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» D'un peuple efféminé ce chef voluptueux,

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Qui des parfums d'Asie embaume ses cheveux, » Jouit de sa conquête, et comble ses outrages!

» Dieu puissant! est-ce là le prix de mes hommages? » Ainsi parloit Iarbe, appuyé sur l'autel.

Jupiter l'entendit; et son œil immortel

Se tournant vers les lieux où, pleins de leur tendresse, Ces amans languissoient dans une molle ivresse:

« C'est trop perdre, dit-il, de précieux momens : » Va, cours, vole, mon fils, sur les ailes des vents; » Va du héros troyen réveiller le courage. » Quelle indigne langueur le retient dans Carthage! >> Deux fois du fer des Grecs par Vénus préservé, >> Est-ce là le destin qui lui fut réservé?

>> Est-ce là ce héros dont les mains redoutables

» Devoient assujettir cent peuples indomtables,
» Et qui, digne d'un sang si fertile en grands rois,
» A l'univers entier devoit donner des lois ?

» Si, de ses hauts destins étouffant la mémoire,
» L'amour lui fait trahir l'intérêt de sa gloire,
>> Pourquoi priver son fils de l'honneur immortel
» De fonder près du Tibre un empire éternel ?
» Chez un peuple ennemi qu'attend-il ? qui l'arrête?
» Pourquoi du Latium négliger la conquête?
>> Qu'il parte; je le veux, je l'ordonne. » A sa voix,
Mercure obéissant vole accomplir ses lois.

Il attache d'abord ses brodequins dociles,
Qui, soutenant son vol sur leurs ailes agiles,

Dixerat. Ille patris magni parere parabat
Imperio : et primùm pedibus talaria nectit
Aurea, quæ sublimem alis, sive æquora supra,
Seu terram, rapido pariter cum flamine portant.
Tum virgam capit: hâc animas ille evocat Orco
Pallentes, alias sub Tartara tristia mittit;

Dat somnos, adimitque, et lumina morte resignat :
Illâ fretus agit ventos, et turbida tranat
Nubila. Jamque volans apicem et latera ardua cernit
Atlantis duri, cœlum qui vertice fulcit;
Atlantis, cinctum assiduè cui nubibus atris
Piniferum caput et vento pulsatur et imbri :
Nix humeros infusa tegit; tum flumina mento
Præcipitant senis, et glacie riget horrida barba.

Hic primùm paribus nitens Cyllenius alis
Constitit: hinc toto præceps se corpore ad undas
Misit; avi similis, quæ circum littora, circum
Piscosos scopulos, humilis volat æquora juxta.
Haud aliter terras inter coelumque volabat
Littus arenosum ad Libyæ, ventosque secabat,
Materno veniens ab avo Cyllenia proles.

Ut primùm alatis tetigit magalia plantis, Enean fundantem arces ac tecta novantem

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Au-dessus des vallons, des montagnes, des mers,
Plus vite que les vents lui font fendre les airs.
Ensuite il prend en main sa baguette puissante,
Qui maîtrise à son gré la Parque obéissante,
Rouvre, quand il lui plaît, les portes du tombeau,
Imprime de la mort le redoutable sceau,
Ote ou rend le sommeil, fend les sombres nuages,
Et fraie au dieu sa route à travers les orages.
Il part, vole; et déjà se découvre à ses yeux
L'Atlas, l'énorme Atlas, antique appui des cieux..
Sous d'éternels frimas ses épaulés blanchissent;
De bleuâtres glaçons ses cheveux se hérissent;
Son front couvert de pins, de nuages chargé,
Par l'orage et les vents est sans cesse assiégé;-
Et cent torrens, vomis de sa bouche profonde,
Font retentir ses flancs du fracas de leur onde.

A peine il a touché le mont majestueux, Mercure, suspendant son vol impétueux, Sur son aile immobile un instant se balance, Puis vers le bord des mers rapidement s'élance, Là, tel qu'auprès des eaux, des rochers poissonneux, Glisse l'agile oiseau sur des bancs sablonneux; Tel, en quittant l'Atlas, noble auteur de sa mère, Le dieu baisse son vol, et, d'une aile légère Planant entre la terre et l'espace des airs, Effleure mollement le rivage des mers.

Ses pieds ailés à peine ont touché le rivage

Où d'humbles toits font place aux pompes de Carthage,

Conspicit; atque illi stellatus iaspide fulvâ
Ensis erat, Tyrioque ardebat murice læna
Demissa ex humeris; dives quæ munera Dido
Fecerat, et tenui telas discreverat auro.
Continuò invadit: Tu nunc Carthaginis altæ
Fundamenta locas; pulchramque uxorius urbem (38
Exstruis? heu! regni rerumque oblite tuarum!
Ipse deûm tibi me claro demittit olympo
Regnator, coelum et terras qui numine torquet;
Ipse hæc ferre jubet celeres mandata per auras:
Quid struis? aut quâ spe Libycis teris otia terris?
Si te nulla movet tantarum gloria rerum,
Nec super ipse tuâ moliris laude laborem ;
Ascanium surgentem et spes heredis Iuli
Respice, cui regnum Italiæ Romanaque tellus
Debentur. Tali Cyllenius ore locutus
Mortales visus medio sermone reliquit,

Et procul in tenuem ex oculis evanuit auram.

At verò Æneas adspectu obmutuit amens; Arrectæque horrore comæ, et vox faucibus hæsit. (39) Ardet abire fugâ, dulcesque relinquere terras, Attonitus tanto monitu imperioque deorum.

Heu! quid agat? quo nunc reginam ambire furentem Audeat affatu? quæ prima exordia sumat?

Il voit le chef troyen de ces grands monumens
Diriger les travaux, poser les fondemens.

A son côté pendoit une éclatante épée
Où se dessine en cercle une étoile jaspée.
De son épaule tombe un manteau précieux,
Où d'une riche pourpre étincellent les feux;
Et de ce beau tissu brodé par son amante
L'or flexible parcourt la trame éblouissante.

Le dieu l'aborde: « Eh quoi ! dans des momens si chers, >> Oubliant tes destins, oubliant l'univers,

»Tu bâtis donc Carthage! Esclave d'une femme,

» Voilà donc les grands soins qui remplissent ton ame! >> Le souverain du monde et le maître des dieux

» M'a député vers toi de la voûte des cieux.

» Va le trouver, mon fils, m'a-t-il dit: qui l'arrête?
>> S'il peut d'un vaste empire oublier la conquête,
» Si sa propre grandeur ne le peut émouvoir,
» De sa postérité pourquoi trahir l'espoir?

Pourquoi trahir un fils sur qui déjà se fonde » Le sort de l'Italie et l'empire du monde ? » Il dit, et s'évapore, et disparoît dans l'air.

Le héros, à l'aspect du fils de Jupiter,
Reste interdit; sa voix sur ses lèvres s'arrête,
Et ses cheveux d'horreur se dressent sur sa tête.

Il brûle de partir et d'obéir aux dieux;

Mais comment s'arracher à ces aimables lieux?

Et son amante, hélas!.. où, quand, par quelle adresse, A ce fatal départ préparer sa tendresse ?

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