadence littéraire n'ont jamais été que des époques de décadence dans la nature et la dignité des nations. Après Alexandre, la Grèce devient esclave, et son génie perd, avec la liberté, son essor et sa grandeur. Sous les tyrans qui l'abrutissaient, Rome pouvait-elle conserver les sentimens qui inspirent les grandes pensées et font les grands hommes? L'Italie même, dans les temps modernes, n'a joui de son génie et de sa gloire que dans les luttes de ses villes rivales et parmi les combats de ses citoyens divisés pour la cause de la liberté; quand elle a fléchi sous la verge étrangère, son génie s'est tu. Et nous, dont le génie a devancé les temps qui devaient l'inspirer; nous, à qui les progrès de notre siècle assurent cette liberté qui donne à l'homme toute sa force et sa puissance; nous qui, loin de ramper sous ce joug étranger qui ravale les nations, serions prêts à renouveler les prodiges dont le souvenir fait encore trembler le monde, ce serait à cette époque de gloire, de puissance et de liberté que nous tomberions dans cet état de faiblesse et d'anéantissement qui n'appartient qu'aux peuples dégradés! Laissez marcher la nature humaine; le génie est de tous les temps; il ne lui a souvent manqué qu'un siècle inspirateur : avec les sentimens qui seuls désormais doivent animer nos cœurs et honorer la France, des hommes se présenteront, n'en doutez pas, qui sauront se faire entendre, et rendre populaires le vrai beau et la belle nature.

MAGNIER (de Rouen ).

MONNAIES D'ALEXANDRE'.

Pendant long-temps la piété des peuples n'admit sur les monnaies que les images ou les attributs des dieux : si la gravure n'y représentait pas la divinité elle-même, un emblème sacré en prenait la place. Le trident et le poisson rappelaient Neptune; la foudre, Jupiter; la chouette, Minerve'. Une opinion religieuse telle que celle-là ne pouvait point éprouver de changement sans des inconvéniens notables et sans une sorte de scandale public. Pour amener les peuples à voir l'image d'un homme, surtout d'un homme vivant, empreinte sur la monnaie, au lieu de celle des dieux, il fallait qu'un décret positif eût prononcé sa déification, et un honneur aussi extraordinaire dut bien plutôt être accordé à Alexandre qu'à aucun des rois qui partagèrent son héritage.

Ce fragment est extrait d'un « Voyage dans la Macedoine », 2 vol. in-4o, qui va paraître. M. Cousinery, ancien consul général de France à Salonique, a passé plus de trente ans de sa vie dans la Macédoine. (Note du D.)

Ce principe religieux n'empêchait pas que les peuples, les villes et les rois n'employassent quelquefois sur leurs monnaies, comme symboles ou comme emblèmes, des objets propres à rappepeler des faits particuliers de leur histoire, ou qui faisaient allusion à leurs noms.

Quand donc nous voyons l'image de Soter sur des monnaies de l'Égypte, celles de Séleucus et d'Antiochus son fils sur des monnaies de Syrie, celles de Philétaire et d'Eumène son neveu sur des médailles de Pergame, nous devons conclure que, déjà de leur temps et même auparavant, les peuples avaient accueilli ou placé eux-mêmes sur des monnaies la représentation du conquérant de l'Asie. La divinisation monétaire de ces divers princes est une attestation de celle d'Alexandre.

En effet, si l'on considère les actes successifs de ce roi, depuis son entrée dans l'Asie jusqu'à sa mort, on voit son orgueil s'accroître avec l'étendue de son empire, et l'on s'aperçoit que, s'il ne conçut pas d'abord l'idée de se donner pour un dieu, cette idée du moins ne dut pas tarder à naître dans son esprit séduit par de rapides victoires. Rien ne prouve que, dans les premières années de son règne, ce prince ait employé des coins qui lui fussent particuliers. Nous ne pouvons, au contraire, nous refuser à croire qu'en entrant dans l'Asie, il ne se soit borné à mettre en émission la monnaie de son père dans les trois métaux. On sait que la monnaie d'or de Philippe représente, d'un côté, une tête d'Apollon laurée, et, de l'autre, un athlète conduisant un char à deux chevaux. Celle d'argent offre la tête de Jupiter laurée, au revers un jeune homme nu, à cheval, tantôt tenant un rameau de la main droite, et tantôt la même main étendue vers les oreilles du cheval. Divers symboles se voient dans l'aire de ces différentes monnaies.

