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rattache sont redevenus tout à coup un objet de mode. Serait-ce là ce qui lui porte encore malheur, et ce qui fait que l'on n'y a consacré que des études singulièrement superficielles ? Je n'en sais rien : toutefois il est certain que si l'on en parle beaucoup, on le connaît réellement fort peu; vous diriez que c'est un de ces fantômes dont on n'ose approcher, soit par un religieux effroi, soit afin de ne pas lui enlever le charme qui l'entoure. Cependant il serait bien temps que l'on recherchât les arts et la littérature de cette vaste époque ailleurs que dans les décorations d'opéra, les romans les plus nouveaux, ou les vers de Mme de Surville. Nos pères du XVIIe siècle, avant de créer sur le patron de l'antiquité un théâtre, une poésie, une histoire, crurent avoir besoin d'étudier les Sophocle, les Térence, les Virgile et les Tacite : je pense que nous ferions bien de suivre (en cela seulement) leur exemple, et de jeter au moins un coup-d'œil sur la littérature du moyenâge, puisque nous avons pris la résolution de la res

taurer.

En France, comme en Italie, comme en Grèce, comme partout peut-être, la poésie jeta à son aurore un éclat qui ne fit que s'affaiblir jusqu'à l'époque de la rénovation des mœurs et des travaux littéraires, c'est-à-dire jusqu'au xvIe siècle. A mesure que la langue se forma, le génie poétique s'affaiblit. Naïve, pure, gracieuse et multiforme dans les romans des douze pairs, dans les poëmes de Gérard de Viane et de Guillaumeau-Cornet, dans les chansons d'Audefroi-le - Bâtard, elle devint maniérée et mignarde, elle eut de plus en plus recours à la froide et fastidieuse allégorie, sous la plume des Jean de Meung, des Christine de Pisan et des Alain Chartier, jusqu'à ce qu'elle retrempât enfin

son langage dans la fontaine de l'antiquité. Mais en s'élevant sous la conduite des Thucydide, des Sophocle, des Horace, des Térence et des Virgile, au plus haut degré de perfection que jamais littérature ait atteint, elle oublia trop, peut-être, les traditions et les charmes de son enfance. Elle jeta un voile de dédain sur le moyen-âge, et les ouvrages jusqu'alors si vantés des Audefroy, des Adenès et des Robert de Borron, cessèrent d'être honorés et même compris.

Ce fut un malheur: ces prédécesseurs de Lafontaine méritaient un meilleur sort. Aujourd'hui que la littérature, renouvelée des anciens, semble avoir parcouru sa carrière et atteint le but de la perfection, on reviendra naturellement à l'étude de ces premiers maîtres d'éloquence et de poésie. Rien, dans les époques de création, n'est à dédaigner; on nous a mis à découvert la substance, et, si j'ose dire, toute la moëlle des grands génies antiques. Revenons chez nous, et voyons ce que, de son côté, le moyen-âge a prétendu faire pour la postérité.

Pour aujourd'hui, je me suis contenté de disserter sur l'origine de notre langue: Peut-être plus tard, essayant de marcher, de bien loin sans doute, sur les traces de l'illustre auteur des Templiers, offrirai-je une notice exacte de tous nos anciens écrivains avant Villon, et publierai-je ceux de leurs ouvrages qui semblent le plus dignes d'être remis en lumière. Mais en ce moment une pareille entreprise serait au dessus de mon courage, et le public, d'ailleurs, serait fort peu disposé à m'en savoir quelque gré; car il a bien autre chose à penser qu'au roi Adans, à Quene de Béthune, et à Audefroi-le-Bâtard. Hélas! encore quelques années, et la chaîne qui unissait les mœurs de la vieille

