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thropophages sauvages et nus, dans le Nouveau-Monde, en Amérique, vérifié par sa propre expérience.

Dirons-nous un mot du crédule Vincent-le-Blanc, d'Alphonse-le-Xaintongeois? c'est surtout en Orient que les emporte leur goût pour les aventures, et ils prolongent, dans le xvie siècle, l'âge où les voyageurs trouvaient le monde des fées aussitôt qu'ils avaient dépassé le sol de la France.

Après tous ces auteurs de relations peu répandues maintenant, et cependant si dignes d'attention, on voit paraître Claude d'Abbeville, qui va convertir les Tupinambas dans l'ile de Maranham; il est encore du XVIe siècle, et touche au xvie; il peut commencer cette série de missionnaires voyageurs, qu'on va voir s'élancer à la conquête des ames, comme d'autres allaient à la conquête de richesses. L'enthousiasme religieux qui anime ces bons pères leur révèle un nouveau genre de poésie: ils associent continuellement l'idée de Dieu aux merveilles qu'ils contemplent; étonnés quelquefois de la grandeur d'ame des sauvages, ils voient encore dans leur éloquence une révélation divine, ils racontent les discours qu'ils ont entendus, sans trop les altérer; TiteLive, comme c'était l'usage, ne passe plus tout entier dans les péroraisons de leurs guerriers, et au sein des forêts vierges s'élève une poésie religieuse qui a quelque chose de la virginité de la nature.

Ces moines français, qui vont recueillir des paroles naïves ou des émotions nouvelles en échange de leurs grandes pensées, sont plus nombreux que ceux des autres nations; et, tandis que les espagnols font encore des conquêtes sanglantes, ils font des conquêtes de pure intelligence, qui se remontreront, après deux siècles, dans les créations de ces poètes voyageurs

dont les chants ont été une hymne sublime inspirée par les scènes les plus imposantes d'une nature étrangère.

On est tenté de le dire: si ces moines simples dans leurs récits, mais tout naturellement grands écrivains, eussent été lus davantage en leur temps, la poésie descriptive, au XVIIe siècle, en eût été modifiée; mais ces poètes méconnus disaient alors un chant solitaire, échappé des forêts, répété dans le cloître, perdu pour le monde, et que l'on n'a compris qu'au XIXe siècle.

Nous terminerons ici cette grande période des voyageurs primitifs, qui, malgré leurs préjugés et leurs observations bizarres et incomplètes, ont tant fait pour la poésie et pour l'histoire. C'est surtout en se rappelant leur ardeur infatigable, qu'il faut leur appliquer cet adage du créateur de la science nouvelle : « La curiosité, fille de l'ignorance, est mère de la science. » FERDINAND DENIS.

DES

ARABES BÉDOUINS.

FRAGMENS 1.

On sait que le mahométisme est la religion des Arabes Bédouins; mais son influence morale sur les mœurs de ces enfans du désert se réduit à bien peu de

• Extrait des derniers Voyages de Burckhardt, dans le Levant.

chose, et à peine trouverait-on chez eux quelque trace du culte musulman, si leur soumission aux Wahhabites n'avait introduit dans un grand nombre de tribus une sorte de réforme religieuse.

Jusqu'à il y a peu d'années, dit M. Burckhardt, il n'y avait parmi les Bédouins aucuns prêtres, soit moullas, soit imans; mais depuis leur conversion à la doctrine des Wahhabites, quelques schéikhs ont introduit chez eux des moullas, et l'un de ces moullas a appris à écrire à leurs enfans. Les Anézés (grande tribu divisée en une multitude de branches, qui habite dans le voisinage de la Syrie, jusqu'à l'Euphrate, et dont une partie réside dans le Nedjd et les contrées nord de l'Arabie), s'acquittent exactement des prières journalières; mais il n'y a pas chez eux de khotba les vendredis. Ils observent scrupuleusement le jeûne du ramadhan, et même dans leurs marches, au plus fort de l'été, il n'y a que la crainte de la mort qui puisse les déterminer à rompre le jeûne. Il n'y a que trois choses dont les Bédouins se croient l'attouchement interdit; ces objets haram ou prohibés sont le porc, les corps morts et le sang. Ils mangent indifféremment toute sorte de gibier. Au jour du korban ( le grand beiram des Turcs), jour où se fait le sacrifice solennel sur le mont Arafat, chaque famille arabe tue autant de chameaux qu'elle a perdu de ses membres adultes par la mort dans le cours de l'année, soit hommes, soit femmes. Quand une personne n'aurait laissé en mourant à son héritier qu'un seul chameau, ce chameau est égorgé; et si elle n'en a laissé aucun, ses parens tuent un de leurs propres chameaux. On peut substituer sept moutons à la place d'un chameau, s'il arrive qu'au jour du korban qui suit le décès, on ne puisse pas se procurer

