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Entouroit de festons, embellissoit de fleurs:
De là sortoient, la nuit, de lugubres clameurs;
Là, d'un cri lamentable elle pense l'entendre
Au fond de son tombeau l'inviter à descendre.
Tantôt l'affreux hibou, seul au sommet des toits,
Traîne en accens plaintifs son effrayante voix.
Tantôt à son esprit, des souvenirs horribles
Représentent des dieux les oracles terribles.
Quelquefois, dans l'horreur des songes de la nuit,
Elle croit voir Énée, elle l'appelle, il fuit:
Il fuit! et, seule en proie à ses inquiétudes,
Elle croit traverser d'immenses solitudes,

Croit chercher ses sujets dans de lointains déserts:
Tel Penthée, après lui traînant tous les enfers,
Voit deux soleils aux cieux, deux Thèbes sur la terre,
Et cent spectres affreux qui lui livrent la guerre :
Tel Oreste éperdu croit voir à ses côtés

Sa mère secouant ses serpens irrités;

Plus loin, la torche en main, et rugissant de joie,
Alecton qui l'attend, prête à saisir sa proie.

Alors, au désespoir remettant son destin,
Elle aborde sa sœur; et, sous un front serein,
Cachant l'affreux projet qui couve dans son ame:
<< Félicite ta sœur, dit-elle: de ma flamme

>>

L'objet n'est plus à craindre, et je sais le moyen » De dégager mon cœur, ou d'enchaîner le sien. » De ces mers où le jour va plonger sa lumière, » Des bornes de l'Afrique où sur sa tête altière

Oceani finem juxta solemque cadentem,
Ultimus Ethiopum locus est, ubi maximus Atlas
Axem humero torquet stellis ardentibus aptum.
Hinc mihi Massylæ gentis monstrata sacerdos,
Hesperidum templi custos, epulasque draconi
Quæ dabat, et sacros servabat in arbore ramos,
Spargens humida mella soporiferumque papaver.
Hæc se carminibus promittit solvere mentes
Quas velit, ast aliis duras immittere curas;
Sistere aquam fluviis, et vertere sidera retro:
Nocturnosque ciet Manes: mugire videbis

Sub pedibus terram, et descendere montibus ornos.
Testor, cara, deos, et te, germana, tuumque
Dulce caput, magicas invitam accingier artes.
Tu secreta pyram tecto interiore sub auras
Erige; et arma viri, thalamo quæ fixa reliquit
Impius, exuviasque omnes, lectumque jugalem,
Quo perii, super imponas. Abolere nefandi

Cuncta viri monumenta jubet monstratque sacerdos.
Hæc effata silet. Pallor simul occupat ora. (52
Non tamen Anna novis prætexere funera sacris
Germanam credit, nec tantos mente furores

» L'infatigable Atlas porte le poids des cieux, » Une antique prêtresse est venue en ces lieux : » Consacrée aux autels des jeunes Hespérides, >> C'est elle qui jadis contre des mains avides >> Protégeoit les fruits d'or de leur fertile enclos, >> Qui d'un miel odorant, mêlé de froids pavots, » Nourrissoit leur dragon, et du monstre sauvage » Endormoit à son choix ou réveilloit la rage. » Son art endort aussi les chagrins amoureux, >> Ou d'un ardent amour réveille tous les feux : » Sous ses pieds tu verras s'ébranler les campagnes, » Les pins déracinés descendre des montagnes, » L'onde arrêter son cours, l'Olympe ses flambeaux, » Et les mânes sortir de la nuit des tombeaux. » J'en atteste le ciel, chère sœur, et toi-même; >> Malgré moi j'ai recours à son pouvoir suprême. > Toi, si tu plains les maux de ce cœur agité, >> Dans un lieu découvert, mais des yeux écarté, » Que par tes soins secrets un bûcher se prépare; » Qu'on y place le fer qu'a laissé le barbare, » Et toute sa dépouille, et ce lit conjugal,

» De ma ruine, hélas! le complice fatal.

» Pour chasser de mon cœur un amour trop funeste,
» Il nous faut de l'ingrat détruire ce qui reste. »
Elle dit, et pâlit. Mais cependant sa sœur

Ne peut de son projet soupçonner la fureur.
Elle n'augure pas de sa douleur cachée

Un désespoir plus grand qu'à la mort de Sichée,

Concipit, aut graviora timet quàm morte Sichæi. (53

Ergo jussa parat.

At regina, pyrå penetrali in sede sub auras
Erectâ ingenti, tædis atque ilice sectâ,
Intenditque locum sertis, et fronde coronat
Funereâ : super exuvias, ensemque relictum,
Effigiemque toro locat, haud ignara futuri.
Stant aræ circùm ; et crines effusa sacerdos (54
Ter centum tonat ore deos, Erebumque, Chaosque,
Tergeminamque Hecaten, tria virginis ora Dianæ.
Sparserat et latices simulatos fontis Averni.
Falcibus et messæ ad lunam quæruntur ahenis

Pubentes herbæ, nigri cum lacte veneni.
Quæritur et nascentis equi de fronte revulsus
Et matri præreptus amor.

Ipsa molâ, manibusque piis, altaria juxta,

Unum exuta pedem vinclis, in veste recinctâ,
Testatur moritura deos, et conscia fati

Sidera: tum, si quod non æquo foedere amantes

Et dresse innocemment le fatal appareil.

Dans un lieu retiré, mais ouvert au soleil,

Des rameaux du sapin, des longs éclats du chêne,
On forme le bûcher; il s'élève; et la reine
Du sacrifice affreux fait les tristes apprêts,
Suspend en noirs festons la feuille du cyprès;
Elle place au sommet la dépouille d'Énée,
Et ce lit nuptial qu'a maudit l'hyménée,
Et le fer du parjure, et son image, hélas!
Instrumens et témoins de son prochain trépas.
Les autels sont dressés; la prêtresse terrible
Court, les cheveux épars, lance un regard horrible.
Tout à coup sa voix tonne; elle invoque et Pluton,
Et la triple Diane, et l'ardent Phlégéthon;
Réveille le Chaos dans ses abîmes sombres,
Et trouble par ses cris le long repos des ombres;
Puis d'une onde funèbre elle verse les flots
Qui du noir Achéron représentent les eaux;
Exprime un lait impur d'une herbe empoisonnée,
Au flambeau de la nuit par l'airain moissonnée.
Enfin, pour rendre encor le charme plus puissant,
Elle y joint la tumeur que le coursier naissant
Apporte sur son front, et que, pour ce mystère,
On enlève aussitôt à son avide mère.

La reine sans ceinture, un pied sans brodequin,
Déjà tient son offrande en sa tremblante main.
Dévouée, à la mort, en silence elle atteste

Les dieux, sacrés témoins de son destin funeste,

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