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» L'ordre sacré, lui seul, put m'arracher à vous. » Arrêtez! pourquoi rompre un entretien si doux? >> Laissez-moi prolonger cette douce entrevue. » Pour vous pleurer encor mes yeux vous ont revue, » Et je vous entretiens pour la dernière fois ! » Ainsi, mêlaut de pleurs sa douloureuse voix, Il parloit. Didon garde un farouche silence, Se détourne en fureur de l'objet qui l'offense; Et ses yeux, d'où partoient des regards courroucés, Demeurent vers la terre obstinément baissés: Le marbre de Paros n'est pas plus inflexible. Enfin elle s'échappe, et son ame sensible Retourne au fond des bois, à ses douleurs si doux, Jouir des tendres soins de son premier époux. Le héros plaint tout bas sa triste destinée, Et suit long-temps des yeux cette ombre infortunée Mais il reprend sa route ; il arrive en ces lieux Où la valeur jouit d'un repos glorieux. Il y voit Parthénope et le vaillant Tydée, L'ombre du pâle Adraste encore intimidee: Il reconnoît surtout ces généreux Troyens Que moissonna le fer dans les champs Phrygiens;

Dardanidæ ; quos ille omnes longo ordine

cernens,

Ingemuit; Glaucumque, Medontaque, Thersilochumque
Tres Antenoridas, Cererique sacrum Polyphoten,
Idæumque etiam currus, etiam arma, tenentem.
Circumstant animæ dextrâ lævâque frequentes.

Nec vidisse semel satis est: juvat usque morari,
Et conferre gradum, et veniendi discere causas.
At Danaûm proceres, Agamemnoniæque phalanges,
Ut videre virum fulgentiaque arma per umbras,
Ingenti trepidare metu: pars vertere terga,
Ceu quondam petiere rates: pars tollere vocem
Exiguam; inceptus clamor frustratur hiantes.

Atque hîc Priamiden laniatum corpore toto
Deiphobum vidit, lacerum crudeliter ora,

Ora, mauusque ambas, populataque tempora raptis
Auribus, et truncas inhonesto vulnere nares.

Vix adeo agnovit pavitantem, et dira tegentem
Supplicia; et notis compellat vocibus ultro:

Glaucus avec Médon, Thersiloque son frère;
Les trois fils d'Anténor, si dignes de leur père;
Polyphète, jadis ministre de Cérès;

Idée, enfin, qu'on voit, pour charmer ses regrets,
A ses premiers travaux trouver encor des charmes,
Conduire encor des chars, tenir encor des armes.
De ces guerriers fameux en foule environné,
De leur nombreux cortège il s'arrête étonné;
Mais, à peine ils ont vu son armure guerrière,
Les Grecs épouvantés reculent en arrière:
Les uns, glacés d'effroi, vont fuyant devant lui,
Tels que dans leurs vaisseaux jadis ils avoient fui;
D'autres veulent crier, et leurs voix défaillantes
Expirent de frayeur sur leurs lèvres béantes.
Deiphobe soudain frappe ses yeux surpris,
De la race des rois misérable debris,

Sanglant, percé de coups, reste affreux de lui-même,
A qui le fer ravit, dans son malheur extrême,
L'organe de l'ouïe, et l'usage des yeux.

Son

corps tout mutilé n'est plus qu'un tronc hideux;

Et son nez, disparu de son affreux visage,
Du fer déshonorant y marque encor l'outrage.

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Deiphobe armipotens, genus alto a sanguine Teucri,
Quis tam crudeles optavit sumere pœnas?
Cui tantùm de te licuit? Mihi fama supremâ
Nocte tulit, fessum vastâ te cæde Pelasgûm
Procubuisse super confusæ stragis acervum.
Tunc egomet tumulum Rhoteo in littore inanem
Constitui, et magnâ Manes ter voce vocavi.
Nomen et arma locum servant. Te, amice, nequivi
Conspicere, et patriâ decedens ponere terrâ.

Ad quæ hæc Priamides: Nihil o tibi, amice, relictum;
Omnia Deiphobo solvisti et funeris umbris:

Sed me fata mea et scelus exitiale Lacænæ

His mersere malis; illa hæc monumenta reliquit.
Namque ut supremam falsa inter gaudia noctem

Egerimus, posti; et nimiùm meminisse necesse est.
Quum fatalis equus saltu super ardua venit

Pergama, et armatum peditem gravis attulit alvo ;
Illa, chorum simulans, evantes orgia circum

Tout honteux, il recule, et, détournant son front,
De ses mains qu'il n'a plus en veut cacher l'affront.
Le héros effrayé le reconnoît à peine,

Et la voix d'un ami console ainsi sa peine :

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Noble fils de Priam, ah ! parle, réponds-moi;

>> Quel monstre assouvissant sa rage impitoyable >> S'est fait de ton supplice un plaisir execrable? » A cet excès d'horreur porter sa barbarie?

>> Est-ce un tigre? est-ce un homme? Hélas! on m'avoit dit

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Que dans la nuit qui fut notre dernière nuit,

» Sanglant et fatigué d'un immense carnage, » Toi-même avois péri dans ce confus ravage.

» J'honorai ta mémoire ; et, d'une triste voix,

>>

Auprès d'un vain tombeau je t'appelai trois fois.

>> Ton nom y vit encor; mais tes amis fidèles

>> N'ont pu mêler ta cendre aux cendres paternelles; Je n'ai pu découvrir tes restes malheureux!»>

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Deiphobe répond: « Ami trop généreux!

» Tes soins compatissans (pouvois-je plus attendre?)
» Ont honoré mon ombre, ont protégé ma cendre.
» Hélas! c'est mon destin, c'est un monstre odicux,
» Hélène, à qui je dois ce traitement affreux:

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