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tion des mêmes mots exprime fort bien ici l'obstination avec laquelle cette reine s'attache ou à la personne ou au souvenir de son amant. Mais ce qui surpasse la beauté de ces images, c'est celle de Didon prenant le fils du héros dans ses bras, et cherchant dans les traits d'Ascagne le portrait de son père, comme un dédommagement et une consolation.

26) PAGE 20, VERS I.

Non cœptæ assurgunt turres ; non arma juventus, etc.

Cette pensée de Virgile est très philosophique, et elle exprime de la manière la plus heureuse comment les passions des souverains nuisent à la prospérité d'un grand empire, et répandent dans toute leur nation l'oubli de ses plus grands intérêts et de tout ce qui produit la félicité publique. Peut-être n'a-t-on pas assez bien compris le véritable sens des mots minæque murorum ingentes. Toutes les grandes constructions imparfaites ont un air de menace, parce. qu'elles font naître l'idée d'un écroulement prochain..

27) PAGE 20, VERS 5.

Quam simul ac tali persensit peste teneri
Cara Jovis conjux, nec famam obstare furori, etc.

Ce passage étoit difficile à traiter, parce que dans cette lutte de deux déesses aucune des deux ne devoit être dégradée. Junon, toujours fidèle au projet d'écarter les Troyens de l'Italie, propose à Vénus d'unir ensemble les Tyriens et les Troyens par l'hymen d'Énée et de Didon, qui deviendra

le sceau de la réconciliation des deux divinités : mais Vénus, par un sourire, marque qu'elle a deviné les intentions de sa rivale; elle lui répond d'une manière pleine de finesse et de

.convenance.

28)

PAGE 20, VERS 10.

Una dolo divûm si femina victa duorum est!

Racine a mis dans la bouche de Phédre une heureuse imitation de ce vers (act. II, sc. 5):

Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle

De séduire le cœur d'une foible mortelle.....

Le vers de Virgile a l'avantage d'exprimer que les deux divinités qui ont triomphé de Didon ont joint l'artifice à la puissance.

29) PAGE 22, VERS 19.

His ego nigrantem commixtà grandine nimbum, etc.

Lorsque Virgile fait agir des divinités, c'est toujours d'une manière convenable à leur caractère connu, ou à leurs principaux attributs. Ainsi, dans ce passage, c'est Junon, déesse des airs, et présidant à l'hymen, qui se charge d'exciter l'orage pour forcer Énée et Didon de se réfugier dans la grotte où l'hymen doit les unir.

30) PAGE 24, VERS 1.

Connubio jungam stabili, propriamque dicabo, etc.

Ce vers tout entier se trouve déjà dans le premier livre, et c'est aussi dans la bouche de Junon. Virgile s'est souvent

ainsi répété; et cette observation seule prouveroit qu'il s'étoit toujours proposé de revoir son ouvrage.

31) PAGE 24, VERS 4.

Oceanum interea surgens Aurora relinquit, etc..

Virgile a mis une extrême perfection dans la description de cette chasse; elle est pleine d'images bien choisies, de convenance et de rapidité. Delecta juventus exprime fort bien l'espèce d'étiquette qui n'admet autour des souverains, dans leurs parties de plaisir, que l'élite de leur cour; et la jeunesse y paroît avec de grands avantages. L'appareil, les instrumens de la chasse, le cortége de la reine, sont décrits avec beaucoup de justesse. Le poëte ne manque pas de faire paroître dans cette fête les cavaliers numides, renommés par leur adresse dans l'équitation. L'expression si heureuse et si précise odora canum vis n'a pu se rendre que par des équivalens. L'empressement avec lequel les grands admis à cette chasse arrivent au rendez-vous n'est pas oublié; il étoit naturel aussi d'exprimer l'impatience avec laquelle est attendu le principal personnage : et le cheval même qui doit le porter a fourni à cette description des traits également justes et brillans; la richesse de son harnois est parfaitement rendue en deux mots qui le couvrent à la fois de ce qu'il y a de plus précieux, d'or et de pourpre, ostroque insignis et auro.

32) PAGE 24, VERS 10.

Stat sonipes, ac frena ferox spumantia mandit.

Ce vers exprime admirablement un cheval bien dressé,

qui réunit ensemble l'ardeur et la docilité. On y trouve d'ailleurs une magie d'harmonie, qui fait qu'on croit entendre l'action d'un coursier fougueux rongeant son frein d'impatience.

Tandem progreditur exprime parfaitement la longue attente occasionnée par le retard de la reine, et le plaisir que fait naître sa présence. Un des priviléges de la grandeur est de ne pas attendre, et d'être attendu. Louis XIV, arrivant en même temps que sa voiture au pied du grand escalier de Versailles, dit, en se retournant vers son grand écuyer: J'ai failli attendre. Ce mot exprime vivement le sentiment qu'il avoit de l'élévation de son rang et du respect qui lui étoit dû.

Si le souverain de Carthage avoit été un homme, Virgile ne se seroit peut-être pas arrêté à décrire son costume; mais une jeune reine, mais une amante intéressée à plaire, ne devoit rien avoir oublié de ce qui pouvoit y contribuer. Le poëte lui prête tout le goût et toute la magnificence dont une toilette de chasse est susceptible. Il est tout simple que, dans ce jour, les Troyens et leur chef jouent un des premiers rôles. La comparaison d'Énée avec Apollon, si elle n'est pas d'une grande exactitude, est de la plus belle poésie. C'est toujours aux dieux qu'Homère et Virgile comparent les hommes qu'ils veulent faire valoir. Dans la suite de cette description, le lieu de la scène, les chasseurs, les animaux poursuivis, sont peints avec tout le mouvement et toute la vérité nécessaires. Pour faire partir ces animaux sauvages, Virgile attend, avec raison, que la chasse soit parvenue dans

les taillis les plus épais et les lieux les plus impraticables; alors, par un mélange heureux de syllabes brèves et longues, par la cadence et la coupe des vers, il nous fait entendre les sauts, les bonds impétueux, et la fuite précipitée des daims, des chevreuils et des chamois chassés précipitamment de leurs retraites. Nous avons remarqué ailleurs comment il a peint, dans la personne d'Ascagne, l'ardeur et l'émulation que mettent les jeunes gens dans ces sortes d'exercice.

33) PAGE 28, VERS 7.

Interea magno misceri murmure cœlum, etc.

On a observé avec raison que ce qui se passe de mystérieux dans la grotte où l'orage conduit Énée et Didon est décrit par Virgile avec toute la décence de la pudeur; et, si une foule d'autres peintures fait honneur à son génie, celle-ci a toujours honoré son caractère. Une observation plus importante, et peut-être plus nouvelle, c'est que, pour donner plus de solennité à cet hymen, il suppose que ce sont de grandes divinités qui ont donné le signal; c'est le tonnerre qui le proclame; c'est la foudre qui l'éclaire. Les nymphes hurlant au sommet des montagnes rappellent les femmes qui, suivant l'usage antique, annonçoient par des cris celui de la pudeur mourante. Ainsi, ce sont tous les élémens, ce sont les dieux, c'est la nature entière qui fait les frais de cet hymen; idée vraiment neuve et impo

sante.

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