Après le passage du Granique, le vainqueur dut aussi faire usage des dariques d'or et d'argent que la victoire versait en abondance dans ses mains; mais il

ne cessa pas d'employer les monnaies de son père, soit par respect pour sa mémoire, soit à cause du crédit que ces monnaies avaient acquis partout où le nom de Philippe était parvenu. Ce qui nous le prouve, c'est la grande quantité de ces pièces qu'on ne cesse de découvrir dans toute l'Asie. A mesure que le vainqueur étendait ses progrès dans les provinces maritimes, il dut éprouver le désir de se former un système monétaire qui lui fût propre. Strabon nous apprend qu'après avoir passé le Granique il retourna à Ilium pour rendre un nouvel hommage à Minerve, sa déesse favorite, en action de grâces de la victoire qu'elle venait de lui accorder'. Il enleva les armes dont la statue était revêtue, et il les faisait porter devant lui les jours de combat. Ce fut vraisemblablement à cette époque qu'il commença à honorer cette divinité tutélaire, en faisant frapper la monnaie d'or où nous voyons enpreinte, d'un côté, la figure de cette déesse casquée, et, de l'autre, une victoire tenant de la main droite une couronne et de la gauche un mât de navire. En cédant ainsi la monnaie d'or à Minerve, pour n'imprimer sa propre image que sur les pièces d'argent, Alexandre semblait vouloir déclarer qu'il ne se regardait point comme l'égal des dieux, et qu'il n'agissait, dans ses conquêtes, que pour l'exécution de leurs ordres. Que la fabrication de ces pièces d'or ait eu lieu d'abord à Ilium même, ou plutôt à Sardes, comme je serais tenté de le supposer, la connaissance de ce fait nous importe peu ce qui est à remarquer, c'est que la multiplication de la monnaie d'or donnait une grande facilité pour le paiement des troupes dans des marches continuelles;

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et c'est là un motif de plus pour nous faire croire que les monnaies où se voit Minerve sont les premières que nous puissions regarder comme propres à Alexandre.

La marche de ce héros dans l'Asie-Mineure était un triomphe continuel. Les villes grecques, dépouillées de leur liberté par les rois de Perse, et qui la recouvraient au moyen de ses victoires, lui témoignaient la plus vive reconnaissance, et dans leur enthousiasme, rappelant leurs anciennes mœurs, elles crurent voir en lui un dieu ou le fils d'un dieu. Descendant d'Hercule, il leur parut un Hercule nouveau, qui conquérait l'Asie pour briser leurs fers.

L'opinion qui le fait aller directement de Sardes à Éphèse me parait peu probable, attendu que, pour conduire son armée en ligne droite d'une de ces villes à l'autre, il aurait fallu qu'il franchit avec elle le mont Tmolus, un des plus hauts de l'Asie occidentale, tandis qu'une route un peu plus longue, à la vérité, mais unie et commode, pouvait le conduire de Sardes à Smyrne, de Smyrne à Éphèse, et lui éviter la peine de revenir sur ses pas quand il voudrait visiter la première de ces villes ainsi que celle de Clazomènes, qui, à cause de son port et de sa situation, lui offrait un grand intérêt.

Quoi qu'il en soit, Alexandre ayant trouvé les habitans d'Ephèse occupés à rebâtir le temple de Diane, brûlé la nuit même de sa naissance, leur offrit de payer la totalité de la dépense, à condition que son nom serait placé seul dans l'inscription votive, et ils lui répondirent que ce n'était pas à un dieu d'élever des monumens à un autre dieu'. Ce mot, employé peut

Strab., lib. iv, pag. 640.

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