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chien montrent qu'il était disposé à enlever les femmes d'autrui.

Chaque bourg ou village a établi un cimetière près du sentier le plus fréquenté. Ces lieux sont intéressans par la diversité des ornemens des tombes; un grand nombre sont même entourés de petits arbres.

La maison du gouvernement, destinée à conserver les archives de la souveraineté, renferme un grand nombre de peaux de lions, de panthères, de singes, enfin de toutes sortes d'animaux. Le chasseur qui tue un animal est obligé d'en porter la dépouille au soba, qui la lui paie, et elle reste la propriété de la souveraineté. A la porte et aux environs des maisons du chef, on voit toutes les têtes des divers animaux que les chefs ont tués; ils doivent à la postérité cette marque de leur vaillance. Beaucoup ont été presque entièrement détruites par le temps. On prendrait ces défenses d'éléphans plutôt pour des ossemens qui auraient été long-temps enfouis dans la terre, et rongés par les insectes, que pour des tronçons d'ivoire. Tous les chefs ont coutume d'en mettre deux, croisées, devant la porte de leurs habitations, pour signifier qu'ils sont aussi puissans parmi les hommes que ce grand quadrupède parmi les ani

maux.

J'employai trois jours à aller de chez Zala chez le marquis de Pemba, qui est beaucoup plus considérable. Les arbres des forêts que je traversai ne sont pas très grands: ce que j'attribuai à la nature du sol. Je fis sonder, et à quelques pieds je trouvai des rochers. Le terrain, d'ailleurs, est sablonneux et salé. Je vis quelques citronniers près d'un ruisseau; les fruits en étaient bons. Le panda est commun dans ces forêts; son écorce sert, comme partout ailleurs, de plats et d'assiettes aux nègres quand ils voyagent.

Le marquis de Pemba a pris ce titre, parce qu'il a su que nous avions en Europe des nobles qui le portaient; qu'ils étaient de grands personnages, et qu'il dépendait d'un autre chef plus puissant que lui, qui s'était qualifié duc. Tous sont

sujets de Bamba, qui est le ngana ou potentat principal de

toutes ces contrées.

Pemba régit une vaste étendue de pays bien peuplé. Il gouverne despotiquement, fait des incursions sur les terres de ses voisins pour y enlever du monde. Je n'ai pas vu nulle part d'homme plus méchant.

Quand j'arrivai chez ce marquis, il voulut me donner une idée de sa grandeur. A l'entrée de sa banza (ville), deux esclaves, vêtus élégamment, me dirent qu'ils étaient ses pages, et m'annoncèrent que je ne pouvais aller plus avant sans la permission du chef. Je fis camper dans l'endroit où je me trouvais. Bientôt Pemba vint me recevoir, accompagné d'une grande foule de ses nobles et de toute sa maison, précédé de ses musiciens et de tous ses ministres, comme dans les jours de grande cérémonie.

Ma tente était déjà plantée. Je l'y fis entrer et je lui dis de s'asseoir sur un tapis étendu exprès. Cette marque de distinction le rendit tout fier. Je lui fis verser du tafia ainsi qu'à ses nobles; mais ceux-ci me dirent qu'ils ne pouvaient dans les jours d'apparat boire en présence de leur souverain. Il paraît qu'il fut très contrarié de ce que le temps qu'il avait employé à venir chez moi m'avait suffi pour m'établir, car il fit son possible pour m'engager à aller loger dans sa banza. J'étais trop content de n'y pas être; rien n'aurait pu me décider à aller m'y renfermer.

Il retourna chez lui en grand cortége et content de mon présent. La foule ne s'éloigna pas; ces nègres étaient curieux de me voir, et voulaient tâcher d'obtenir quelques verroteries. Ils voyaient avec admiration le corail que j'avais donné à mes porteurs; et lorsqu'ils surent qu'ils pourraient en avoir en échange de poules, d'œufs, en un mot de vivres quelconques, ils coururent à leurs habitations chercher des provisions. Ce fut pour le soba un nouveau sujet de contrariété, parce qu'il voulait s'attribuer exclusivement le profit de me fournir des subsistances.

Cette contrée est brûlante, car elle est peu boisée et située

à l'est d'un désert sur lequel l'air s'échauffe en y passant. Les femmes y sont plus fécondes que dans d'autres pays du Congo.

Elles sont assez petites et mal faites; mais elles aiment beaucoup les ornemens. Elles clignottent continuellement, sont presque toujours chargées de leurs enfans; leur nonchalance est telle qu'elles se laissent souvent incommoder par les mouches, plutôt que de prendre la peine de les chasser. Sales et puantes, elles sont plutôt faites pour inspirer du dégoût que des désirs.

