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& d'un coup de massuc. » Les circonstances de cet évènement rapportées par Denys d'Halicarnasse sont à peu près les mêmes.

. Virgile a ajouté que Cacus étoit fils de Vulcain, et cette idée s'accorde parfaitement avec les anciennes traditions qui représentent le territoire de Rome comme ayant été autrefois le siège d'un volcan. Le petit bourg d'Aricia, dit M. Petit-Radel, se trouve situé sur un écoulement de laves sorties du cratère voisin à des époques très-reculées. La mémoire de ces éruptions s'est entretenue par une suite de phénomènes considérés comme prodigieux, et que les pontifes avoient consignés dans les annales publiques. Les dernières s'étoient manifestées au sommet du mont Albain, cinq ans avant la naissance de Cicéron. Le père Kircher rapporte plusieurs inscriptions très-anciennes, par lesquelles les premiers Romains rendoient grâces aux dieux qui les avoient délivrés de ce fléau destructeur. On lisoit sur une colonne, A Vulcain tranquille; sur une autre, Au repos desirable de la mère des cites. Ainsi cette ville, où devoient se forger les foudres de Mars et les fers des nations soumises, avoit été bâtie sur un sol de toutes parts ébranlé. Le peuple romain, si long-temps agité par des dissensions civiles, fouloit les cendres des volcans; le Capitole, les monumens élevés à la Victoire, les routes consulaires, étoient formés de matières vomies de l'antre de Cacus, fils de Vulcain.

Au reste, si les historiens diffèrent sur quelques cir constances de la mort de Cacus, tous les gens de goût - s'accordent à dire que cet épisode est le chef-d'oeuvre le plus parfait de la narration poétique : il est difficile de trouver un morceau plus fini pour la versification. On y admire à la fois la fécondité des expressions, l'harmonie du style, la vivacité des images. Le poëte fait voir tout à la fois dans ce tableau rapide l'antre odieux de Cacus, le combat d'Hercule, la crainte, les efforts du fils de Vulcain, les nuages de flamme et de fumée exhalés de sa poitrine, le réceptacle de ses brigandages, ses regards étincelans, sa chute, et son cadavre difforme. Le père Catrou étoit si frappé de la beauté de cet épisode, et surtout de la rapidité du récit, qu'il s'étonnoit de le trouver dans la bouche du vieil Évandre, dont l'imagination devoit être plus lente. Racine, dans le récit de Théramène, a cherché à imiter la perfection de l'épisode latin; il doit même à ce passage de Virgile un de ses plus beaux

vers:

Le flot qui l'apporta recule épouvante

qui est traduit littéralement de ces mots,refluitque exterritus amnis. Racine empruntoit ainsi de Virgile, comme Virgile empruntoit d'Homère. Le poëte grec dans le vingtième livre de l'Iliade peint l'effroi de Pluton, à la suite d'une secousse qu'a donnée à la terre un coup du trident de Neptune: Virgile a profité de cette idée, mais

il se l'est appropriée en la prenant pour sujet d'une comparaison, tandis qu'Homère la met en récit.

Ovide dans ses Fastes a raconté la mort de Cacus: il sera piquant de comparer les deux morceaux. Virgile décrit ainsi la caverne :

Hic spelunca fuit, vasto submota recessu,
Semihominis Caci facies quam dira tenebat,
Solis inaccessam radiis; semperque recenti
Cæde tepebat humus; foribusque affixa superbis
Ora virum tristi pendebant pallida tabo.

Voici les vers d'Ovide:

Dira viro facies, vires pro corpore, corpus
Grande; pater monstri Mulciber hujus erat.
Proque domo longis spelunca recessibus, ingens,
Abdita, vix ipsis invenienda feris.

Ora super postes, affixaque brachia pendent;
Squalidaque humanis ossibus albet humus.

Ces vers d'Ovide sont élégans et faciles, mais ils n'ont point la force et l'energie de ceux de Virgile: les deux premiers ne donnent qu'une foible idée du monstre que le poëte veut dépeindre; le troisième est beaucoup plus expressif; ce mot ingens, placé à la fin du vers, et le mot abdita renvoyé au vers suivant, produisent un heureux effet. L'idée que le poëte ajoute à ce tableau est ingénicuse, mais ses couleurs manquent de vigueur et de force. Dans Ovide, c'est un antre que les bêtes sauvages peuvent à peine découvrir; dans Virgile, la figure épou

vantable du monstre défend l'entrée de la caverne aux rayons même du jour. Ovide, dans la seconde partie de sa description, montre la terre qui blanchit sous les ossemens humains, et les têtes et les bras des victimes qui pendent à la porte de la caverne : ces images n'offrent rien de comparable à ces mots, semperque recenti cæde tepebat humus, la terre fumoit sans cesse du meurtre qu'il venoit de commettre, qu'il commettoit chaque jour : la seule épithète de recenti caractérise l'homme de génie ; l'épithète de superbis n'est pas moins belle, et peint très-bien la férocité de Cacus. En général, Ovide reste bien loin de son modèle; le mètre qu'il emploie n'a pas d'ailleurs la noblesse nécessaire pour de si grands tableaux. Nous laissons aux professeurs le soin d'achever cette comparaison, et de faire remarquer en détail les beautés sans nombre que Virgile s'est plu à rassembler dans son épisode.

Hinc ad Tarpeiam sedem et Capitolia ducit,

Aurea

nunc, olim silvestribus horrida dumis. Jam tum relligio pavidos terrebat agrestes, etc.

On ne peut rien concevoir, dit un commentateur, de plus sublime que l'image exprimée dans ces vers. La montagne sur laquelle doit être un jour bâti le Capitole est déjà, dans ces temps reculés, remplie d'une religicuse horreur; les Arcadiens la regardent déjà comme le séjour d'une divinité ; ils croient y avoir vu Jupiter luimême descendant au milieu des foudres et des nuages,

et agitant sa noire égide, nigrantem ægida. Quelques savans ont remarqué à ce sujet que la religion des Païens pouvoit bien n'être qu'une imitation corrompue de la religion des Juifs. « En effet, dit le docteur Trapp, le

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Jupiter des Païens avoit choisi une montagne pour son » séjour, comme le dieu de l'écriture. » Le Seigneur, d'après le Psalmite, avoit choisi Sion pour sa demeure; le Seigneur se plaît à habiter la montagne de Sion. Pline nous apprend que les Romains se figuroient Jupiter présent au Capitole, et se montrant dans toute sa gloire comme dans le plus haut des cieux.

La foudre et les nuages à travers lesquels Virgile fait ici paroître Jupiter donnent une véritable idée de la majesté divine: ces images sont souvent répétées dans l'écriture, et elles y donnent partout l'idée la plus sublime du vrai Dieu. Moïse, en racontant l'apparition de Dieu sur le mont Oreb, dit que la montagne lança des feux jusque dans le milieu du ciel, qu'elle fut environnée de nuages et de profondes ténèbres. La description du Psalmiste a quelque chose encore de plus sublime : « La terre » trembla, les fondemens mêmes des montagnes s'ébran» lèrent. Les cieux s'abaissèrent; le Seigneur descendit » sur la terre, et des ténèbres épaisses étoient sous ses » pieds. Il s'élevoit au-dessus des chérubins, et voloit sur » les ailes des vents. L'obscurité étoit son sanctuaire ; un '» pavillon étoit élevé autour de lui, et des nuages cou>> vroient sa face.">

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