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» Mais ce feu merveilleux, propice à Lavinie,

» D'un vaste embrasement menace l'Ausonie, »
Latinus s'épouvante; au temple paternel
Il vole du dieu Faune interroger l'autel,
Perce la sombre nuit de l'antique Albunée
Qu'entoure un noir marais d'une onde empoisonnée,
Et dont les flots sacrés, épanchés en torrens,
Font retentir des bois aussi vieux que le temps.
Là, cent peuples divers, cent nations lointaines
Viennent chercher du sort les réponses certaines;
Là, quand le prêtre aux dieux a présenté ses dons,
Et des béliers sacrés arraché les toisons,

Quand son corps assoupi presse leurs peaux sanglantes,.
Il voit dans son sommeil mille formes errantes,
Il écoute leurs voix, commerce avec les dieux,
Interroge l'enfer, et fait parler les cieux.
Le roi pénètre au sein de ces forêts antiques,
Presse pendant la nuit les toisons prophétiques,
Attend l'auguste oracle, et soudain une voix
Arrive jusqu'à lui du silence des bois:

«

Mon fils, chez les Latins ne choisis point un gendre;

» Un étranger viendra (ton sort est de l'attendre,)

O mea progenies, thalamis neu crede paratis :
Externi veniunt generi, qui sanguine nostrum
Nomen in astra ferant, quorumque ab stirpe nepotes
Omnia sub pedibus, quà sol utrumque recurrens
Adspicit oceanum, vertique regique videbunt.
Hæc responsa patris Fauni, monitusque silenti-
Nocte datos, non ipse suo premit ore Latinus;
Sed circum latè volitans jam fama per urbes
Ausonias tulerat, quum Laomedontia pubes
Gramineo ripa religavit ab aggere classem.

Æneas, primique duces, et pulcher Iulus,
Corpora sub ramis deponunt arboris altæ,
Instituuntque dapes, et adorea liba per
herbam
Subjiciunt epulis (sic Jupiter ille monebat),
Et cereale solum pomis agrestibus augent.
Consumptis hîc fortè aliis, ut vertere morsus
Exiguam in cererem penuria adegit edendi,
Et violare manu malisque audacibus orbem

» Qui par ses nobles faits, son bras victorieux,

» Portera jusqu'au ciel notre nom glorieux,

>> Dont les fiers descendans vaincront plus de contrées Que l'astre étincelant des voûtes azurées

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» N'en découvre sous lui, quand du trône des airs >>> Il embrasse les cieux, les pôles et les mers.» Le roi ne cache point la fatale réponse; Déjà la Renommée à cent peuples l'annonce, Tandis que les Troyens, vainqueurs heureux des eaux, Au rivage du Tibre enchaînent leurs vaisseaux.

Dans le lieu le plus frais d'une riche campagne, Le héros et ses chefs, et le charmant Ascagne, Sur la verdure assis, de verdure couverts, Réparent par des mets les fatigues des mers. Ces mets ne chargent point une table superbe : Des gâteaux de froment qu'ils étendent sur l'herbe, (Ainsi s'accomplissoient les arrêts du Destin) Font entr'eux sans apprêts un champêtre festin; Des tributs des vergers leur coupe se couronne, Et Cérès sert de table aux présens de Pamone.

Fatalis crusti, patulis nec parcere quadris:

Heus! etiam mensas consumimus ! inquit Iulus.
Nec plura alludens. Ea vox audita laborum
Prima tulit finem, primamque loquentis ab ore
Eripuit pater, ac stupefactus numine pressit.
Continuò: Salve, fatis mihi debita tellus ;

;

Vosque, ait, o fidi Troja, salvete, Penates.

Hic domus, hæc patria est. Genitor mihi talia, namque
Nunc repeto, Anchises fatorum arcana reliquit :
Quum te, nate, fames ignota ad littora vectum
Accisis coget dapibus consumere mensas,
Tum sperare domos defessus, ibique memento
Prima locare manu molirique aggere tecta.
Hæc erat illa fames; hæc nos suprema manebat,
Exitiis positura modum.

Quare agite, et primo læti cum lumine solis

Quæ loca, quive habeant homines, ubi mania gentis, Vestigemus, et a portu diversa petamus.

Tous les mets épuisés, de ce fatal froment
Leur dent audacieuse attaque l'aliment,
Et leur faim s'accordant avec l'ordre céleste
Des débris de Cérès a dévoré le reste.

Ascagne, à cet aspect, dans un transport soudain :
«Eh quoi! la table aussi devient notre festin! »
S'écria-t-il. Ces mots, qu'on eût jugés frivoles,
Le héros les saisit ; et ces douces paroles

Sont

pour lui le signal de la fin de leurs maux. Rempli du dieu par qui sont inspirés ces mots, << Salut, s'écria-t-il, terre long-temps promise! »Salut, dieu des Troyens! Plus d'une fois Anchise » (J'en avois jusqu'ici perdu le souvenir) >> M'annonça comme un bien ce malheur à venir. » Mon fils, me disoit-il, si`la faim indomptable >> Un jour en aliment te fait changer ta table, » Dans ce même moment et dans ces mêmes lieux » De ton premier abri fais hommage à tes dieux : Là, de ton sort cruel finira la détresse.

» Aiusi parloit Anchise ; il me tient sa promesse. » Oui, je les trouve enfin ces lieux hospitaliers! Voilà notre patrie, et voilà nos foyers.

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