Les hommes sont également paresseux, mais ils ont l'air courageux et sont cruels. Ils se font un jeu de tourmenter les chats sauvages; ils leur enfoncent dans le corps les pointes aiguës d'une énorme épine qui croît dans les forêts, et qui s'attache dans la chair comme un crampon; ensuite ils leur attachent les quatre pates à deux poteaux de ma nière que le derrière pose à terre, et les laissent dans cette posture pendant quatre ou cinq jours, ne leur donnant rien à manger; comme ils ont soin de ne percer avec les épines aucune partie vitale, l'animal meurt plutôt de faim que de ses blessures. Cependant, avant qu'il expire, ces barbares se placent à une distance de cent ou cent vingt pas et lui tirent des flèches; celui qui l'atteint le plus près du cœur a le droit de le manger. Il faut que le sommeil ait un bien grand empire sur les sens; j'ai vu de ces malheureux chats s'endormir profondément pendant leur supplice affreux, et perdre ainsi de temps en temps la sensation de leur souffrance.

Un jour de fête, sans être aperçu, j'entrai dans le temple, où je vis tous les dieux et les mystères renfermés dans un petit coffre autour duquel il y avait beaucoup de cornes d'animaux remplies de diverses substances grasses et d'herbes médicinales; il y avait aussi deux petits tabourets bien travaillés, sur lesquels les prêtres montent ou s'asseyent quand ils veulent rendre un oracle ou répondre aux questions qu'on leur adresse.

Pour aller de chez le marquis de Pemba chez le duc de Quina, à une distance de trente lieues, j'avais à choisir entre me frayer un chemin direct au travers de forêts vierges et de hautes montagnes, ou suivre une route tracée le long du Logé. Je ne voulus pas prendre celle-ci, parce que j'aurais été obligé de passer dans un grand nombre de villages et de bourgs dont les habitans m'auraient importuné et peut-être volé. Je savais par expérience que les chefs de la côte sont plus méchans, plus fourbes et plus avides que ceux de l'intérieur.

Me voilà donc enfoncé avec ma caravane dans des forêts désertes. Le second jour de notre voyage, un de mes porteurs mourut. Je m'arrêtai afin que ses amis lui rendissent les honneurs accoutumés. La nuit qui suivit l'enterrement, j'étais assis au clair de la lune sur un tronc d'arbre à moitié coupé; tout mon monde dormait; le plus profond silence régnait autour de moi; des feux étaient allumés de distance en distance autour du camp: je découvris sept panthères qui, attirées par l'odeur du cadavre, se dirigeaient vers la fosse du nègre; elles commencèrent à creuser la terre; en peu de temps je les vis en tirer le corps, et bientôt les os du crâne craquèrent sous leurs dents. Elles se disputèrent la cervelle avant de manger le reste. Des hyènes attendaient à une certaine distance que les panthères se fussent éloignées. Elles léchèrent d'abord les os du crâne; puis, comme il ne restait que peu de chose des membres, je jugeai qu'elles allaient se précipiter au milieu du camp. Aussitôt je donnai l'alarme, et je leur tirai le premier coup de fusil qui en fit tomber une. Mes nègres, réveillés en sursaut, déchargèrent leurs fusils du même côté, mais les bêtes féroces étaient déjà loin. Avant de me coucher, je posai des sentinelles : il ne fut pas difficile de faire sentir la nécessité de cette mesure, mes porteurs craignaient autant que moi le retour de ces animaux.

DOUVILLE,

Membre de la Société Asiatique, etc.

Album Pittoresque.

MONTAGNES DE LA FRANCHE-COMTE.

Sortir des barrières de Paris, et s'en aller à dix, quinze, vingt lieues, ce n'est pas encore quitter Paris, c'est se traîner dans un faubourg un peu plus éloigné, c'est se jeter dans une autre ville qui ne se nomme plus Paris, mais qui rappelle Paris; qui, dans ses mœurs, dans sa physionomie, s'efforce d'effacer son caractère primitif pour ressembler à Paris; car l'influence de cette ville géante ne peut rester concentrée entre les limites territoriales qui lui sont assignées par ordonnance du roi : il faut qu'autour d'elle elle se répande, il faut que vices et vertus, sciences et ridicules, opinions rétrogrades et systèmes progressifs autour d'elle débordent comme une lave; il faut que tout ce qui l'approche se plie à ses façons, que tout ce qui vit en elle et près d'elle dépouille sa vieille forme pour revêtir sa jeune image, que tout se refonde, que tout se moule selon ses goûts et ses caprices.

Ainsi allez à Dreux, à Sens, à Étampes, à Épernay, vous trouverez là des gens qui étaient assis la veille au PalaisRoyal, qui en ont rapporté la dernière nouvelle politique, la dernière brochure et la dernière mode, des gens qui feraient une maladie s'ils n'assistaient pas à toutes les revues de la garde nationale parisienne, à toutes les fêtes patriotiques que donne la capitale, voire même à tous les bals de l'Opéra, des gens qui veulent que le tailleur de leur rue se

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