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» Je lui donne mon cœur, mon empire, ma main:
» O fureur! et voilà que ce monstre inhumain
» Ose imputer aux dieux son horrible parjure,
>> Me parle et d'Apollon, et d'oracle, et d'augure!
»Pour presser son départ, l'ambassadeur des dieux
» Est descendu vers lui de la voûte des cieux:

» Dignes soins, en effet, de ces maîtres du monde !
» En effet, så grandeur trouble leur paix profonde
» C'en est assez : va, pars; je ne te retiens pas:
>> Va chercher loin de moi je ne sais quels états.
>> Au tranquille bonheur que t'offrent ces rivages,
» Va, préfère les vents, les flots et les orages;
>> Pour prix de mes bienfaits donne-moi le trépas.
» S'il est encore un dieu redoutable aux ingrats,
» J'espère que bientôt, pour prix d'un si grand crime,
» Brisé contre un écueil, plongé dans un abîme,
»Tu pairas mes malheurs, perfide! et de Didon
»Ta voix, ta voix plaintive invoquera le nom.
» Et moi, je poursuivrai l'ingrat qui me délaisse;
» Absente, à tes regards je m'offrirai sans cesse.
» Des funestes brandons prêts à me dévorer,
» Barbare! à ton départ les feux vont t'éclairer :
» Et, lorsque de mon corps affranchissant mon ame
>> Les dieux de mes destins auront coupé la trame,

» Ne crois pas m'échapper; à toute heure, en tous lieux, » Spectre pâle et sanglant, j'assiégerai tes yeux.

» Oui, je serai vengée; et, dans l'empire sombre,

» Le bruit de tes malheurs viendra charmer mon ombre. »

His medium dictis sermonem abrumpit, et auras Egra fugit, seque ex oculis avertit et aufert, Linquens multa metu cunctantem et multa parantem Dicere. Suscipiunt famulæ, collapsaque membra Marmoreo referunt thalamo, stratisque reponunt.

At pius Eneas, quamquam lenire dolentem (46 Solando cupit, et dictis avertere curas,

Multa gemens, magnoque animum labefactus amore,
Jussa tamen divûm exsequitur, classemque revisit.
Tum verò Teucri incumbunt, et littore celsas
Deducunt toto naves; natat uncta carina :

Frondentesque ferunt remos et robora silvis
Infabricata, fugæ studio.

Migrantes cernas, totâque ex urbe ruentes.

Ac veluti ingentem formicæ farris acervum
Cùm populant, hiemis memores, tectoque reponunt :
It nigrum campis agmen, prædamque per herbas
Convectant calle angusto; pars grandia trudunt

Obnixæ frumenta humeris; pars agmina cogunt,

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A ces mots menaçans qu'elle interrompt soudain,
Elle fait, laisse Énée interdit, incertain,

Et cherchant à calmer le chagrin qui l'oppresse,
Ses femmes dans leurs bras soutiennent sa foiblesse,
Et sur un lit pompeux la portent, loin du jour,
Mourante de douleur, et de rage, et d'amour.

Énée.... ah! quel regret accable sa tendresse !
Qu'il voudroit de Didon consoler la tristesse!

Mais le respect des dieux, de l'amour est vainqueur.

Il retourne à sa flotte, où chacun plein d'ardeur

Se dispose à voler sur les plaines profondes.
Des vaisseaux, qui long-temps ont oublié les ondes,
On répare les flancs; et ces vastes apprêts
De chênes, de sapins dépeuplent les forêts.
Des avirons encor tout couverts de feuillage,

Des mâts encor grossiers sont traînés au rivage.
On s'empresse, on s'assemble, on voit de toutes parts
Les Troyens par torrens déserter les remparts.
Ainsi, quand des fourmis la diligente arméc,
Des besoins de l'hiver prudemment alarmée,
Porte à ses magasins les trésors des sillons,

Leur foule au loin s'empresse, et leurs noirs bataillons,
Par un étroit sentier s'avançant sous les herbes,
Entraînent à l'envi la dépouille des gerbes:

L'une conduit la troupe et trace le chemin;
L'autre, non sans effort, pousse un énorme grain;
Celle-ci des traîneurs excite la paresse:

Pour le bien de l'état, tout agit, tout s'empresse;

v. 407. Castigantque moras: opere omnis semita fervet. Quis tibi tunc, Dido, cernenti talia sensus? (47 Quosve dabas gemitus, cùm littora fervere latè Prospiceres arce ex summâ, totumque videres Misceri ante oculos tantis clamoribus æquor? Improbe amor, quid non mortalia pectora cogis! Ire iterum in lacrymas, iterum tentare precando Cogitur, et supplex animos submittere amori; Ne quid inexpertum frustra moritura relinquat.

Anna, vides toto properari littore; circùm Undique convenêre ; vocat jam carbasus auras;

Puppibus et læti nautæ imposuêre coronas.

Hunc ego si potui tantum sperarę dolorem,

Et perferre, soror, potero. Miseræ hoc tamen unum, Exsequere, Anna, mihi; solam nam perfidus ille

Te colere, arcanos etiam tibi credere sensus;

Sola viri molles aditus et tempora nôras.

Į, soror, atque hostem supplex affare superbum:

Tous ont leurs soins, leur tâche, et leurs emplois divers,
Et d'ardens travailleurs les chemins sont couverts:
Tel étoit des Troyens le concours unanime.

Et toi, de leur départ malheureuse victime!

Quels étoient tes pensers, quand, presque sous tes yeux,
Tu voyois de tes tours ces apprêts odieux;

Quand des nochers, armés de la fatale rame,
Les cris retentissoient jusqu'au fond de ton ame?
Amour, que ton pouvoir tyrannise les cœurs!
Hélas! il faut encor dans ses folles douleurs
Abaisser la hauteur de cette ame si fière,
Recourir à des pleurs, descendre à la prière,
Et tout tenter au moins avant que de mourir.
Élise, tu le vois, le traître va me fuir.

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» Déjà de toutes parts son vil peuple s'attroupe;
Déjà de ses vaisseaux il couronne la poupe;
>> Sa voile attend les vents: il part, et des rameurs
» L'insolente allégresse insulte à mes douleurs.
» Si j'avois pu m'attendre à ce revers horrible,
» Moins imprévu, ma sœur, il seroit moins terrible.
» J'ai recu si souvent des preuves de ta foi!
» Ma sœur, pour le fléchir je n'espère qu'en toi.
>> Toi seule sur l'ingrat avois pris quelque empire;
» Dans son ame à toi seule il permettoit de lire:
» Seule enfin, près de lui trouvant un doux accueil,
» Tu savois du barbare apprivoiser l'orgueil.
» Va, ma sœur, va trouver cet ennemi farouche;
» Dis-lui
que ma douleur l'implore par ta bouche.

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