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D'abord, de troncs fendus, de rameaux sans verdure,

Ils dressent du bûcher l'immense architecture;

Et, du triste édifice entourant les apprêts,
En cercle sont penchés de lugubres cyprès :
Au-dessus, du héros on a placé les armes.

Pour en baigner ce corps, digne objet de leurs larmes,
Les uns versent les flots bouillonnant dans l'airain
Et de riches parfums s'épanchent de leur main.
On gémit, on le met sur le lit funéraire,
De ses restes chéris triste dépositaire;
On étend au-dessus des habits précieux :
Celui qui les portoit les rend chers à leurs yeux.
D'autres, le regard morne et l'ame désolée,
Triste et lugubre emploi, portent le mausolée,
Suivent l'usage antique; et, tremblant d'approcher,
En détournant les yeux allument le bûcher.
L'encens, l'huile, les mets, les offrandes pieuses
Que jettent dans le feu leurs mains religieuses,
Brûlent avec le corps;
des parfums onctueux
Arrosent ls débris qu'épargnèrent les feux;
La douleur les confie à l'urne sépulcrale;
Le rameau de la paix répand l'onde lustrale.

At pius Æneas ingenti mole sepulcrum

Imponit, suaque arma viro, remumque, tubamque,

Monte sub aërio, qui nunc Misenus ab illo
Dicitur, æternumque tenet per sæcula nomen.

His actis, properè exsequitur præcepta Sibyllæ.
Spelunca alta fuit, vastoque immanis hiatu,
Scrupea, tuta lacu nigro nemorumque tenebris,
Quam super haud ullæ poterant impune volantes
Tendere iter pennis, talis sese halitus atris
Faucibus effundens supera ad convexa ferebat;
[Unde locum Graii dixerunt nomine Aornon.]
Quatuor hic primùm nigrantes terga juvencos
Constituit, frontique invergit vina sacerdos :

Et summas carpens media inter cornua setas,
Ignibus imponit sacris, libamina prima,

Voce vocans Hecaten, cœloque Ereboque potenten
Supponunt alii cultros, tepidumque cruorem

On pleure encor Misène, on l'appelle trois fois,
Et les derniers adieux attendrissent leur voix.
Énée à cet honneur en joint un plus durable:
Sur un mont il élève un trophée honorable,
Y place de sa main la lance et le clairon ;
Et ces bords, ô Misène! ont conservé lon nom.

Mais il est d'autres soins qu'exige la prêtresse;
En un lieu sombre où règne une morne tristesse,
Sous d'énormes rochers, un antre ténébreux
Ouvre une bouche immense : autour, des bois affreux,
Les eaux d'un lac noirâtre, en défendent la route :
L'œil plonge avec effroi sous sa profonde voûte.
De ce gouffre infernal l'impure exhalaison
Dans l'air atteint l'oiseau frappé de son poison,
Et de là, par les Grecs il fut nommé l'Averne.
Avant d'affronter son horrible caverne,
que

La prêtresse d'abord, sous les couteaux sanglans,
De quatre taureaux noirs a déchiré les flancs,
Les baigne d'un vin pur, et, pour premier hommage,
Brûle un poil arraché de leur tète sauvage,
L'offre à la déité qui, du trône des airs,
Étend son double empire au gouffre des enfers.

Suscipiunt pateris. Ipse atri velleris agnam
Æneas matri Eumenidum, magnæque sorori,
Ense ferit; sterilemque tibi, Proserpina, vaccam.
Tum Stygio regi nocturnas inchoat aras,
Et solida imponit taurorum viscera flammis,
Pingue super oleum infundens ardentibus extis."

Ecce autem, primi sub lumina solis et ortus, Sub pedibus mugire solum, et juga cœpta moveri Silvarum, visæque canes ululare per umbram, Adventante deâ. Procul, o, procul este, profani, Conclamat vates, totoque absistite luco.

D'autres frappent du fer les victimes mourantes,

Et reçoivent leur sang dans des coupes fumantes.
Un glaive au même instant, dans les mains du héros,
A la terre, à la nuit, vieux enfans du chaos,
Immole une brebis dont la couleur rappelle
La noire obscurité de la nuit éternelle.
La fille de Cérès, Proserpine à son tour,
Stérile déité d'un sterile séjour,

En hommage reçoit une vache inféconde.
Puis il consacre au roi de ce lugubre monde
L'offrande funéraire et ces tristes autels

Que dans l'ombre des nuits invoquent les mortels.
Lui-même il abandonne aux flammes dévorantes
Des taureaux égorgés les entrailles sanglantes.
Vulcain en fait sa proie, et du gras olivier
L'onctueuse liqueur arrose le brasier.

Voilà qu'au jour naissant mugissent les campagnes ;
La cime des forêts tremble au front des montagnes;
La terre éprouve au loin d'affreux ébranlemens,
Et les chiens frappent l'air de leurs longs hurlemens.
Soudain à son approche ont tressailli les mânes :
« Loin de ce bois sacré, loin de mes yeux, profanes!

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