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industriel, la conservation d'une instruction élémentaire, de l'esprit de famille, de l'esprit naturel, de la religion et des mœurs. Ce problème cependant était difficile à résoudre; car, par une loi que nous entrevoyons, mais que nous ne pouvons formuler encore, plus le travail rapproche l'homme de la terre, objet de son travail primitif, plus le travail s'applique à satisfaire à des besoins de première et indispensable nécessité, plus il moralise l'homme qui s'y livre : plus, au contraire, le travail s'éloigne de cet objet primordial, plus il s'attache à créer et à rouvrir les besoins de luxe et de caprice; plus l'homme qui s'y adonne a de tendance à la perte des saines habitudes et à l'altération des mœurs. C'est là une de ces lois profondes et mystérieuses que l'observateur doit présenter au philosophe, et dont le législateur doit rechercher le sens au profit de l'humanité.

Cette question, messieurs, semble donc réunir toutes les conditions que vous demandez.

Elle est générale, car elle embrasse uu intérêt commun à toutes les nations civilisées. Elle est locale, car la France, que le mouvement de la civilisation a élevée une des premières à l'ère industrielle, réclame avec urgence l'attention des esprits penseurs sur cette forme nouvelle de son existence.

Elle est actuelle, car des symptômes pénibles ou inquiétans se manifestent de toutes parts dans cette région du corps social.

Elle est utile, vous le sentez tous; mais je dis trop peu : elle est nécessaire; car si la solution de cette question vitale n'est pas promptement trouvée par la réflexion, et formulée par la législation et les mœurs, la corruption des mœurs, cette lèpre des temps modernes, atteindra les parties les plus larges de vos populations, et menacera notre belle civilisation même de décadence et de langueur.

J'ai donc l'honneur de présenter cette question à l'appréciation éclairée de votre commission; et, si elle la juge digne du choix de l'Académie, je vous proposerai la rédaction suivante :

T. I.

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« Déterminer les principales causes qui rendent les poa pulations manufacturières généralement moins heureuses. « et moins morales que les populations agricoles, et pré<< senter les principaux moyens de rendre le travail indus<< triel aussi favorable que le travail agricole à l'esprit de « famille, au bonheur et à la moralité des classes qui s'y « livrent.

« Mâcon, le 5 mars 18 1832.

ALPHONSE DE Lamartine. »

La société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Mâcon a adopté, pour sujet de son concours de l'année 1832, la question proposée par M. Lamartine.

Le prix sera une médaille d'or de la valeur de 300 fr.

Les Mémoires devront être adressés, franc de port, à M. le secrétaire perpétuel de la société, et lui être parvenus le 30 octobre 1832, au plus tard.

SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DU PUY.
(HAUTE-LOIRE.)

A 130 lieues sud de Paris, et un peu à l'est de son méridien, par-delà tous les puys de l'Auvergne, est pittoresquement assise, sur le versant méridional d'une montagne, une ville de 15,000 ames, fort peu connue, fort peu bruyante, fort peu visitée par les voyageurs; mais qui a l'honneur d'être le chef-lieu d'un département que le thermométrique appréciateur des lumières locales de la France a bien voulu décorer d'une teinte aussi noire que la robe d'un prêtre.

Tranquillement retranchée derrière sa triple enceinte de montagnes, à une vingtaine de lieues horriblement longues, escarpées, arides, mortelles, des villes de Lyon et de Cler

mont, sur aucune grande route ou direction principale, la ville du Puy semble être naturellement et soigneusement en garde contre toute espèce d'idée nouvelle, d'amélioration utile, de progrès industriel. Au luxe près de la toilette des femmes, luxe sans doute instinctif chez elles, la civilisation, lourdement cahotée par les tombereaux informes où force lui a été de s'emballer, y débarque presque toujours essoufflée, souffrante, méconnue, puis glacée comme une fleur exotique transplantée sur une terre ingrate. Longtemps elle n'a pu germer sur le sol aride du département; aujourd'hui enfin, malgré l'indolence, malgré l'apathie générale des habitans, favorisée par les efforts éclairés et longtemps soutenus de quelques hommes ardemment dévoués au bien-être de leur pays, elle commence à y pousser quelques jets faibles encore, mais que la Société Académique du Puy tend à fortifier de jour en jour.

Car il existe au Puy une société qui compte à sa tête des hommes d'un grand mérite, et à laquelle je viens aujourd'hui consacrer quelques mots d'éloge.

