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- «Depuis assez long-temps le destin vous exile; » Voici votre Ilion, et voici votre asile,

» M'a-t-elle dit : brûlez ces poupes et ces mâts

>> Qui promènent vos maux de climats en climats... >> <«< Alors j'ai vu sa main remettre dans la mienne >> La torche destinée à la flotte troyenne.

>> Le temps presse; courons, secondez mes transports. >> Vous voyez quatre autels élevés sur ces bords;

» La flamme y fume encore en l'honneur de Neptune: >> Recevez ces flambeaux des mains de la Fortune. >> Elle dit, et, d'un bras par la rage animé, Saisit, agite et lance un brandon enflammé; Il vole: la terreur remplit toutes les ames. Pyrgo, la plus âgée entre toutes ces femmes, Qui nourrit tant de fils du plus puissant des rois : << Non, ce n'est pas ici Béroé que je vois, » Dit-elle; croyez-m'en. Tantôt je l'ai trouvée » Languissante, et pleurant d'être seule privée » Du plaisir de mêler à ces tristes honneurs » Le tribut de ses dons, le tribut de ses pleurs. » Eh! voyez, sont-ce là les traits d'une mortelle ? » Observez ces regards où la flamme étincelle, » Cette marche, ce port, et cet éclat divin.»

Elle dit; et, d'un œil et d'un cœur incertain, Sur les vaisseaux, objets de crainte et d'espérance, Long-temps leurs sombres yeux s'arrêtent en silence. Faut-il quitter la terre objet de tant de vœux? Ou faut-il renoncer aux promesses des dieux?

Ingentemque fugâ secuit sub nubibus arcum.
Tum verò attonita monstris, actæque furore,
Conclamant, rapiuntque focis penetralibus ignem :
Pars spoliant aras, frondem ac virgulta facesque
Conjiciunt : furit immissis Vulcanus habenis
Transtra per, et remos, et pictas abiete puppes.

Nuntius Anchisæ ad tumulum cuneosque theatri
Incensas perfert naves Eumelus; et ipsi
Respiciunt atram in nimbo volitare favillam.
Primus et Ascanius, cursus ut lætus equestres
Ducebat, sic acer equo turbata petivit

Castra ; nec exanimes possunt retinere magistri.
Quis furor iste novus? quò nunc, quò tenditis, inquit,
Heu! miseræ cives? non hostem, inimicaque castra
Argivûm, vestras spes uritis. En ego vester
Ascanius. Galeam ante pedes projecit inanem,
Quâ ludo indutus belli simulacra ciebat.

Accelerat simul Æneas, simul agmina Teucrûm.
Ast illæ diversa metu per littora passim

Diffugiunt; silvasque, et sicubi concava furtim

Elles doutoient encor, quand l'agile courrière
S'envole et trace en arc un sillon de lumière.
Ce prodige frappant étonne les regards:
Les acclamations partent de toutes parts;

Et leurs mains, saisissant le feu du sacrifice

Qui dut rendre à leurs vœux le dieu des mers propice,
Ont dépouillé l'autel de feuilles, de rameaux.

Le feu part, vole, tombe, et court sur les vaisseaux :
Et la poupe et la proue, et les mâts et les rames,
Du rapide incendie alimentent les flammes.

Soudain Eumèle accourt; et son récit affreux
Près du tombeau d'Anchise a suspendu les jeux.
On regarde; déjà, s'élançant de sa proie,
En tourbillons fumans la flamme se déploie.
Ascagne, au lieu fatal accourant le premier,
Vole, et pousse en avant son superbe coursier;
Rien ne peut l'arrêter, ni les jeux, ni leurs charmes,
Ni ses parens troublés, ni ses maîtres en larmes:
« Arrêtez! arrêtez! leur dit-il. Ces vaisseaux

»Ne sont pas ceux qu'Hector poursuivoit sur les eaux;
» C'est votre flotte, hélas ! c'est votre espoir qu'on brûle.
>> Iule est devant vous, reconnoissez Iule. »

Il dit, et jette au loin le casque radieux

Qui, dans ces jeux guerriers, couvroit ses beaux cheveux.
Énée accourt lui-même, et les Troyens le suivent.

Mais ces cœurs égarés, que leurs forfaits poursuivent,
A peine du héros ont reconnu les traits,

Dans les bois, les rochers, les lieux les plus secrets,

Saxa, petunt; piget incepti, lucisque; suosque
Mutatæ agnoscunt; excussaque pectore Juno est.
Sed non idcirco flammæ atque incendia vires
Indomitas posuêre: udo sub robore vivit
Stuppa, vomens tardum fumum; lentusque carinas
Est vapor, et toto descendit corpore pestis;
Nec vires heroum infusaque flumina prosunt.
Tum pius Æneas humeris abscindere vestem, (18
Auxilioque vocare deos, et tendere palmas:
Jupiter omnipotens, si nondum exosus ad unum
Trojanos, si quid pietas antiqua labores
Respicit humanos; da flammam evadere classi
Nunc, pater, et tenues Teucrûm res eripe leto;
Vel tu, quod superest, infesto fulmine morti,
Si mereor, demitte, tuâque hîc obrue dextrâ.
Vix hæc ediderat, cùm effusis imbribus atra
Tempestas sine more furit, tonitruque tremiscunt
Ardua terrarum, et campi; ruit æthere toto
Turbidus imber aquâ, densisque nigerrimus Austris;
Implenturque super puppes; semiusta madescunt
Robora; restinctus donec vapor omnis, et omnes,
Quattuor amissis, servatæ a peste carinæ.

reste.

Vont cacher, vont pleurer leur délire funeste:
Junon sort de leur cœur, le remords seul y
Mais le feu destructeur u'est pas encor domté;
Ni les eaux, ni des bras l'ardente activité
Ne peuvent apaiser la flamme dévorante;
Et l'étoupe enflammée, et la poix odorante,
D'une lente fumée exhalent la vapeur :

Dans le fond des vaisseaux se cache un feu trompeur,
L'invisible ennemi lentement les dévore,

Et jusqu'au sein des mers la flamme vit encore.
Énée élève au ciel et ses cris et ses vœux,
Déchire ses habits, et conjure les dieux :

<< O Jupiter! dit-il, si le courroux céleste

>> Des malheureux Troyens n'a pas proscrit le reste, » Si Troie est chère encore à tes yeux attendris,

>>

Épargne sa misère, et sauve ses débris;

>> Ou, si je suis coupable, arme-toi, prends ta foudre,

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Que leur chef malheureux tombe réduit en poudre! »

Il parloit: tout à coup les autans pluvieux

De leur souffle ont noirci l'immensité des cieux;

Tout à coup l'éclair brille, et les tonnerres grondent;
Les monts, les vallons creux et les bois leur répondent;
L'olympe entier se fond en rapides torrens :
Sur les bancs, sur la poupe, en proie aux feux errans,
Au haut des mâts, au fond des carènes profondes,
La flamme en mugissant se débat sous les ondes;
Mais enfin elle cède, et de tous les vaisseaux
Quatre succombent seuls au feu vainqueur des eaux.

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