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LITTÉRAIRE.

ANNÉE M. DCC. LXXVII.

Par M. l'AbbéGROSIER & M. FRÉRON.
Parcere perfonis, dicere de vitiis. MART.
TOME TROISIÈME.

A PARIS,

Chez MÉRIGOT le jeune, Libraire,
Quai des Augustins, au coin de la
rue Pavée.

M. DCC. LXXVII.

A

HARWARS COLLEGE LIBRARAS

IMONEAZAM-FUND

na zo leză

L'ANNÉE

LITTÉR A IR E.

LETTRE I.

Tragédies de Sophocle, traduites par M. Dupuy, de l'Académie royale des Infcriptions & Belles-Lettres. A Paris, chez Barrois le jeune, Quai des Aur guftins.

LE

E Libraire qui vient d'acquérir cet ouvrage le fait annoncer dans tous les écrits périodiques, comme un livre nouveau, quoique le frontifpice feul le foit: cependant, comme on n'en fit point, à ce que je crois, mention lorfqu'il parut, j'ai cru qu'il ne feroit pas inutile de vous en parler aujourd'hui. Si une production ancienne n'offre rien de piquant à votre curio fité, peut-être trouverez-vous un dédommagement dans les réflexions fur l'art dramatique qu'une traduction

de Sophocle femble amener naturelle.ment. La décadence actuelle de notre théâtre, nous avertit de jetter les yeux fur les Grecs, nos modèles & nos maîtres; leurs exemples, aujourd'hui trop oubliés, peuvent feuls rappeller nos jeunes Poëtes à un goût plus fain & à de meilleurs principes, On peut regarder les tragédies Grecques comme une excellente critique des défauts monftrueux qui défigurent notre fcène. Quand on voit dans les pièces de Sophocle un plan régulier, ine action fimple, une intrigue conduite avec art, & qui ne fe foutient que par le jeu des paffions, des caractères vrais, des fituations naturelles & qui naiffent du fonds du fujet, quelle idée doit-on fe former de ces Romans dramatiques, où tout eft gigantefque & outré, où l'on accumule, aux dépens du bon fens & de la vraisemblance ? une foule d'incidens abfurdes, qui prouvent bien moins la fécondité de l'auteur que l'impuiffance de fon art & la foibleffe de fon génie ?

Un des plus célèbres tragiques de ce fiècle a décidé que le théâtre de Paris étoit bien fupérieur à celui

d'Athènes, & que les Sophocles & les Euripides, malgré tout leur génie, avoient écrit dans l'enfance de l'art: fon zèle pour l'honneur de fa patrie, lui a, fans doute, fait illufion; ou plutôt, il n'avoit pas les lumières néceffaires pour juger une pareille caufe. Si Sophocle & Euripide lui eusfent été auffi familiers que Corneille & Racine, il n'eût pas prononcé fi légè rement. Il eft extrèmement difficile, pour ne pas dire impoffible de déterminer lequel de ces deux théâtres mérite la préférence, il faudroit décider auparavant fi les mœurs & le goût des Athéniens font préférables aux mœurs & au goût des François; on compare très-bien la fculpture ancienne avec la moderne, parce que

le goût étant guidé par les yeux, eft plus sûr dans fes jugemens, ou plutôt parce que la perfection de la fculpture étant uniquement fondée fur l'imitation de la belle nature, n'admet point d'agrémens arbitraires; le corps d'un athlète Grec feroit encore admiré aujourd'hui à Paris, parce que les belles proportions du corps humain

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