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cas de nos plus belles provinces. La population est, dit-on, plus grande en France aujourd'hui qu'elle n'étoit il y a deux cens ans; c'est-à-dire, qu'il y a plus de monde qu'il n'y en avoit alors, parce que nous avons acquis quatre ou cinq provinces de plus. Cette manière de comparer notre population actuelle à celle du seizième siècle, n'est pas bien juste. J'accorde avec regret que la population des villes est très-augmentée, mais tout nous avertit que celle des campagnes n'est que trop visiblement diminuée, ce qui est une double perte pour l'Etat. On en a des témoins dans ces bâtimens déserts, dans ces restes d'habitations épars en une infinité d'endroits. Je viens de lire dans un Ouvrage plein de discussions exactes, que dans un pays assez bon pour être bien peuplé, un hameau qui avoit soixante-quinze maisons sous le règne de Charles IX, n'en a aujourd'hui que dix-huit. Il n'y a pas de provinces où l'on ne voye de pareilles diminutions.

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La nature enfin nous a-t-elle favorisés d'un terroir fertile, d'un beau climat? ce sont les premiers frais d'une mère tendre & généreuse; c'est à nous de faire les seconds. Population Tome IV.

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& travail, c'est-là notre main-d'œuvre, & ce doit être le fruit de tout gouvernement sage & patriotique. Le commerce & les arts ne doivent marcher qu'en seconde ligne. Que les Puissances maritimes & marchandes nous servent d'exemple. La culture des terres y est portée au plus haut degré de perfection. Les villes n'y sont point peuplées aux dépens des campagnes. Les grands propriétaires de ces pays sensés ne démollissent pas les châteaux de leurs ancêtres. Ils les habitent, les réparent, en élèvent de nouveaux. Chez nous autrefois les pères vivifioient une contrée entière par leur présence, & par la consommation de leurs revenus. Aujourd'hui les enfans ou ne s'y montrent jamais, ou n'y font que des apparitions passagères pour dégrader leurs possessions.

Depuis long-tems en France, on ne voit de domaines supérieurement cultivés, fournis d'habitations convenables & d'habitans laborieux, que les domaines des Ordres religieux, sur-tout des grands propriétaires, tels que les Bénédictins, les Bernardins les Chartreux, &c.... Cela seul, indépendamment

de la reconnoissance qu'on leur doit, & de l'utilité de leur profession, devroit les mettre à l'abri de la destruction épidémique qui les poursuit. Il me semble qu'avant de procéder à l'abolition d'un Ordre monastique, il faudroit examiner d'une manière impartiale, si son existence est nuisible, ou avantageuse à l'Etat;/ si les biens dont on dépouillera ces Moines, tomberont en de meilleures mains; si leurs possessions seront mieux cultivées, si dans les cantons qu'ils habitent les pauvres seront mieux secourus par de nouveaux propriétaires, soit laïques, soit ecclésiastiques. Je laisse à l'écart, comme on voit, l'intérêt de l'Eglise. & de la Religion. Ces objets-là n'entrent guère aujourd'hui dans les considérations politiques. N'envisageons dans toutes les suppressions faites ou à faire que le bien physique & temporel : quel sera-t-il? Qu'y gagneront le Prince & l'Etat ? Quelle qu'en soit la destination, elle n'enrichira ni n'embellira les campagnes. Comment seront administrés tant de riches établissemens monastiques; car il y en a, je l'avoue, de nombreux & de considérables! Comment seront entretenus ces vastes

bâtimens, construits avec tant de solidité, ces magnifiques temples du Seigneur, ces belles fermes peuplées d'ouvriers & de cultivateurs! Que tout cela soit livré à des établissemens militaires, à des Fermiers du domaine, à des Abbés commendataires, à qui l'on voudra; nous n'y retrouverons bientôt que les champs où fut Troye.

Jettons les yeux sur les terres d'une Abbaye quelconque. Quelle différence énorme entre la mense abbatiale, & la mense monacale! La première a souvent l'air du patrimoine d'un dissipateur; l'autre est comme un héritage où l'on n'épargne rien pour l'amélioration. Je ne plaide point ici la cause des Moines: je plaide celle de toutes les cultures, de tous les propriétaires, des pauvres, du travail, & de la population. Ressuscitons un moment Virgile, Varron, Columelle. Employons-les comme experts dans l'examen de nos campagnes. Ils riront, comme payens, de nos institutions monastiques; mais ils combleront d'éloges, comme économes & cultivateurs, les enfans de saint Bruno, de saint Bernard, & de saint Benoît.

C'est tout ce que j'avois à dire à l'occasion des Géorgiques. Dans ma version, j'ai tâché de traduire en Poëte; dans le Discours, je n'ai prétendu penser ni m'exprimer qu'en philosophe agricole & citoyen.

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