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qu'elle croit pouvoir conserver sa gloire, et finir ses malheurs; ce qui est exprimé avec une grande précision et une grande force, ferroque averte dolorem. Phédre comme Didon regrette de ne pas mourir avec toute sa gloire et toute

sa vertu.

59) PAGE 68, VERS 7.

Tu lacrymis evicta meis, tu prima furentem, elc.

Il est dans le caractère des amans outragés de se plaindre de ceux qui ont favorisé leurs passions; c'est ainsi que Phédre dit à OEnone ( Phédre, act. IV, sc. 6):

Malheureuse! voilà comme tu m'as perdue!

Au jour que je fuyois c'est toi qui m'as rendue;
Tes prières m'ont fait oublier mon devoir :
J'évitois Hippolyte, et tu me l'as fait voir.

6) PAGE 68, VERS 14.

Carpebat somnos, rebus jam ritè paratis, etc.

Nous avons déjà remarqué que ce sommeil d'Énée, au moment de son départ et d'une séparation si douloureuse, manque au moins de convenance; mais Virgile en avoit besoin pour amener la seconde apparition de Mercure, bien imaginée pour justifier de plus en plus le départ des Troyens, parfaitement exprimé dans la suite du même morceau.

61) PAGE 72, VERS I.

Regina e speculis ut primùm albescere lucem

Vidit, et æquatis classem procedere velis, etc.

On sait que l'Ariane abandonnée de Catulle a été

composée avant la Didon de Virgile. Celui-ci a même emprunté plusieurs vers de son prédécesseur, qui, malgré le talent de ce grand poëte, lui est resté supérieur dans plusieurs passages, particulièrement lorsqu'il peint le silence et la solitude laisse dans le port et sur le rivage le départ de Thésée :

que

Omnia muta,

Omnia sunt deserta, ostentant omnia mortem.

Ce vers, pour les images et pour l'harmonie, me paroît fort supérieur à celui de Virgile où la même idée est exprimée :

Littoraque et vacuos sensit sine remige portus.

Il faut avouer pourtant que sensit au lieu de vidit est d'une grande beauté. Didon ne voit pas cette solitude, elle la sent. Mais où Virgile est resté plus inférieur encore, c'est dans la peinture de la douleur de Didon après le départ d'Énée; il se contente de la représenter contemplant du haut de son palais la flotte des Troyens s'éloignant du rivage; il s'adresse alors à cette amante abandonnée, pour lui demander ce qu'elle éprouvoit en ce moment. Dans la même situation, Catulle peint Ariane gravissant une montagne élevée, d'où ses yeux suivent aussi loin qu'ils le peuvent le vaisseau qui emporte son amant; au moment où elle le perd de vue, elle tombe évanouie, mais furieuse. Il la compare alors à une bacchante représentée en marbre; image admirable, parce qu'elle peint à la fois la fureur de l'amour

désespéré, et l'immobilité de la douleur stupide: Saxea ut effigies bacchantis.

62) PAGE 72, VERS 5.

Proh Jupiter! ibit

Hic, ait, et nostris illuserit advena regnis ?

Ce commencement des imprécations de Didon est d'une brusquerie et d'une impétuosité très-convenables. On a admiré avec raison la vivacité et la cumulation d'images que renferme le vers suivant :

Fertę citi flammas, date vela, impellite remos.

63) PAGE 72, VERS II.

Infelix Dido! nunc te fata impia tangunt.

Racine a encore imité ce beau mouvement, dans le rôle de Roxane (Bajazet, act. IV, sc. 5) :

Tu pleures, malheureuse! Ah! tu devois pleurer,
Lorsque, d'un vain désir à ta perte poussée,

Tu conçus de le voir la première pensée.

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Quem secum patrios aiunt portasse Penates,

Quem subiisse humeris confectum ætate parentem!

Ce quatrième livre semble un trésor de mouvemens tragiques, où sont venus puiser presque tous nos grands poëtes; et on a lieu de s'étonner que le Franc de Pompignan,

qui avoit à moissonner dans un champ aussi vaste, ait trop peu profité d'un si grand avantage, et que nous ayons eu si rarement occasion de le comparer à son modèle. Voltaire fait dire à Orosmane (Zaïre, act. IV, sc. 5.)

C'est là ce Nérestan, ce héros plein d'honneur,
Ce chrétien si vanté, qui remplissoit Solyme
De ce faste imposant de sa vertu sublime!

65) PAGE 72, VERS 19.

Faces in castra tulissem;

Implessemque foros flammis; natumque patremqué

Cum

genere extinxem: memet

super ipsa dedissem.

Il étoit difficile de rapporter dans notre langue la beauté des terminaisons du plusque-parfait, qui, par leur répétition, marquent d'une manière si expressive l'acharnement de la vengeance. Je me suis néanmoins efforcé de les imiter par les consonnances répétées, j'aurais ravagé, brûlé, submergé, égorgé.

A ces mouvemens violens succèdent, avec un goût admirable, pour exprimer la fatigue d'une ame qui retombe dans l'abattement et dans une sorte de consomption mélancolique, des sons lents et lugubres, douloureusement prolongés:

Sol, qui terrarum flammis opera omnia lustras,
Tuque harum interpres curarum et conscia Juno,
Nocturnisque Hecate triviis ululata per urbes, etc.

Ce que nous avons dit précédemment de ce discours nous dispense de nous y arrêter davantage.

66) PAGE 76, VERS 18.

Illa gradum studio celerabat anili.

L'épithète anili est d'une extrême propriété. On remarque dans les vieux domestiques un empressement de zèle presque toujours proportionné à l'ancienneté de leurs services. Nous avons suffisamment parlé, en commençant, des beaux mouvemens qui précèdent la mort de Didon.

67) PAGE 80, VERS 5.

It clamor ad alta

Atria; concussam bacchatur fama per urbem;
Lamentis, gemituque, et femineo ululatu,

Tecta fremunt; resonat magnis plangoribus æther.

Ces vers peignent fort bien la douleur universelle que répand dans un grand empire la nouvelle de la mort d'un souverain long-temps chéri de ses sujets.

68)

PAGE 82, VERS 10.

Illa, graves oculos conata attollere, rursus
Deficit: infixum stridit sub pectore vulnus.
Tēr sése áttōllēns cubitoque adnixa levavit,
Tēr revolūtă toro est, etc.

Nous avons fait remarquer dans ce livre peu de traits d'harmonie imitative, quoiqu'il y en ait un grand nombre ; mais il est impossible de n'être pas frappé de celle qui distingue ces deux derniers vers, dont une partie exprime, par des spondées, la peine et l'effort avec lesquels Didon es

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