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beau d'Anchise. On ne peut se méprendre à l'intention de Virgile, puisqu'Ovide, dans son second livre des Fastes, en recommandant la piété envers les morts, dit positivement que le culte qu'on doit leur rendre fut enseigné par Énée aux peuples de l'ancienne Italie:

Hunc morem Æneas, pietatis idoneus auctor,

Attulit in terras, juste Latine, tuas.

Et pour mieux connoître toute l'importance que les anciens attachoient aux funérailles, il faut lire ce qu'ajoute le même Ovide, après l'éloge qu'il vient de donner à la pieté d'Énée.

<< Il fut un temps, dit-il, où les Romains négligèrent de » célébrer les jours consacrés aux mânes. Ils en furent bien» tôt punis; car on dit que dès ce moment tous les fau» bourgs de Rome furent éclairés du feu des bûchers, nos » aïeux sortirent de la poussière des tombeaux; leurs voix plaintives retentirent dans le silence des nuits; et les peuples tremblans rendirent aux tombeaux leur culte, trop >> long-temps négligé, etc. »

>>

Heureux les siècles où de semblables prodiges obtiennent la foi des peuples, et où les sages et les poëtes montrent les dieux toujours armés pour venger les lois de la morale!

6)

PAGE 146, VERS 5.

Dixerat hæc, adytis cùm lubricus anguis ab imis
Septem ingens gyros, septena volumina, traxit,

Amplexus placidè tumulum, etc.

L'apparition de ce serpent merveilleux doit être admirée

sous plus d'un rapport. Premièrement, la marche des vers, qui s'enchaînent avec tant de facilité les uns aux autres, et le long développement de la période, imitent en quelque sorte les paisibles ondulations de cet énorme reptile, qui se promène sept fois autour du tombeau dont il est sorti. De plus, cette espèce de prodige réunit à toutes les beautés poétiques toutes les convenances religieuses. On sait que le serpent a joué le plus grand rôle dans la mythologie de tous les peuples. En faisant un cercle de son corps, il figuroit tour à tour, chez les anciens, le soleil ou l'éternité; aussi le serpent a tout l'éclat de l'astre dont il est l'emblème dans ce beau vers:

Mille trahit varios adverso sole colores.

C'est le gardien mystérieux des secrets de la tombe; c'est le génie attaché au service d'Anchise: et les couleurs brillantes de l'animal symbolique semblent réfléchir une partie de ce jour immortel que voit le héros dont on fait l'apothéose.

7 PAGE 148, VERS 13.

Et tuba commissos medio canit aggere ludos, etc.

On peut voir, dans le vingt-troisième chant de l'Iliade, la description des jeux faite par Homère. Virgile n'en a véritablement imité que trois, ceux de la course à pied, de l'arc et du ceste. Pope a fort bien observé que la course des chars est ce que le poëte grec a décrit avec le plus de soin; et que Virgile, désespérant peut-être d'embellir un semblable tableau, l'avoit fort judicieusement remplacé par une

course de galères. J'ajouterai deux autres observations à celle de Pope; c'est que d'abord les descriptions des courses de chars étoient fort multipliées dans les poëtes: on en trouve de très belles jusque dans l'Électre de Sophocle, sans compter toutes les odes en l'honneur des athlètes couronnés aux jeux olympiques. Il est vraisemblable que Virgile a voulu traiter un sujet moins usé pour ses contemporains, et qui pût lui fournir des couleurs plus originales. Il faut avouer ensuite qu'une joute navale est bien mieux assortie aux mœurs d'un peuple qui voyage sur les mers depuis sept années.

8) PAGE 148, VERS 20.

Terno consurgunt ordine remi....

« C'est une grande question, et qui a donné lieu à >> beaucoup de savantes dissertations, de savoir comment » les rangs de rames étoient disposés dans les navires des » anciens. Il y en a qui veulent qu'ils fussent mis en long, >> et à peu près comme sont aujourd'hui les rangs de rames » dans les galères. D'autres soutiennent que les rangs des >> birèmes, des trirèmes, des quinquérèmes, étoient les uns » sur les autres. On cite, pour ce dernier sentiment, des >> passages sans nombre d'auteurs anciens, qui semblent ne >> laisser aucun doute, et qui sont considérablement fortifiés » pár le témoignage de la colonne trajane, qui représenté » ces rangs les uns sur les autres. Cependant le P. Mont>> faucon avoue que tout ce qu'il a consulté de gens les plus » habiles dans la marine, déclare que la chose, conçue de

» cette manière, leur paroît impossible; mais le raison» nement est une foible preuve contre l'expérience de tant » de siècles, et attestée par tant d'auteurs. Il est vrai qu'en » supposant ces rangs de rames perpendiculairement les uns » sur les autres, il n'est pas aisé de comprendre comment » se pouvoit faire la manoeuvre; mais, dans les birèmes et » les trirèmes de la colonne trajane, les rangs de dessus » sont mis obliquement et comme par degrés. »

(Mœurs et Coutumes des Grecs; Histoire ancienne

de Rollin; Dissertation sur les Navires des anciens, par Leroi, etc. etc.)

Au reste, Virgile donne ici les arts de son temps au siècle d'Énée... A l'époque du siége de Troie, on ne connoissoit point les navires à plusieurs rangs. C'est par le même privilége qu'il a placé des tableaux dans le palais de Didon, quoiqu'on n'eût pas encore découvert l'art de la peinture.

9) PAGE 152, VERS 3.

Totumque dehiscit

Convulsum remis rostrisque tridentibus æquor.

Le Tasse admiroit singulièrement ce vers, où la rudesse des syllabes exprime si bien le bruit des rames et des proues qui fendent la mer. Mais si on vouloit remarquer toutes les beautés de ce genre, il faudroit presque s'arrêter à toutes les expressions de ce livre le talent de décrire ne peut aller plus loin, comme on l'a déjà dit, et surtout dans la

:

course des galères et dans la lutte d'Entelle et de Darès. Le vers, dans ses mouvemens variés, péint aux yeux et à l'oreille tous les efforts, toutes les attitudes des athlètes. Il est vif et pesant tour à tour; il se précipite avec le vaisseau de Cloanthe ou de Mnesthée; il se brise et se traîne avec celui de Sergeste; il semble retentir des coups portés alternativement par les robustes lutteurs; il s'élève avec la souplesse de leurs bras, ou retombe avec le poids du ceste. A la vérité, l'auteur de l'Eneide a pris dans l'Iliade un assez grand nombre de traits de ce tableau; mais que de fois il perfectionne ce qu'il emprunte, et surpasse ce qu'il imite!

10) PAGE 158, VERS 9.

Qualis speluncâ subitò commota columba,
Cui domus et dulces latebroso in pumice nidi,
Fertur in arva volans, plausumque exterrita pennis
Dat tecto ingentem, etc.

Dans cette foule de vers également admirables, où Virgile porte à un si haut degré l'art d'imiter par les sons, et varie avec une oreille si juste et si savante tous les effets du rhythme poétique, il est quelques endroits qui réclament une admiration plus particulière : telle est, si je ne me trompe, cette image si heureuse sous laquelle il peint la rapidité de la course de Mnesthée. Ce vaisseau qui, libre de tous les obstacles, gagne, après quelques efforts, le milieu des mers, et devance tous ses rivaux, est comparé à la colombe qui chassée tout à coup de son nid, bat des ailes, s'essaye quel

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