>> Quoi!mourir sans vengeance! Oui, mourons: pour mon cœur » La mort même, à ce prix, la mort a sa douceur. » Que ces feux sur les eaux éclairent le parjure. >> Frappons. Fuis, malheureux, sous cet affreux augure! A peine elle achevoit, que du glaive cruel Ses suivantes ont vu partir le coup mortel, Ont vu sur le bûcher la reine défaillante, Dans ses sanglantes mains l'épée encor fumante. La funeste nouvelle est semée en tous lieux, Les dômes du palais et les voûtes des cieux Retentissent au loin de clameurs lamentables. La Renommée accroît ces bruits épouvantables; La terreur, à sa voix, vole de toutes parts: On diroit qu'une armée a brisé leurs remparts, Et livre au fer tranchant, aux dévorantes flammes, Les temples, les palais, les enfans et les femmes. Sa sœur tremblante accourt à ce tumulte affreux; Et, meurtrissant son sein, arrachant ses cheveux, Vers la reine expirante elle vole et l'appelle : « Didon, il est donc vrai, tu me trompois, cruelle! » Quoi! ce bûcher fatal, ces autels et ces feux >> N'étoient donc de ta mort que les apprêts pompeux! » Élise en tous les temps partagea ta fortune; » D'où vient que cette mort ne nous est pas commune? » Par d'aussi durs mépris peux-tu payer ma foi? » Didon, j'aurois du moins expiré près de toi! >> Oui, la même douleur auroit, à la même heure, » Précipité nos jours dans la sombre demeure! Idem ambas ferro dolor, atque eadem hora, tulisset. His etiam struxi manibus, patriosque vocavi Tum Juno omnipotens, longum miserata dolorem Difficilesque obitus, Irim demisit Olympo, Quæ luctantem animam nexosque resolveret artus. Nam, quia nec fato, meritâ nec morte, peribat, » Ma main a donc dressé ce bûcher odieux! >> Ma voix pour ton trépas invoquoit donc les dieux! » Et, par un piége affreux, ta cruelle prudence >>> Pour assurer ta mort s'assuroit mon absence! » Oui, Didon, tu perds tout par ce noir attentat, » Et toi-même, et ta sœur, et la ville, et l'état. » Courez, secondez-moi : de l'onde la plus pure » Que j'étanche son sang, et lave sa blessure; » Et sur sa bouche encor s'il erre un vain soupir, » Que ma bouche du moins puisse le recueillir! » Vers le bûcher funèbre à ces mots élancée, Et serrant dans ses bras sa sœur presque glacée, Elle arrête son sang, la réchauffe. A ses cris, Didon rouvre en mourant ses yeux appesantis; Sa force l'abandonne; au fond de sa blessure, Son sang en bouillonnant forme un triste murmure. Trois fois, avec effort, sur un bras se dressant, Trois fois elle retombe, et, d'un œil languissant, Levant un long regard vers le céleste empire, Cherche un dernier rayon, le rencontre, et soupire. Alors Junon, plaignant son pénible trépas, Et de sa longue mort les douloureux combats, Pour arracher son ame à sa prison mortelle, Fait descendre des cieux sa courrière fidèle; Car l'affreux désespoir ayant, avant le avant le temps, Par une mort précoce abrégé ses instans, Sed misera ante diem, subitoque accensa furore, Ne l'avoit point encor dévouée à la mort, Ni coupé le cheveu d'où dépendoit son sort. Sur son aile brillante, au soleil exposée, Peinte de cent couleurs, humide de rosée, Iris descend des cieux, s'arrête sur Didon: « Je coupe le cheveu réservé pour Pluton, » C'en est fait, de tes jours ainsi finit la trame, » Des chaînes de ton corps je dégage ton ame, » Lui dit-elle. A ces mots, sa secourable main Tranche avec le cheveu son malheureux destin.. Sa chaleur l'abandonne, et son ame s'exhale, Et la mort seule éteint sa passion fatale. |