Ainsi donc, sans parler ni de l'aspect pittoresque, bizarre de la ville du Puy, ni de l'immense rocher qui la couronne comme un diadême, ni de la forme et de l'élévation de ceux qui l'avoisinent, des jolis vallons qui serpentent autour de sa base, où coulent des eaux claires, limpides comme du cristal, de l'écharpe de neige qui, pendant la moitié de l'année, se développe inégalement autour d'elle, de ses débris volcaniques, des cascades environnantes, des bastides sans nombre suspendues avec le pampre au rideau de collines qui l'enveloppe; sans parler ni de son histoire, ni de ses monumens, ni des mœurs tant soit peu surannées de ses habitans, ni de ses rues étroites et souvent ténébreuses, pour ne pas dire davantage; ni de ses femmes, ni de tant d'autres choses fort intéressantes sans doute, je me contenterai aujourd'hui, pour satisfaire au désir du directeur de la France Littéraire, de dire quelques mots bien succincts sur la Société du Puy.

Si jamais société fut fondée dans un but utile, c'est sans doute celle qui, formée au sein d'un département dont le sol est généralement ingrat, dont toutes les communications sont difficiles, et les habitans apathiques et coutumiers, s'impose la mission d'indiquer à son pays tous les moyens possibles d'amélioration rurale et industrielle, et d'y propager le goût des sciences, des arts et des lettres.

Créée il y a quelques années, sous les auspices de M. Bastard de l'Étang, alors préfet de la Haute-Loire, cette société grandit et se développa bientôt par les soins, par les efforts de MM. Bertrand de Doue, Ruelle, Lalande, Déribier de Cheissac, surtout par le zèle éclairé et le dévouement patriotique de M. de Becdelièvre. Des académiciens, des savans, des littérateurs distingués vinrent l'encourager en s'associant à elle comme membres correspondans; et tandis qu'elle s'enrichissait chaque jour de tableaux, de statues, de collections précieuses en minéralogie, en zoologie, en médailles et fragmens antiques, ses membres les plus distingués travaillaient à l'honorer par d'importantes recherches sur la géologie, l'archéologie et la statistique du département.

Bientôt de nouveaux membres sont venus décorer du fruit de leurs travaux les annales de la société; MM. les docteurs Richond et Borie, qui savent unir le goût de la littérature à l'étude des sciences médicales, les ont enrichies de Mémoires relatifs à leur art; M. Pomier, de quelques rapports lumineux, d'un style clair, facile et correct; M. Ruelle, de judicieuses observations sur des questions de statistique; M. Marcel Duvillars, de ses recherches sur la botanique; et MM. Bertrand de Doue et Déribier de Cheissac, ont continué à y déposer leurs découvertes sur la géologie locale.

Tant d'efforts ont produit quelques résultats heureux : les cultures indigènes se sont insensiblement perfectionnées; de nouveaux systèmes d'engrais, de défoncement, se sont introduits çà et là; le mélèze et le mûrier se sont im

plantés avec succès sur quelques points du sol; et les charrues à la Domballe sont en route pour traverser nos moutagnes; enfin quelques éclairs d'industrie générale sont venus sillonner la coutumière indolence des habitans.

Mais que cette société, qui a déjà fait tant de bien, ne se repose pas un instant; qu'elle lutte constamment contre les difficultés physiques et morales d'un pays où tout tend à la stagnation; qu'elle ne cesse de lui montrer et ses intérêts, et son avenir au milieu d'un peuple où la civilisation, où l'industrie, qui donnent le bonheur matériel de la vie, s'avancent à pas de géant.

Aujourd'hui surtout que toutes les sociétés académiques de France commencent à rivaliser de gloire, et par les services qu'elles rendent sans cesse à leur pays, et par les productions scientifiques et littéraires de leurs membres, il faut que la nôtre redouble d'efforts. Elle n'aura que plus de mérite à marcher leur égale. Que les talens qu'elle compte dans son sein (et certes elle en possède) se réveillent, s'échauffent, se raniment; qu'ils ne se concentrent pas dans les étroites vallées qu'arrosent la Borne et le Dolaizon; qu'ils disent à la France: « Et nous aussi, nous pensons, « nous travaillons à ta gloire! nous travaillons au grand « œuvre du développement de l'esprit humain. La neige qui couronne nos montagnes ne nous a glacé ni l'esprit << ni le cœur; et si le sol que nous foulons est aride, il fut « volcanisé ! »

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Les anciens appelaient les Belles-Lettres du beau nom d'humanités, sans doute parce qu'elles étendent l'esprit et le portent au bien. En cultivant les lettres, la Société sera encore utile au pays dont elle veut le bien-être ; elle y ramèelle y réchauffera le goût de la littérature. Si la modeste étendue de ses Annales ne suffit pas aux inspirations, aux productions scientifiques et littéraires de ses membres, eh bien! d'autres recueils leur sont ouverts: la France Littéraire leur fait un noble appel.

nera,

Puisse être entendue par la Société du Puy la voix bien

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