Turnus la reconnoît, et le jeune héros
Lève ses mains vers elle, et lui parle en ces mots : «Noble ornement du ciel, messagère sacrée,
Quel dieu t'envoie ici de la voûte azurée ?
Quel torrent de clartés vient éclairer les cieux!
» Je vois, je vois s'ouvrir la demeure des dieux.
Quel que soit au combat le pouvoir qui m'appelle, » A ses ordres sacrés Turnus sera fidèle:
» Marchons vers le rivage. » Il s'avance à ces mots ; Pour les libations sa main puise les flots,
Et, prodigue de vœux, d'offrandes, de prières, Mêle un pieux hommage à ses fureurs guerrières. Déjà l'armée avance; et l'orgueil des coursiers, L'éclat des vêtemens, et l'or des boucliers, Au loin ont déployé leur pompe éblouissante. Superbe conducteur d'une troupe brillante, Messape la précède; et, chefs des derniers rangs, On voyoit de Tyrrhée avancer les enfans. Au centre, c'est Turnus qui, dans sa marche altière, En grandeur, en beauté, passe l'armée entière: Le calme est sur son front; vingt peuples à la fois Dans un ordre imposant s'avancent sous ses lois : Tel, retiré des bords que sa course féconde, Le Nil rentre en son lit, et rassemble son onde;
Hic subitam nigro glomerari pulvere nubem Prospiciunt Teucri, ac tenebras insurgere campis. Primus ab adversâ conclamat mole Caicus : Quis globus, o cives, caligine volvitur atrâ! Ferte citi ferrum, date tela, scandite muros ; Hostis adest, eia! Ingenti clamore per omnes Condunt se Teucri portas, et mania complent. Namque ita discedens præceperat optimus armis Eneas: si qua interea fortuna fuisset,
Ne struere auderent aciem, neu credere campo; Castra modò et tutos servarent aggere muros. Ergo, etsi conferre manum pudor iraque monstrat, Objiciunt portas tamen, et præcepta facessunt, Armatique cavis exspectant turribus hostem.
Tel le Gange, calmant ses flots tumultueux, En silence poursuit son cours majestueux.
Tout à coup dans les champs un immense nuage,
A frappé des Troyens les escadrons nombreux. Caïcus le premier a vu ces flots poudreux : Il s'élance aussitôt; et, semant les alarmes, « Aux armes, mes amis, s'écria-t-il ; aux armes ! » Venez, volez, montez, défendez vos remparts! » L'ennemi vient. » Sa voix, le feu de ses regards Les rallie à l'instant ; leurs phalanges guerrières Des portes à la hâte ont fermé les barrières, En foule autour des forts assemblent leurs soldats, Et bravant les assauts évitent les combats. Ainsi l'avoit d'Enée ordonné la prudence;
Ainsi, dans leur enceinte enfermant leur vaillance, Ils devoient sans danger, défendant leurs remparts, D'un combat inégal éviter les hasards.
Aussi, quoique déjà leur superbe colère Dans leurs murs à regret languisse prisonuière, De leur courroux docile ils étouffent la voix, Et de leur chef absent exécutent les lois.
A l'abri de leurs tours ils fuyoient les batailles, Quand Turnas se présente au pied de leurs murailles.
Turnus, ut antè volans tardum præcesserat agmen,
Viginti lectis equitum comitatus, et urbi Improvisus adest; maculis quem Thracius albis
Portat equus, cristâque tegit galea aurea rubrâ. Ecquis erit mecum, juvenes? qui primus in hostem...? En, ait: et jaculum adtorquens emittit in auras, Principium pugnæ, et campo sese arduus infert. Clamore excipiunt socii, fremituque sequuntur Horrisono: Teucrûm mirantur inertia corda;
Arma viros, sed castra fovere. Huc turbidus atque huc Lustrat equo muros, aditumque per avia quærit. Ac veluti pleno lupus insidiatus ovili,
Quum fremit ad caulas, ventos perpessus et imbres, Nocte super media; tuti sub matribus agni Balatum exercent: ille, asper et improbus irâ, Sævit in absentes; collecta fatigat edendi Ex longo rabies, et siccæ sanguine fauces. Haud aliter Rutulo muros et castra tuenti Ignescunt iræ; duris dolor ossibus ardet:
L'impétueux Turnus, avide de combats,
De sa troupe tardive a devancé les pas ; Des cavaliers choisis ont volé sur sa trace;
Un poil taché de blanc teint son coursier de Thrace ; Et d'un panache altier le brillant incarnat
De son beau casque d'or rehausse encor l'éclat.
« Braves amis, dit-il avec une voix fière,
Qui le premier de nous... » Soudain sa main guerrière Pour signal de l'attaque a fait partir un dard,
Et son coursier fougueux vole au pied du rempart A son noble défi ses guerriers applaudissent. Dans le camp des Troyens les clameurs retentissent; Leur aspect immobile étonne le héros ; Sa bouillante valeur accuse leur repos. Les yeux étincelans, dans sa rage stérile, Il tourne, va, revient autour de leur asile. Dans l'ombre de la nuit, tel un loup dévorant Qu'a long-temps tourmenté l'ardente soif du sang, Autour d'une nombreuse et vaste bergerie, Bravant le froid, la neige, et les vents en furie, Court, rode; les agneaux par leurs longs bêlemens, Tranquilles sous leur mère, irritent ses tourmens; Il épie, il attend le moment du carnage;
Contre sa proie absente il excite sa rage,
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