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prend à regretter qu'il n'ait pas été écrit pour l'orchestre. Il y a là matière à une remarquable transcription orchestrale.

Le quatrième scherzo (op. 108) est exclusivement du domaine du piano. C'est une œuvre aimable qui peut rivaliser avec les bonnes inspirations de Chopin en ce genre.

Nous arrivons à des compositions qui doivent être signalées d'une façon toute spéciale: nous voulons parler des grands caprices, pièces d'une facture qui n'a pas de précédent. Dans ces remarquables productions, Heller se révèle avec des qualités qui lui sont particulières, une originalité qui est bien à lui, des procédés qu'il ne doit à personne.

Le caprice op. 27 débute par une admirable introduction du caractère le plus élevé et le plus grandiose. Le presto est étourdissant de verve, et, quoique le caractère mélodique ne soit pas extrêmement saillant, les développements sont si ingénieux, les effets si piquants et si inattendus, que l'intérêt ne languit pas un seul instant.

Le Caprice symphonique (op. 28) est conçu sur un plan trèsétendu. Les traits sont brillants, les chants d'une distinction extrême, les développements sont conduits avec une habileté qui n'exclut jamais l'inspiration. Ce long morceau se termine en majeur par un beau chant à la Mendelssohn, qui s'épanouit dans une coda éblouissante. Au temps où Charles Hallé joua en public ce beau morceau, l'éducation musicale du public ne le mettait pas encore à même d'en saisir toute la valeur.

Le Presto capriccioso (op. 64) est presque aussi développé, mais dans un genre totalement différent. Rien de plus ingénieux que ce charmant morceau qui fourmille de chants suaves, de traits délicats, d'inspirations poétiques. C'est une merveille d'un bout à l'autre.

Le Caprice humoristique (op. 112) est moins longuement traité. Le mezzo canto est un peu décousu; mais la première partie, reproduite à la fin avec de légers changements, est pétillante d'esprit et d'imprévu.

La Fantaisie pour piano (op. 54) est une œuvre vigoureuse, énergique, une très-belle inspiration. Elle se termine par une coda d'un grand éclat. Nous aimons moins la Fantaisie caprice (op. 113), qui n'a pas la même fermeté et, malgré des passages intéressants, est loin de produire le même effet.

Le musicien qui a écrit la sonate op. 88, le scherzo fantastique, les quatre caprices et la fantaisie op. 54 était évidemment doué par la nature pour écrire des œuvres de longue haleine et des œuvres symphoniques. Comment a-t-il été conduit à choisir le plus souvent, pour contenir sa pensée, de petits cadres ? Pourquoi est-il devenu un admirable peintre de chevalet, quand il aurait pu faire de la grande peinture et s'inscrire au rang de ces grands maîtres qui n'ont jamais trouvé de limites assez vastes pour contenir leur génie ? — Ne serait-ce pas là une douloureuse histoire à raconter, celle de bien des artistes rebutés par les difficultés de la vie, réduits à la presque impossibilité de se faire connaître et applaudir, s'ils veulent dépasser un certain horizon et s'ils n'ont pas l'énergie suffisante pour affronter la lutte?

VII

« Le caractère de Stephen Heller, dit M. Fétis, le porte à la rêverie; ami de la solitude, il évite le contact pernicieux de la

vulgarité qu'on s'expose à coudoyer, aussi bien dans le salon que dans la rue. Il vit avec sa pensée, avec les poëtes ses amis de tous les jours; il travaille à ses heures et quand l'idée le presse. Ses rêves ne sont pas toujours mélancoliques, comme paraissent le faire croire l'extérieur de sa personne et sa conversation. Rien ne prouve mieux la variété de ses impressions que la nature très-diverse des morceaux qu'il a composés. Il peint aussi bien l'entrain du scherzo, de la chasse, de la valse que la douce joie pastorale, la désinvolture élégante des arabesques, la pétulance de la tarentelle; la passion ardente à côté de la passion sereine, la fraîcheur du matin et le calme du soir, partout la libre fantaisie. »

Heller a composé un grand nombre de valses; dans les cinq premières œuvres (42, 43, 44, 59, 62), on sent l'influence de Chopin: coupe et développements analogues, même distinction dans la forme, même poésie dans la pensée. Ces cinq valses seraient signées Chopin que personne n'y contredirait; elles iraient aux nues et on les proclamerait des chefs-d'œuvre. Sans accorder cette qualification ambitieuse à un genre de pièce qui n'a jamais eu la prétention de s'élever au sublime, nous dirons que les valses de Heller peuvent soutenir la comparaison avec celles du maître polonais; le seul reproche qu'on puisse leur faire, si toutefois c'en est un, c'est de trop rappeler un modèle représenté comme inimitable.