France à celles de la nouvelle, cette chaîne que tenta de resserrer l'auteur de notre ancienne Charte, sera peut-être entièrement rompue. Partout le faible et méprisable frein de la raison contemporaine aura remplacé les souvenirs, les traditions de l'expérience et de la piété filiale, en un mot, tout ce qui fait aimer et rend si doux le nom de patrie. Mais dans ce naufrage des plus solides colonnes de l'édifice social, il se pourra que l'on reporte un regard de sympathie, et même de regret, vers les jours à jamais passés où la religion, et non pas la philantropie, l'amour, et non pas la politique, les romans, et non pas les journaux, le foyer paternel, et non pas celui des limonadiers, présidaient à l'éducation et à la littérature. Alors peut-être on accueillera avec quelque bienveillance un ouvrage dont le but sera de faire connaître les plus aimables compositions de temps à jamais disparus. Et je me trompe fort si, pour l'imagination et la profondeur, on les estime au dessous des compositions les plus merveilleuses de notre temps.

PAULIN PARIS.

HISTOIRE

NOUVEAUTÉ

DES CONTINENS.

Bien qu'au premier coup d'œil les traditions de quelques anciens peuples, qui reculaient leur origine de tant de milliers de siècles, semblent contredire fortement cette nouveauté du monde actuel, lorsqu'on examine de plus près ces traditions, on n'est pas longtemps à s'apercevoir qu'elles n'ont rien d'historique : on est bientôt convaincu, au contraire, que la véritable histoire, et tout ce qu'elle nous a conservé de documens positifs sur les premiers établissemens des nations, confirme ce que les monumens naturels avaient annoncé.

La chronologie d'aucun de nos peuples d'occident ne remonte, par un fil continu, à plus de trois mille ans. Aucun d'eux ne peut nous offrir avant cette époque, ni même deux ou trois siècles depuis, une suite de faits liés ensemble avec quelque vraisemblance. Le nord de l'Europe n'a d'histoire que depuis sa conversion au christianisme. L'histoire de l'Espagne, de la Gaule, de l'Angleterre, ne date que des conquêtes des Romains; celle de l'Italie septentrionale, avant la fon

dation de Rome, est aujourd'hui à peu près inconnue. Les Grecs avouent ne posséder l'art d'écrire que depuis que les Phéniciens le leur ont enseigné, il y a trente-trois ou trente-quatre siècles; long-temps encore depuis, leur histoire est pleine de fables, et ils ne font pas remonter à trois cents ans plus haut les premiers vestiges de leur réunion en corps de peuples. Nous n'avons de l'histoire de l'Asie occidentale que quelques extraits contradictoires qui ne vont, avec un peu de suite, qu'à vingt-cinq siècles'; et, en admettant ce qu'on en rapporte de plus ancien avec quelques détails historiques, on s'élèverait à peine à quarante '.

Le premier historien profane dont il nous reste des ouvrages, Hérodote, n'a pas deux mille trois cents ans d'ancienneté3. Les historiens antérieurs, qu'il a pu consulter, ne datent pas d'un siècle avant lui 4. On peut même juger de ce qu'ils étaient par les extravagances qui nous restent, extraites d'Aristée, de Proconnèse et de quelques autres.

Avant eux on n'avait que des poètes; et Homère, le plus ancien que l'on possède, Homère, le maitre et le modèle éternel de tout l'Occident, n'a précédé notre âge que de deux mille sept cents ou deux mille huit

cents ans.

Quand ces premiers historiens parlent des anciens événemens, soit de leur nation, soit des nations voi

A Cyrus, environ six cent cinquante ans avant Jésus-Christ. 2 A Ninus, environ deux mille trois cent quarante-huit ans avant Jésus-Christ, selon Ctésias et ceux qui l'ont suivi; mais seulement mille deux cent cinquante selon Volney, d'après Hérodote.

3 Hérodote vivait quatre cent quarante ans avant Jésus-Christ. 4 Cadmus, Phérécyde, Aristée de Proconnèse, Acusilaüs, Hécatéc de Milet, Charon de Lampsaque, etc., etc.

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