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Gaulois. Cela peut être vrai, mais il ne faut pas oublier que le but principal de Virgile étoit de parler de la bataille d'Actium ; après avoir peint l'enfance héroïque du peuple romain, il passe tout à coup à l'époque de la plus grande splendeur de l'empire, et il semble réserver tous les efforts de son génie, pour décrire le combat qui dé– cida et commença le règne d'Octave. On a dit que Virgile avoit cherché à louer Auguste dans le personnage d'Énée; mais il faut avouer qu'Auguste prête ici un nouvel éclat au héros troyen : quoi de plus propre en effet à rehausser la gloire d'Énée, que de le montrer comme la première cause de tant de grandeurs, et de le parer, pour ainsi dire, des trophées qui faisoient au temps de Virgile l'admiration de l'univers soumis ?

Cette description de la bataille d'Actium est remplic d'images grandes et sublimes. César entraînant au combat le sénat, le peuple et les dieux de Rome, et paroissant debout sur sa poupe élevée, stans celsá in puppi, est un des plus beaux tableaux que puisse représenter la poésie ; il prépare bien l'imagination à ce combat où l'on croit voir les Cyclades se choquer contre les Cyclades, et les monts se heurter contre les monts. Le Tasse a répété cette idée dans l'épisode d'Armide; mais elle n'est pas si heureusement employée. Mars gravé sur le fer, les Furies terribles, Bellone avec son fouet sanglant, et la Discorde, scissá gaudens discordia pallá, achèvent de jeter l'horreur et l'épouvante dans l'esprit du lecteur, et

confuse

peignent très-bien la situation de l'empire romain, déchiré alors par la guerre civile. L'idée de faire combattre les dieux monstrueux du Nil avec Vénus, Minerve et Neptune; l'attitude fière et noble d'Apollon, qui voit le combat du promontoire d'Actium, qui bande son arc puissant, et fait fuir son seul par aspect la des Égyptiens, des Indiens, des Sabéens et des Arabes, sont des conceptions admirables; mais rien n'égale la beauté de ces vers où le poëte représente le Nil ouvrant les larges plis de sa robe azurée, et cachant la honte et les malheurs de Cléopâtre dans ses grottes profondes:

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troupe

Contrà autem magno mærentem corpore Nilum,

Pandentemque sinus, et totâ veste vocantem

Cæruleum in gremium latebrosaque flumina victos.

Le reste de cette description mérite les mêmes éloges. Addisson regarde surtout le dernier vers comme un des plus heureux de l'Énéide :

Attollens humero famamque et fata nepotum.

Ce vers nous fournit une occasion de louer encore le jugement du poëte latin. Dans cette description de la grandeur de Rome, le lecteur avoit un moment perdu de vue Énée pour ne songer qu'à Auguste; mais Virgile ramène l'attention à son héros de la manière la plus adroite et la plus ingénieuse, Dans un seul vers il a l'art de loner les Romains, de flatter Auguste, de célébrer Énée. Le présent, le passé, l'avenir, tout est là, et le sujet tout entier de l'Eneide est dans cette image pittoresque.,

LIBER NO ́N US.

ATQUE ea diversâ penitùs dum parte geruntur,

Irim de cœlo misit Saturnia Juno

Audacem ad Turnum. Luco tum fortè parentis
Pilumni Turnus sacratâ valle sedebat.

Ad quem sic roseo Thaumantias ore locuta est:
Turne, quod optanti divûm promittere nemo
Auderet, volvenda dies en attulit ultro:

Eneas, urbe, et sociis, et classe relictâ,

Sceptra Palatini sedemque petüt Evandri.
Nec salis extremas Corythi penetravit ad urbes;
Lydorumque manum, collectos armat agrestes.

Quid dubitas? nunc tempus equos, nunc poscere currus:
Rumpe moras omnes; et turbata arripe castra.

Dixit; et in cœlum paribus se sustulit alis;

Ingentemque fugâ secuit sub nubibus arcum.

LIVRE NEUVIÈME.

TANDIS

ANDIS que loin des siens l'infatigable Énée Joint au sort des Toscans sa haute destinée, Junon envoie Iris au superbe Turnus. Tranquille, il sommeilloit au bois de Pilumnus. Iris vient et l'éveille; et sa bouche de rose

Adresse ce discours au héros qui repose:

«

Turnus, ce que pour toi n'eût fait aucun des dieux, » Un bonheur imprévu vient l'offrir à tes vœux :

» Entraîné loin d'ici par un espoir stérile, » Ton imprudent rival a déserté sa ville,

» Et, pour des camps lointains fuyant ses propres camps >> Court du palais d'Évandre aux remparts des Toscans >> Tandis que, dans leurs champs, d'une troupe novice » Il rassemble au hasard l'impuissante milice, » Va, pars, cours l'attaquer, arme-toi, hâte-toi,

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Et

porte dans ses murs le désordre et l'effroi. » Elle dit, et soudain de son aile brillante Trace en arc radieux sa route étincelante.

Agnovit juvenis, duplicesque ad sidera palmas
Sustulit, et tali fugientem est voce secutus :
Iri, decus cœli, quis te mihi nubibus actam
Detulit in terras? unde hæc tam clara repentè
Tempestas? medium video discedere cœlum,
Palantesque polo stellas: sequor omina tanta,
Quisquis in arma vocas. Et sic effatus ad undam
Processit, summoque hausit de gurgite lymphas,
Multa deos orans; oneravitque æthera votis.

Jamque omnis campis exercitus ibat apertis, Dives equûm, dives pictaï vestis et auri Messapus primas acies, postrema coërcent Tyrrhida juvenes, medio dux agmine Turnus [Vertitur arma tenens, et toto verlice suprà est :] Ceu septem surgens sedatis amnibus altus Per tacitum Ganges, aut pingui flumine Nilus, Quum refluit campis, et jam se condidit alveo.

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