Les deux valses (op. 95) dédiées à M. Antonin Marmontel, décèlent un caractère plus personnel, en même temps qu'une tendance plus mélancolique. Ce double caractère s'accentue encore davantage dans les valses-rêveries (op. 122), qui sont au nombre de neuf. Ce sont des pièces très-courtes, toutes de sentiment, qui n'ont rien de commun avec la valse que

le rhythme et qui plairont plus aux âmes rêveuses que les brillants morceaux qui sont les premiers en date dans l'œuvre de Heller.

Les douze lændlers qui composent l'œuvre 97 ont une saveur toute particulière. Les pièces de cette nature ne comportent pas un long développement. C'est une forme populaire que certains compositeurs allemands ont traitée avec un rare bonheur. Les lændlers de Heller semblent un souvenir du pays viennois. La pièce n° 7 n'est pas sans quelque analogie avec une pièce de Schubert, qui, lui aussi, affectionnait ce genre de composition. Dans l'œuvre 107, le compositeur a cherché à donner à ses lændlers un plus grand développement ; il est résulté de ce travail un ensemble de pièces d'un caractère élevé et original, mais qui ne correspondent plus à leur titre.

Heller a été plus fécond que Chopin, qui n'a écrit qu'une tarentelle ; il en a écrit sept et une vénitienne, qui n'est qu'une variété du genre. La vénitienne op. 52 et la tarentelle op. 53 sont les pièces qui nous plaisent le plus elles ont l'entrain et la gaîté que comporte la nature de l'œuvre. Dans ses dernières pièces dédiées à Mme Schumann, dans les tarentelles op. 37, Heller a cherché à sortir du moule convenu. Jusqu'à quel point a-t-il réussi? Il est bien difficile de donner une allure nouvelle, d'imprimer un cachet nouveau à un genre de composition dont la forme est en quelque sorte stéréotypée et consacrée par l'usage.

La polonaise est un genre bien plus élevé que la valse et la tarentelle; le rhythme est plein de noblesse et permet à la pensée un essor plus énergique. Combien nous regrettons que Heller n'ait composé que trois polonaises (op. 104, op. 132)! La première se distingue par une allure chevaleresque, à la

fois impétueuse et élégante. Il n'y aurait à reprocher à cette pièce qu'un peu d'incertitude dans le chant du milieu. Mais ce caractère vague fait attendre et désirer la reprise du motif, dont le retour fait beaucoup d'effet. Dans les deux pièces de l'œuvre 132, dans la première surtout, le musicien s'élève à une grande hauteur. La polonaise en fa mineur rappelle les plus belles inspirations de Chopin; il y a, dans cette remarquable composition une fierté d'allure, une précision de pensée, une noblesse de sentiments peu communes. L'auteur a bien rendu le caractère national de cette danse guerrière. Rarement sa pensée s'est élevée à autant d'énergie et d'originalité. La polonaise en la mineur n'est pas à la hauteur de cette première pièce, mais elle brille également par un grand caractère.

En résumé, dans ce qu'on est convenu d'appeler musique de danse, valses et polonaises surtout, Heller a osé lutter avec Chopin; ses cinq premières valses et ses polonaises sont dignes de ce grand et regretté maître.

VIII

Il est difficile de parler d'impromptu sans songer aux morceaux délicieux que ce dernier a composés sous ce titre. S. Heller ne s'est pas beaucoup éloigné de la forme adoptée par Chopin: une première partie mouvementée et rapide, un mezzo canto, puis la reprise du molif de la première partie. Les morceaux qu'il a composés dans ce genre comptent au nombre de ses meilleures productions.

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