le nombre complet des moutons nécessaires, on doit suppléer l'année suivante à ce qui a manqué pour compléter ce nombre. Ainsi, parmi les tribus arabes, le korban est toujours un jour de grande réjouissance.

A la mort d'un Arabe, son corps est mis en terre immédiatement, sans aucune cérémonie. Lorsque Soléiman, le frère aîné du fameux chef des Anézés, IbnEsméir mourut, son corps fut chargé sur un chameau et confié à un fellah (ou paysan) pour qu'il l'enterråt : le corps ne fut accompagné par personne, pas même par le frère du défunt. Si le campement dans lequel un Arabe vient à mourir est voisin d'un village tombé en ruines, comme il y en a grand nombre dans le désert, à cinq ou six lieues à l'est de la Syrie, le corps est enterré dans les ruines; on l'enterre dans la plaine s'il n'y a point de village ruiné dans le voisinage; et en ce cas, un tas de pierres amassées sur la sépulture sert à l'indiquer au voyageur et à préserver le cadavre de la voracité des bêtes sauvages. A la mort d'un père, les enfans des deux sexes, en signe de leur douleur, coupent leurs kérouns ou tresses de cheveux. (Ce sont de longues tresses qui tombent sur les joues et descendent jusqu'à la poitrine). Au moment de la mort d'un homme, des cris lamentables (wéloulou) sont jetés tout à la fois par ses femmes, ses filles et ses proches parentes, et répétés à plusieurs reprises. Si le défunt ne laisse pas d'héritier mâle, tout ce qu'il possédait passe à une autre famille; ou si l'héritier étant mineur va vivre avec un oncle ou un autre parent, les poteaux qui soutiennent la tente qu'habitait le défunt sont arrachés à l'instant même où il vient de rendre le dernier soupir, et la tente est abattue.

« Ce n'est que depuis leur conversion au wahha

bisme que les Anézés ont commencé à s'acquitter régulièrement de la prière, parce qu'ils savent que le chef des Wahhabites ne manque pas de punir ceux qui négligent cette pratique. »

Ici l'auteur entre, relativement aux dogmes et aux pratiques religieuses des Wahhabites, dans une discussion que j'omets à dessein, parce qu'elle trouvera mieux sa place ailleurs. Il parle ensuite de la manière dont les Wahhabites exigent, des Arabes convertis à leur secte, le paiement de la dime ou aumône légale, nommée zecawah ou zécál, et du service militaire auquel leur chef assujétit ceux qui tiennent de lui des terres par une sorte de tenure féodale; puis il termine :

« Il est presque impossible de retenir ces peuplades sauvages dans une sujétion parfaite; elles sont toujours prêtes à secouer le joug. Depuis plusieurs années, les Anézés du Nord n'ont payé aucun tribut. Tous les Anézés que j'ai rencontrés dans mon voyage à travers le désert étaient en état de révolte; ils entretiennent cependant encore une sorte de bonne intelligence avec les Wahhabites. Leurs chefs s'abstiennent de tabac (substance dont l'usage est interdit par les préceptes de cette secte), et ils font profession de la croyance des Wahhabites; mais le peuple se met peu en peine de la nouvelle doctrine. Les gens du commun chantent et fument, quoique d'ailleurs ils ne nomment jamais Ibn-Saoud (chef de cette secte) qu'avec des marques de respect.

« Les Bédouins sont bien plus gouvernés par les mœurs et les anciennes coutumes que le temps a consacrées, que par les lois. L'autorité des schéikhs, dans chaque tribu ou chaque campement, est plutôt une sorte d'influence qui tire sa force d'un sentiment

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